Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... Orian a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice l'a révoqué à titre disciplinaire, d'autre part, d'enjoindre au ministre de la justice de le réintégrer et enfin, de neutraliser certains effets de l'annulation de cette décision tel le remboursement des allocations de pôle emploi perçues.
Par un jugement n° 2100854 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé cet arrêté, a enjoint au ministre de la justice de procéder à la réintégration de M. Orian à la date de son éviction et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête sommaire, enregistrée le 7 juillet 2023 sous le n° 23MA01738, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 23 mai 2023 ;
2°) de rejeter la demande de M. Orian.
Le ministre soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il a annulé la sanction en litige pour disproportion ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré cette sanction comme disproportionnée et l'a annulée pour ce motif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2024, M. Orian, représenté par Me Dragone, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable faute d'être suffisamment motivée au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;
- sur appel incident, il doit être jugé qu'il n'a commis aucune faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire,
- subsidiairement, le jugement sera confirmé et la sanction annulée pour disproportion ;
- le jugement attaqué n'a pas été exécuté et l'annulation a été suivie d'une nouvelle sanction, d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, fondée sur les mêmes griefs que la sanction annulée.
Par une ordonnance du 3 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mai 2024 à 12 heures, puis a été reportée au 28 mai 2024 à 12 heures, par une ordonnance du 15 mai 2024.
Un mémoire a été produit par le garde des sceaux, ministre de la justice, le 28 mai 2024 à 12 heures 02, et n'a pas été communiqué.
Par une lettre du 30 mai 2024, la Cour a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire les comptes rendus professionnels de collègues de travail de M. Orian auxquels il se réfère dans son mémoire devant le tribunal, les signalements du psychologue du service ou du psychologue coordinateur régional, et les demandes de protection fonctionnelle auxquels il renvoie dans ce même mémoire, ainsi que le compte rendu détaillé de la séance du conseil de discipline.
Par une lettre du 30 mai 2024, la Cour a demandé à M. Orian, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire ses observations écrites adressées au conseil de discipline.
Le 30 et le 31 mai 2024, des pièces ont été produites respectivement par M. Orian et par le garde des sceaux, ministre de la justice.
Par un mémoire enregistré le 16 juin 2024, M. Orian demande que soient écartées des débats les pièces produites par le garde des sceaux, ministre de la justice, le 30 mai 2024, dès lors que ces pièces ont été produites tardivement et qu'elles sont contradictoires, établies pour les besoins de la cause ou absentes des éléments portés à sa connaissance lors de la procédure disciplinaire.
II - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 24MA00393, les 18 novembre et 21 décembre 2023, les 11 janvier , 14 février, 19 février et 10 juin 2024,
M. Orian demande à la Cour de prononcer une astreinte à l'encontre de l'Etat afin d'assurer l'exécution du jugement n° 2100854 rendu le 23 mai 2023 par le tribunal administratif de Toulon annulant sa révocation disciplinaire et enjoignant au garde des sceaux, ministre de la justice, de le réintégrer et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois.
Il soutient que :
- aucune mesure n'a été prise par le ministre pour exécuter ce jugement en ce qu'il est relatif à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, pour la période du 15 mai 2021, date de sa révocation illégale, au 3 juillet 2023, date d'entrée en vigueur de sa mise à pied non rétroactive ;
- s'il existe un arrêté d'élévation à l'échelon supérieur du 11 août 2023, celui-ci ne lui a jamais été notifié, et n'est pas signé ;
- la reconstitution de ses droits sociaux a été opérée sur une période dont la date d'échéance est erronée, celle-ci ayant dû être le 3 juillet 2023, date de notification de sa mise à pied, et non le 16 ou le 19 juin 2023 ;
- il aurait dû être réintégré également pendant la période comprise entre le 10 août 2023, date de l'ordonnance de référé suspendant l'exécution de son exclusion temporaire de fonctions, et le 29 décembre 2023, date de la décision du Conseil d'Etat qui annule cette ordonnance.
