Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015.
Par un jugement n° 2106496 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a réduit la base de l'imposition à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et aux contributions sociales d'une somme de 17 953 euros, déchargé, en droits et majorations, M. et Mme B... des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 correspondant à cette réduction de la base d'imposition et rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Roustouil, demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 2106496 du 12 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le montant des revenus regardés comme distribués par la société Bâti Concept est erroné.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation des articles 1er et 2 du jugement n° 2106496 du 12 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille et le rétablissement des impositions.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la preuve de l'exagération de la taxe sur la valeur ajoutée collectée rappelée au taux normal était apportée ;
-les moyens invoqués par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Roustouil, pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces, au terme duquel une proposition de rectification du 3 août 2017 leur a été notifiée. A l'issue de la procédure, ils ont été assujettis à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2015 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en conséquence de la vérification de comptabilité de la société Bâti Concept, dont M. B... était gérant et associé, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 40 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts pour défaut de déclaration malgré une mise en demeure. Par un jugement du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a réduit la base de l'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales d'une somme de 17 953 euros, a déchargé, en droits et majorations, M. et Mme B... des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 correspondant à cette réduction de la base d'imposition et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. M. et Mme B... demandent à la Cour d'annuler l'article 3 de ce jugement et de prononcer la décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige. Par voie d'appel incident, le ministre demande l'annulation des articles 1er et 2 du même jugement et le rétablissement des impositions déchargées par le tribunal.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. D'une part, le tribunal a suffisamment motivé au point 12 du jugement attaqué sa réponse au moyen tiré de l'insuffisante prise en compte des charges exposées par la société Bâti Concept, dès lors que le litige ne portait pas sur la remise en cause de charges comptabilisées mais sur une reconstitution du bénéfice par l'administration à partir des encaissements bancaires, déduction faite d'un pourcentage forfaitaire de charges. D'autre part, le tribunal a également suffisamment exposé au point 9 du même jugement les motifs sur lesquels il s'est fondé pour écarter la demande d'admission d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible complémentaire, en jugeant que l'argumentation présentée était insuffisante pour apporter la preuve attendue des requérants. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., le jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
5. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 2 août 2017 adressée à la société Bâti Concept que, pour reconstituer son chiffre d'affaires, le vérificateur s'est fondé sur les documents obtenus par l'exercice du droit de communication auprès de l'un des principaux clients de la société, qui lui a permis d'obtenir notamment les factures émises par la société, ainsi que sur les encaissements bancaires constatés sur son compte bancaire professionnel. Il a ainsi retenu un montant total d'encaissements de 338 999,04 euros toutes taxes comprises, dont 284 628,30 euros provenant de ce client. En l'absence d'attestation permettant de bénéficier d'un taux réduit, il a appliqué un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 %. Il a dès lors déterminé un montant de bénéfice hors taxes de 282 499,20 euros, auquel il a admis d'appliquer un pourcentage de charges de 80 %, aboutissant à un résultat après cascade de 56 500 euros. Compte tenu du taux appliqué, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée s'est élevé à 56 500 euros, ramené à 44 305 euros au stade de la réclamation préalable du fait de l'admission d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible. Le bénéfice ainsi reconstitué, taxe sur la valeur ajoutée incluse, a été regardé comme un revenu distribué à M. B... sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, pour un montant fixé, à la suite de l'admission partielle de la réclamation préalable, à 100 805 euros. M. et Mme B... n'ayant pas déposé leur déclaration des revenus de l'année 2015 malgré une mise en demeure du 11 août 2016, la charge de la preuve leur incombe.
