Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Must a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 2000595 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2022, la société Must, représentée par Me Liperini, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000595 du 10 juin 2022 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- c'est à tort que l'administration a estimé que le coefficient de déduction afférente à la taxe sur la valeur ajoutée relative à la location d'un bateau pris en crédit-bail était nul ;
- les rectifications des bénéfices industriels et commerciaux ne sont pas fondées ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens relatifs aux bénéfices industriels et commerciaux sont inopérants ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 10 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Must, société à responsabilité limitée imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et qui a pour objet social la location d'un bateau de plaisance, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une proposition de rectification du 28 juillet 2016 lui a été notifiée. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, assorti des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré, au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. La société Must relève appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de cette imposition.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une proposition de rectification, pour être régulière, doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de manière utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. La proposition de rectification du 28 juillet 2016 mentionne la taxe sur la valeur ajoutée et les périodes en litige, le montant des bases d'imposition et les dispositions du code général des impôts qui fondent, en droit, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en cause. Elle rappelle les circonstances de fait et les motifs qui ont conduit l'administration à estimer que la société Must a mis à la disposition gratuite de ses actionnaires le bateau qu'elle détient. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, la proposition de rectification est suffisamment motivée.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I. Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission (...) II. Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées (...) ".
5. La société Must a pris en crédit-bail un bateau de type " Sessa Marine C 38 " à compter du mois de juillet 2009. Ayant constaté une location à des tiers d'une durée limitée à 22 jours en 2013, 28 jours en 2014 et 33 jours en 2015, l'administration a remis en cause la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux dépenses relatives à ce bateau qu'avait pratiquée la société Must, au motif qu'elle l'avait mis à disposition gratuite de ses actionnaires. Elle a ainsi déterminé une proportion d'utilisation commerciale de 10,28 % en 2013, 13,08 % en 2014 et 15,42 % en 2015, en retenant une période de location possible limitée à 214 jours, soit du 1er avril au 30 octobre de chacune des années. Si le vérificateur a conclu à un coefficient d'admission nul au motif que le bateau aurait été utilisé à plus de 90 % à des fins étrangères à l'entreprise, au stade de la réponse aux observations du contribuable du 30 novembre 2016, l'administration a admis un coefficient d'assujettissement de 0,11 en 2013, 0,13 en 2014 et 0,15 en 2015 et abandonné le rappel de taxe sur la valeur ajoutée à due concurrence.
6. Il résulte de l'instruction que l'administration, qui a constaté que le bateau en cause n'a été loué que six fois entre 2013 et 2015, dont trois pour des durées d'une à trois journées, les trois autres locations d'une durée significative étant effectuées au profit d'une même personne physique, a ainsi relevé que les locations n'avaient été que ponctuelles. Si la société Must soutient qu'elle aurait engagé des démarches pour assurer la location du bateau, elle se borne à produire une insertion d'une annonce publicitaire sur un site internet datée du 29 septembre 2016, postérieure aux années en litige et qui n'établit aucune promotion au titre de ces années, ce document mentionnant d'ailleurs une location à Mandelieu-la-Napoule alors qu'il est constant que le port d'attache du bateau était à Villeneuve-Loubet. Elle ne justifie d'aucune démarche commerciale au titre des années en cause en se bornant à renvoyer à un autre site internet et à soutenir qu'il serait d'usage de procéder à une publicité directement auprès de la capitainerie du port d'attache, sans aucune précision ni élément matériel. La société Must, qui reconnait que le bateau a été utilisé à des fins privatives, n'apporte aucun élément qu'elle seule est en mesure de produire de nature à établir que ce bateau aurait été affecté à une exploitation commerciale hors des périodes retenues par l'administration, en se bornant à faire valoir que son associé exerce une activité de chirurgien-dentiste et ne peut utiliser le bateau qu'en fin de semaine et en périodes de vacances, ce qui ne justifie aucunement d'une volonté d'exploitation commerciale pour les autres périodes de l'année et ne retire pas l'affectation du bien à des fins privées. En outre, alors que l'administration a admis de calculer un pourcentage de déduction en retenant une période possible d'exploitation commerciale seulement du 1er avril au 30 octobre de chacune des années en litige, la société Must n'apporte en tout état de cause aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles l'exploitation commerciale du bateau n'aurait été possible que quatre mois dans l'année. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le droit à déduction totale de la taxe sur la valeur ajoutée dont s'est prévalue la société Must.
7. A cet égard, dès lors que l'administration a admis une taxe sur la valeur ajoutée déductible au stade de la réponse aux observations du contribuable, la société Must n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que l'exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en cas d'une faible proportion de l'utilisation d'un bien à des fins professionnelles serait contraire au droit communautaire.
8. Par ailleurs, si la société Must soutient que les rectifications notifiées en matière de bénéfices industriels et commerciaux ne sont pas fondées, les moyens invoqués sont inopérants pour contester le rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui est seul en litige.
Sur les pénalités :
9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
10. Pour justifier l'application de la pénalité prévue au a) de l'article 1729 au rappel de taxe sur la valeur ajoutée précédemment décrit, l'administration s'est fondée sur la circonstance que la société Must n'avait pas de réelle activité commerciale, son existence ayant pour but de mettre un bateau à la disposition de ses associés, et qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle diminuait irrégulièrement le montant de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle collectait par ailleurs, pour des montants importants au regard du volume de son activité, dès lors qu'elle avait déjà fait l'objet d'un rappel pour les mêmes motifs au titre des années antérieures. L'administration justifie ainsi de l'existence d'un manquement délibéré commis par la société Must et, par suite, du bien-fondé de l'application de la pénalité en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Must n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, de l'imposition en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Must demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de la société Must est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Must et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2024.
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N° 22MA02187