Par une ordonnance du 19 février 2024, la présidente de la Cour a prescrit l'ouverture d'une procédure juridictionnelle pour assurer l'exécution du jugement n° 2100854 rendu le 23 mai 2023 par le tribunal administratif de Toulon.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de M. Orian.
Une note en délibéré présentée pour M. Orian, par Me Dragone, a été enregistrée le
21 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. Orian, conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, affecté au service pénitentiaire d'insertion et de probation de Toulon depuis le 1er septembre 2015, a été l'objet d'une révocation disciplinaire prononcée, après avis favorable du conseil de discipline du 3 mars 2021, par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 15 mars 2021. Par un jugement du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette sanction et enjoint au ministre de procéder à la réintégration de M. Orian à la date de son éviction et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de la justice relève appel de ce jugement par sa requête n° 23MA01738 et M. Orian demande à la Cour, par sa requête n° 24MA00393, de prononcer une astreinte à l'encontre de l'Etat afin d'assurer l'exécution de cette décision.
2. Les requêtes n° 23MA01738 et n° 24M00393 ont trait au même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 23MA01738 :
En ce qui concerne la recevabilité de l'appel du garde des sceaux, ministre de la justice :
3. Contrairement à ce que soutient M. Orian, la requête du ministre, bien que sommaire, comporte, en ce qu'elle soulève le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement dont l'annulation est demandée, l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises à la Cour, conformément aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La circonstance que le mémoire complémentaire annoncé par le ministre n'ait pas été produit avant la clôture de l'instruction est sans incidence sur la recevabilité de la requête, alors d'ailleurs, qu'aucune mise en demeure de présenter ce mémoire ne lui a été adressée par la Cour.
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
5. En se bornant à relever, au point 10 de son jugement, que les fautes commises par M. Orian, constitutives de manquements à l'obligation d'obéissance hiérarchique et de moralité, " ne sont pas de nature à justifier la sanction de révocation qui lui a été infligée, laquelle est la plus grave pouvant être prononcée à l'encontre d'un fonctionnaire, et qui est, en l'espèce, disproportionnée ", le tribunal n'a pas livré les raisons pour lesquelles une telle sanction est hors de proportion avec de telles fautes. Par suite, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que le jugement attaqué n'est pas, dans cette mesure, suffisamment motivé et qu'il est, pour ce motif, entaché d'irrégularité. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et de constater, par voie de conséquence, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur l'appel incident formé par M. Orian et dirigé, exclusivement et en tout état de cause, contre les motifs par lesquels le tribunal a annulé sa révocation à titre disciplinaire.
6. Au cas d'espèce, il y a lieu également d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande de M. Orian.
En ce qui concerne la légalité de la révocation disciplinaire :
S'agissant de la légalité externe de la sanction :
7. D'une part, M. Orian soutient que l'autorité disciplinaire n'a pas porté à sa connaissance, avant de prononcer sa révocation, les faits qui lui sont reprochés et consistant, d'une part, à avoir conservé dans son armoire, un dossier comportant de nombreux originaux datant de 2017 à 2019, concernant le suivi d'une soixantaine de personnes et, d'autre part, dans le rapport de la psychologue clinicienne concernant son comportement déplacé. Mais il ressort des éléments de l'instruction que figuraient au dossier disciplinaire qu'il a pu consulter le 15 février 2021, non seulement le compte rendu professionnel établi par sa directrice le 24 septembre 2020 au sujet des premiers faits, mais également, s'agissant des seconds, le rapport de la psychologue établi le 6 octobre 2020. Ainsi, son moyen tiré de la méconnaissance du principe des droits de la défense ne peut être accueilli.