6. En premier lieu, M. et Mme B... soutiennent que, contrairement à ce qu'a retenu l'administration, le montant des charges déductibles de la société Bâti Concept au titre de l'exercice 2015 s'élève à 365 855,48 euros et que la société aurait ainsi dégagé un résultat déficitaire. Toutefois, ils se sont bornés à produire en première instance une déclaration de résultats établie par la société le 3 octobre 2019 assortie d'une liasse fiscale qui fait état de produits d'exploitation d'un montant de 342 463 euros hors taxes et de charges d'exploitation d'un montant de 363 409 euros, reconstituée très postérieurement à l'année 2015 et appuyée de documents comptables tels que grand-livre, journaux et balance, édités seulement le 17 février 2020. Aucun élément n'établit l'exactitude des éléments ainsi revendiqués, aussi bien en ce qui concerne les produits déclarés tardivement, dont le caractère exhaustif n'est pas établi, que les charges prétendument exposées, alors que le montant des produits allégués est déjà supérieur à celui qu'a pu constater l'administration à partir des encaissements sur le compte bancaire professionnel connu. Dans ces conditions, M. et Mme B... n'établissent pas l'exagération du montant du bénéfice hors taxes retenu par l'administration, fixé à 56 500 euros.
7. En deuxième lieu, l'administration a retenu, par la décision statuant sur la réclamation préalable présentée par la société Bâti Concept, un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 12 195,23 euros après production de factures justificatives. Pour refuser de porter ce montant à une somme supérieure, l'administration a considéré comme non déductible la taxe mentionnée sur des factures ne comportant aucune identité du fournisseur ou sur des factures dont la réalité n'était pas avérée du fait de l'absence de présentation d'une comptabilité lors des opérations de contrôle. En se bornant à faire valoir qu'un contribuable peut faire état de charges qu'il n'a pas comptabilisées pour démontrer l'exagération des impositions, M. et Mme B... n'apportent pas la preuve de la sous-estimation de la taxe déductible retenue par le service en vue de la détermination du bénéfice toutes taxes comprises.
8. En troisième lieu, il résulte des annexes à la proposition de rectification du 2 août 2017, que, pour reconstituer la taxe sur la valeur ajoutée collectée due par la société Bâti Concept, l'administration s'est fondée sur sept factures obtenues dans l'exercice du droit de communication auprès du principal client, qui mentionnaient un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 10 %, soit des factures du 13 octobre 2014 d'un montant toutes taxes comprises de 65 010 euros, du 19 novembre 2014 d'un montant toutes taxes comprises de 44 000 euros, du 5 février 2015 d'un montant toutes taxes comprises de 44 000 euros, du 1er avril 2015 d'un montant toutes taxes comprises de 38 500 euros, du 9 juin 2015 d'un montant toutes taxes comprises de 41 800 euros, du 21 juillet 2015 d'un montant toutes taxes comprises de 33 000 euros et du 10 novembre 2015 d'un montant toutes taxes comprises de 18 318, 30 euros. Elle s'est également fondée sur douze encaissements constatés sur le compte bancaire de la société Bâti Concept, du 16 octobre 2014 d'un montant de 65 010 euros, du 24 novembre 2014 d'un montant de 44 000 euros, du 11 février 2015 d'un montant de 44 000 euros, du 23 avril 2015 d'un montant de 38 500 euros, du 17 juin 2015 d'un montant de 41 800 euros, du 28 juillet 2015 d'un montant de 33 000 euros et du 2 décembre 2015 d'un montant de 18 318,30 euros en provenance de ce client, du 12 décembre 2014 d'un montant de 10 000 euros en provenance d'une personne physique, du 12 janvier 2015 d'un montant de 10 000 euros en provenance d'une SCI, du 16 janvier 2015 d'un montant de 9 234,36 euros en provenance d'une autre société, du 4 février 2015 d'un montant de 10 000 euros en provenance de cette SCI pour 7 500 euros et d'une autre société pour 2 500 euros, du 27 février 2015 d'un montant de 15 138,38 euros en provenance d'une autre société.
