Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2301699 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Hubert, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 7 décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- en lui refusant l'admission au séjour, le préfet a méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors que la décision de refus de titre de séjour est illégale ;
- le préfet ne pouvait légalement décider de l'obliger à quitter le territoire français, dès lors qu'il devait se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 décembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., ressortissant ivoirien né en 1976, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'arrêté du 7 décembre 2022 vise notamment les articles L. 423-23 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il fait état de ce que M. A... déclare être entré en France en 2008, et indique que les documents produits par l'intéressé ne témoignent pas du caractère habituel et ininterrompu de sa résidence en France depuis son arrivée alléguée. Il précise que l'intéressé se déclare célibataire et sans enfants, et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où résideraient notamment plusieurs membres de sa fratrie, et indique qu'il ne démontre pas une insertion sociale ou professionnelle suffisante sur le territoire français. Ainsi, cet arrêté, contrairement à ce qui est soutenu, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision portant refus d'admission au séjour, et qui permettent de vérifier que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen de la situation personnelle de M. A....
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". D'autre part, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".
4. Si M. A... soutient avoir résidé de façon continue sur le territoire français depuis 2008, les documents qu'il verse au dossier sont insuffisamment probants et diversifiés pour établir la réalité de cette allégation. Plus particulièrement, il ne produit pour les années 2008 à 2011 que quelques documents, relatifs pour l'essentiel à des examens médicaux, ne produit pour les années 2013 et 2015 qu'une promesse d'embauche et trois contrats de travail, et ne verse aux débats aucun document pour l'année 2014. De même, pour les années 2016 et 2017, il se borne à produire un contrat de travail ainsi que quelques factures commerciales et tickets de caisse qui ne permettent pas de justifier d'une résidence continue en France. En outre, si M. A... fait état de la présence en France de sa mère, de sa sœur et de sa demi-sœur, il est célibataire et sans charges de famille en France, et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales en Côte d'Ivoire, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Enfin, il ne justifie pas d'une insertion socio-professionnelle à la date de l'arrêté en litige. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par la décision attaquée. Il n'a donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
6. Les conditions du séjour en France de l'appelant, telles qu'analysées au point 4, ne font pas apparaître de considération humanitaire ou de motif exceptionnel justifiant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant la décision contestée, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle-envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 423-23 et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Il suit de ce qui a été dit au point 4 que M. A... n'est pas en situation de bénéficier de plein droit d'une carte de séjour sur le fondement de cet article. Par ailleurs, si le deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du même code dispose que " Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour ", il résulte de ce qui a été dit au même point 4 que le requérant ne remplit pas cette condition. Par suite, M. A... ne peut valablement soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône était tenu de saisir la commission du titre de séjour.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".
9. Les dispositions précitées de l'article L. 613-1 du code précité prévoient que la motivation d'une obligation de quitter le territoire français qui assortit un refus de délivrance de titre de séjour se confond avec celle de cette dernière décision, laquelle est en l'espèce suffisamment motivée ainsi qu'il a été dit au point 2. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la mesure d'éloignement en litige doit être écarté.
10. En sixième lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est fondé ni à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, ni à soutenir que le préfet ne pouvait légalement décider de l'obliger à quitter le territoire français au motif qu'il aurait dû se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.
11. En septième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 4, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Doit également être écarté pour ces motifs le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent par voie de conséquence être rejetées. Il en va de même de ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Hubert et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2024.
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N° 23MA02683