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28/06/2024 | FRANCE | N°24MA00354

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 28 juin 2024, 24MA00354


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2307611 du 23 octobre 2023, la magistrate désignée près le tribunal administratif de Mars

eille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2307611 du 23 octobre 2023, la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2024, M. B..., représenté par Me Ali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen réel et complet de sa situation ;

- l'arrêté n'a pas été précédé d'un examen réel et complet de sa situation dès lors qu'il avait déposé une demande de titre de séjour qui n'est pas mentionnée et sur laquelle il n'avait pas été statué ;

- il réside en A... depuis plus de neuf ans avec sa famille, insérée dans la société française ; ses enfants y sont scolarisés ; l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article L. 435-1 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2024, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Un mémoire présenté pour M. B... par Me Ali a été enregistré le 12 juin 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, et n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- et les observations de Me Ali, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe né en 1971, relève appel du jugement du 23 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2023 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est père de trois enfants respectivement nés en 2005, 2011 et 2014 et âgés d'un peu moins de neuf, trois et un an lors de leur arrivée en A... en 2014. Ces derniers ont suivi toute leur scolarité sur le territoire, en donnant toute satisfaction, et s'apprêtaient à entrer, à la date de la décision attaquée, en classe de terminale professionnelle technicien d'études du bâtiment, 5ème et cours moyen 1ère année. Dans ces circonstances particulières eu égard à leur âge, à la durée et à la réussite de leur scolarité en A..., un retour en Russie des deux enfants mineurs de M. B... serait de nature à porter atteinte à l'intérêt supérieur de ces derniers. Les décisions en litige, qui impliquent soit le départ des enfants de A..., soit leur séparation de leur père, méconnaissent ainsi les stipulations citées ci-dessus.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

5. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Par suite, son avocat, Me Ali, peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ali de la somme de 1 500 euros à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée près le tribunal administratif de Marseille du 23 octobre 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-de-Haute-Provence du 4 août 2023 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ali une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ali renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Amir Ali et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2024.

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N° 24MA00354

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00354
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : ALI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;24ma00354 ?
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