9. Pour se prévaloir de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 %, M. et Mme B... ont produit dix attestations prévues à l'article 279-0 bis du code général des impôts assorties de factures toutes taxes comprises mentionnant le taux réduit, soit des attestations établies le 10 octobre 2014 assortie d'une facture de 65 010 euros toutes taxes comprises du 13 octobre 2014, le 19 novembre 2014 assortie d'une facture de 44 000 euros toutes taxes comprises du même jour, le 5 février 2015 assortie d'une facture de 44 000 euros toutes taxes comprises du même jour, le 1er avril 2015 assortie d'une facture de 38 500 euros toutes taxes comprises du même jour, le 9 juin 2015 assortie d'une facture de 41 800 euros toutes taxes comprises du même jour, le 21 juillet 2015 assortie d'une facture de 33 000 euros toutes taxes comprises du même jour et le 10 novembre 2015 assortie d'une facture de 18 318,30 euros toutes taxes comprises du même jour, ces attestations étant établies par une SCI. Ils ont également produit des attestations établies le 6 janvier 2015 par une personne physique assortie de trois factures d'un montant global de 16 000 euros toutes taxes comprises du même jour, le 6 janvier 2015 par une seconde personne physique assortie d'une facture de 21 920 euros toutes taxes comprises du 6 février 2015 et le 16 février 2015 par cette personne physique mais portant le cachet de la SCI assortie d'une facture de 8 079,53 euros toutes taxes comprises du même jour.
10. Il en résulte ainsi que les attestations, factures et encaissements ne sont concordants dans leurs dates et leurs montants qu'en ce qui concerne, d'une part, les factures et les encaissements constatés en provenance du principal client et, d'autre part, les attestations établies par la SCI appuyées de factures. Pour le surplus des encaissements retenus par l'administration dans la base taxable au taux normal, les pièces produites sont ainsi insusceptibles d'établir l'exagération de l'imposition, mais révèlent que la société Bâti Concept aurait alors réalisé un chiffre d'affaires supplémentaire que l'administration n'a pas pu identifier à partir des encaissements bancaires. Dans ces conditions, à supposer même probantes les attestations établies par la SCI, la preuve de l'exagération du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée n'en est pas pour autant apportée. En outre, et en tout état de cause, les éléments comptables produits, tels que grand-livre, journaux et balance, ont été édités le 17 février 2020 et aucun élément n'établit que la société Bâti Concept aurait effectivement tenu une comptabilité au titre de la période vérifiée, aucune comptabilité n'ayant été présentée du fait de la situation d'opposition au contrôle fiscal dans laquelle elle s'est placée. Aucun élément n'établit plus que les attestations produites auraient été effectivement établies à la date du fait générateur de la taxe, ou au plus tard à celle de la facturation et que la société Bâti Concept aurait conservé ces attestations à l'appui d'une comptabilité. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la preuve de l'exagération du rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée en litige n'est pas apportée par M. et Mme B..., qui ne soulevaient aucun autre moyen opérant en première instance à l'encontre de ce chef de rectification. Le ministre est dès lors fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, c'est à bon droit que l'administration a appliqué le taux normal au chiffre d'affaires reconstitué à partir des encaissements.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que M. et Mme B... n'établissent ni l'absence ni l'exagération des revenus regardés par l'administration comme distribués par la société Bâti Concept. Par ailleurs, M. et Mme B..., qui n'allèguent ni que les bénéfices correspondants auraient été mis en réserve ou incorporés au capital de la société ni qu'ils n'auraient pas été mis à disposition de M. B..., qui était associé de la société, n'apportent pas la preuve de l'absence d'appréhension de ces revenus.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Leurs conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions qu'ils contestent doivent dès lors être rejetées. En revanche, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du même jugement, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à la demande de M. et Mme B.... Les articles 1er et 2 de ce jugement doivent dès lors être annulés et les impositions correspondantes, en droits et majorations, doivent être remises à la charge de M. et Mme B....
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.
D E C I D E :
Article 1 : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2106496 du 12 avril 2022 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : Les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2015, correspondant à une réduction de la base d'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'un montant de 17 953 euros, sont remises à leur charge, en droits et majorations.
Article 3 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2024.
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N° 22MA01685