8. D'autre part, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe, que l'autorité disciplinaire serait tenue de diligenter une enquête administrative sur les faits qu'elle entend retenir au nombre des griefs justifiant le prononcé d'une sanction disciplinaire. Par suite, M. Orian ne peut pas utilement se plaindre de ce que le grief lié à la présence de nombreux originaux dans son armoire sans aucune organisation aurait dû donner lieu à une enquête administrative avant d'être retenu par le ministre pour décider sa révocation.
9. Enfin, en l'absence de dispositions particulières expresses, applicables aux fonctionnaires de l'Etat, aucun principe général applicable à la procédure disciplinaire n'impose que l'avis rendu par le conseil de discipline soit communiqué au fonctionnaire poursuivi préalablement à l'intervention de la décision de sanction. Si M. Orian relève que l'avis du conseil de discipline du 3 mars 2021, qui lui a été communiqué par le ministre au cours de la première instance, ne mentionne pas les qualités des membres qui y ont siégé, et qu'il est ainsi impossible de s'assurer de la régularité de la composition de cet organisme consultatif, aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas le décret du 25 octobre 1984 sur la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, n'impose que cet avis mentionne de telles indications, alors que le procès-verbal de la séance du conseil, communiqué par le ministre devant la Cour, démontre le respect des dispositions applicables à sa composition. Il ne ressort ni de ces éléments, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le conseil de discipline aurait manqué à son devoir d'impartialité.
S'agissant de la légalité interne de la sanction :
10. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / Premier groupe : - l'avertissement ; - le blâme ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours. / Deuxième groupe : - la radiation du tableau d'avancement ;- l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ;- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ;- le déplacement d'office./ Troisième groupe :- la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans./ Quatrième groupe : - la mise à la retraite d'office ; - la révocation. ".
11. En l'absence de disposition législative contraire, il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public.
12. Pour prononcer la révocation à titre disciplinaire de M. Orian, après avis favorable du conseil de discipline, le ministre de la justice a retenu les griefs tirés, premièrement, de son refus d'obéir à sa hiérarchie ainsi qu'aux consignes d'un juge d'application des peines, deuxièmement, de son emportement et de son agressivité verbale à l'égard de sa cheffe d'antenne, le 10 juin 2020, troisièmement, d'un canular organisé à l'égard de la psychologue de l'antenne de Toulon, le 28 septembre 2020 et, dernièrement, de son comportement inadapté, agressif et incompatible avec ses fonctions, à l'égard de la communauté de travail et de ses collègues pris individuellement.
13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le 14 janvier 2020, le juge d'application des peines a demandé au service de M. Orian non seulement des indications précises sur les raisons pour lesquelles l'une des personnes placées sous surveillance électronique, et suivies par M. Orian, avait méconnu les horaires de surveillance le 11 janvier 2020, mais encore communication des justificatifs du travail de cette personne en décembre 2019 et de son planning pour les quatre semaines à venir. En dépit de relances du juge les 21 et 24 janvier, relayées par la directrice de M. Orian les 21, 24 et 28 janvier 2020, celui-ci s'est borné à établir des rapports ponctuels faisant état du silence gardé par l'intéressé sur ses propres relances, sans préciser les motifs de la méconnaissance de ses obligations par la personne surveillée ni les pièces qu'il lui avait demandées. M. Orian, qui ce faisant a refusé d'exécuter complètement l'une des consignes adressées par sa hiérarchie, ne peut utilement contester avoir commis de la sorte une faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction, ni en relativisant la gravité du manquement commis par la personne dont il avait la charge du suivi, ni en se prévalant d'une prétendue pratique dans le service consacrant une liberté d'appréciation pour transmettre au juge d'application des peines les manquements de faible importance, ni en invoquant l'impossibilité statutaire pour un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de contraindre à la production de documents. Il ressort en outre des pièces du dossier, notamment de la demande d'explications qui lui a été adressée le 31 janvier 2020 par la directrice pénitentiaire d'insertion et de probation, et il n'est pas contesté, que M. Orian a refusé d'établir un nouveau rapport concernant ces circonstances le 28 janvier 2020, et a confirmé ce refus au cours d'un entretien avec le directeur fonctionnel des services pénitentiaires d'insertion et de probation du Var et cette directrice à laquelle il a refusé d'adresser la parole et au sujet de laquelle il a tenu des propos désobligeants. Un tel refus, tant par son contenu que par ses conditions de formulation, constitue une faute de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.
