Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part d'annuler les décisions du 27 janvier 2021 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté leurs demandes de titre de séjour et d'autre part d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2101756 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2023, Mme et M. B..., représentés par Me Almairac, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 1er juin 2023 ;
2°) d'annuler les décisions du 27 janvier 2021 par lesquelles le préfet des
Alpes-Maritimes a refusé leur admission exceptionnelle au séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à Me Almairac qui renonce par avance à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- les décisions en litige ne sont pas suffisamment motivées, en l'absence de mention des données propres à leurs situations personnelles ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et personnel de leurs situations respectives ;
- en refusant de les admettre au séjour, le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et les prévisions de la circulaire du 28 novembre 2012, et a commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'ils sont présents en France depuis
dix ans, qu'ils justifient de promesses d'embauche, que leur fille y réside régulièrement et que leur retour en Ukraine les expose à un risque certain pour leur vie ;
- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
La requête de Mme et M. B... a été communiquée au préfet des
Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.
Considérant ce qui suit :
1. Mme et M. B..., nés respectivement en 1979 et 1973, de nationalité ukrainienne, ont demandé le 18 décembre 2020 leur admission exceptionnelle au séjour, que leur a refusée le préfet des Alpes-Maritimes par deux décisions du 27 janvier 2021. Par un jugement du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande qu'il a regardée comme tendant seulement à l'annulation du refus d'admettre Mme B... au séjour et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui accorder un titre de séjour. Mme et M. B... relèvent appel de ce jugement en demandant l'annulation des décisions du 27 janvier 2021 refusant leur admission exceptionnelle au séjour et qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer un titre de séjour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, constituées de contrats d'habitation, de quittances de loyers, de factures et de certificats médicaux, produits pour la première fois en appel, ainsi que des passeports des requérants établis en 2015 et 2019, que Mme et M. B..., mariés depuis le 15 septembre 2010, sont présents en France respectivement depuis 2014 et octobre 2017, où réside leur fille née en 2003, scolarisée depuis 2014, inscrite à l'université depuis 2021 et titulaire de titres de séjour successifs, le dernier étant valable jusqu'en 2026, et où ils ont installé le centre de leurs intérêts personnels et familiaux. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France des intéressés, et de l'impossibilité pour ceux-ci de regagner leur pays d'origine, les refus de titre de séjour en litige ont en l'espèce porté à leur droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ils ont été pris. Il y a donc lieu pour ce motif d'annuler le jugement attaqué et les décisions en litige, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
5. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation des requérants se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention des décisions en litige, la délivrance à Mme et à M. B... de titres de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de leur délivrer ces titres dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, au cas d'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que le conseil des requérants, Me Almairac, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à ce conseil, sur le fondement des dispositions précitées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2101756 rendu le 1er juin 2023 par le tribunal administratif de Nice et les décisions du 27 janvier 2021 par lesquelles le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté les demandes d'admission au séjour de Mme et de M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme B... et à M. B... des titres de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Almairac, avocat de Mme B... et de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme et de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à M. C... B..., à Me Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
N° 23MA028282