14. En deuxième lieu, il ressort du compte rendu professionnel établi par la directrice pénitentiaire d'insertion et de probation le 31 janvier 2020, que celle-ci a pu constater dans l'armoire du bureau de M. Orian qu'étaient conservées dans une pochette, des pièces originales de dossiers concernant une soixantaine de personnes sous surveillance pour la période 2017-2019, sans aucune organisation. Si aucun élément de l'instance ne corrobore la supposition de cette directrice selon laquelle ces pièces peuvent ne pas avoir été transmises au juge d'application des peines, M. Orian ne conteste pas efficacement la valeur et la portée des constatations de sa supérieure hiérarchique concernant des documents originaux, qui ne sont pas empreintes de partialité, en se bornant à souligner que du fait de ses fonctions, il était amené à détenir plusieurs copies d'un même document, et que celle-ci n'a pas tenté de vérifier la présence de ces documents dans les archives. C'est donc sans commettre d'inexactitude matérielle ni d'erreur dans la qualification juridique des faits, que le ministre a pu considérer que le grief énoncé au point 12, en ce qu'il traduit un refus d'exécuter complètement les consignes de travail, n'est pas isolé, et constitue une faute disciplinaire.
15. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et il est d'ailleurs constant que les 8 janvier et 28 septembre 2020, M. Orian a adressé à la psychologue clinicienne du service pénitentiaire d'insertion et de probation des courriels lui laissant croire au suivi d'une personne condamnée et lui demandant à le recevoir, qui contrairement à ce qu'il soutient, ne relèvent pas de la correspondance privée, eu égard à leur présentation et à l'usage de la messagerie professionnelle. Il ressort du rapport de cette psychologue à sa hiérarchie du 6 octobre 2020, que M. Orian, qui ne discute pas efficacement le contenu précis et circonstancié de ce document, malgré l'erreur affectant l'une des dates qu'il mentionne, a tenu à son égard, en septembre 2020, des propos déplacés sur son physique. Ce comportement est également constitutif d'une faute disciplinaire.
16. En quatrième lieu, pour étayer le grief lié aux propos désobligeants et insultants imputés à M. Orian et tenus le 10 juin 2020 à l'égard de sa cheffe d'antenne, le ministre produit, outre la convocation de l'intéressé devant le conseil de discipline qui en restitue le contenu précis, quatre attestations et rapports de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ayant assisté à ces invectives. D'ailleurs, M. Orian a admis ces faits dans sa requête introductive devant le tribunal, en en relativisant la portée en raison du harcèlement dont il aurait fait l'objet mais au sujet duquel il ne livre aucune circonstance précise, et en rappelant avoir été placé en congé de maladie à la suite de ces circonstances. Dans ces conditions, M. Orian ne remet pas valablement en cause la matérialité de ce grief, dans ses mémoires complémentaires devant le tribunal, en se bornant à relever qu'il n'a donné lieu à aucun questionnaire de sa hiérarchie ni à production de pièce au dossier disciplinaire. Enfin, contrairement à ce qu'affirme M. Orian dans ses observations d'appel sur les pièces produites par le ministre en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait, à cette occasion, refusé d'exécuter un ordre manifestement illégal et aurait été placé dans une situation justifiant la mise en œuvre régulière de son droit de retrait. Le moyen tiré de l'erreur de fait qui affecterait ce grief ne peut donc qu'être écarté.
17. En cinquième lieu, M. Orian ne peut utilement soutenir que son refus de se présenter devant le conseil de discipline ne peut lui être imputé au titre d'une faute disciplinaire dès lors qu'il résulte des motifs de l'arrêté en litige que le ministre n'a pas retenu cette circonstance comme l'un des griefs justifiant la sanction, mais comme un élément du contexte d'intervention de la sanction. Il en va de même de la circonstance, qui n'a été évoquée par le ministre qu'au cours de l'instance de référé, que M. Orian aurait injurié le juge d'application des peines.
18. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier, et plus spécialement de rapports et de comptes rendus professionnels de cinq conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation du service de M. Orian, ainsi que des rapports de la psychologue des personnels du 12 août 2020 et du psychologue coordinateur de la direction inter-régionale du 21 août 2020, qui sont particulièrement circonstanciés et exempts de contradictions ou d'incohérences, que l'intéressé adopte depuis plusieurs années une attitude à la fois désinvolte et agressive à l'égard de sa hiérarchie, ainsi que des comportements moqueurs et vexatoires à l'égard de la collectivité de travail comme d'agents pris isolément, dont certains ont présenté, à ce titre, des demandes de protection fonctionnelle, et a contribué à créer un climat de tension dans ce service. La simple circonstance que les pièces, précédemment évoquées, de nature à étayer le grief tenant au comportement de M. Orian à l'égard de la communauté de travail et de ses collègues et à établir la commission d'une faute disciplinaire, ont été produites par le garde des sceaux, ministre de la justice, pour la première fois en cause d'appel, et en réponse à la demande de la Cour présentée en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, n'est pas propre à justifier qu'elles soient écartées des débats, contrairement à ce que soutient l'intéressé. C'est donc sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur de qualification juridique que le ministre s'est fondé sur de tels manquements pour prononcer la sanction litigieuse.
19. Enfin, les fautes commises par M. Orian en janvier, juin et septembre 2020, consistant en des refus d'exécuter les ordres de sa hiérarchie, en un comportement agressif à l'égard de sa directrice et de sa cheffe d'antenne et en une attitude déplacée à l'endroit de la psychologue clinicienne du service, traduisent chez l'agent de réelles difficultés à admettre l'autorité hiérarchique, à conserver le positionnement adéquat à son égard, ainsi qu'à entretenir des relations normales de travail avec l'une de ses collègues de service. De tels manquements, qui s'ajoutent au climat de tension que cet agent a contribué à installer dans son service par ses propos et comportements, révèlent, par leur nature, leur gravité et leur persistance, une impossibilité pour l'intéressé de continuer d'exercer ses fonctions, eu égard à leur nature et aux obligations particulières pesant sur un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, alors que le 24 mai 2011, M. Orian a fait l'objet d'un déplacement d'office à titre disciplinaire pour un refus d'obéir et des propos irrespectueux envers sa hiérarchie. Par suite, M. Orian n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant, par l'arrêté en litige, de le révoquer au motif de ces fautes, le ministre de la justice a, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée. Ses conclusions tendant à l'annulation de cette sanction doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses prétentions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 24MA00393 :
20. Le présent arrêt annule le jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé la révocation disciplinaire de M. Orian et a enjoint au ministre de la justice de procéder à sa réintégration à la date de son éviction et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et rejette au fond la demande de M. Orian aux fins d'annulation et d'injonction. Dès lors, la demande de celui-ci tendant à ce que la Cour prononce une astreinte à l'encontre de l'Etat en vue de l'exécution de ce jugement ne peut qu'être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel incident présentées par
M. Orian contre le jugement n° 2100854 du tribunal administratif de Toulon du 23 mai 2023.
Article 2 : Le jugement n° 2100854 rendu le 23 mai 2023 par le tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. Orian devant le tribunal administratif de Toulon, ses conclusions d'appel aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que sa demande présentée devant la Cour et tendant à l'exécution du jugement n° 2100854 rendu le 23 mai 2023 par le tribunal administratif de Toulon, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... Orian.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
N° 23MA01738, 24MA003932