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18/06/2024 | FRANCE | N°23MA01818

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 18 juin 2024, 23MA01818


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler

la décision du 21 octobre 2020 par laquelle la présidente du conseil départemental des

Bouches-du-Rhône l'a affectée, à compter du 2 novembre 2020, sur un poste de secrétaire, rattaché au centre médico-psycho-pédagogique départemental (CMPPD), antenne de

Saint-Barnabé (13012 Marseille), de la direction générale adjointe de la solidarité et de mettre à la charge du départem

ent des Bouches-du-Rhône la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler

la décision du 21 octobre 2020 par laquelle la présidente du conseil départemental des

Bouches-du-Rhône l'a affectée, à compter du 2 novembre 2020, sur un poste de secrétaire, rattaché au centre médico-psycho-pédagogique départemental (CMPPD), antenne de

Saint-Barnabé (13012 Marseille), de la direction générale adjointe de la solidarité et de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2009984 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 17 juillet 2023, et les 14 février et 8 avril 2024, ce second mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me Bertoldi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mai 2023 ;

2°) d'annuler cette décision de la présidente du conseil départemental des

Bouches-du-Rhône du 21 octobre 2020 ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation, les pièces versées aux débats démontrant que, sous couvert d'une mesure d'ordre intérieur, la mesure d'affectation querellée constitue en réalité une sanction disciplinaire déguisée, intervenue dans un contexte de harcèlement moral ;

- la procédure disciplinaire n'a pas été respectée dès lors qu'elle n'a été ni informée qu'elle pouvait consulter son dossier, ni mise en mesure de le faire ;

- la décision contestée est entachée d'un détournement de procédure et d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2024, le département des

Bouches-du-Rhône, représenté par Me Vivien, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- contrairement à ce que Mme A... prétend, le jugement attaqué est fondé en ce qu'il rejette sa demande de première instance comme irrecevable, la décision contestée constituant une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;

- si, par extraordinaire, la Cour devait estimer que ce jugement devait être annulé, elle devrait en tout état de cause rejeter les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... dès lors que la décision contestée est légale.

Par une ordonnance du 8 mars 2024, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 8 mars 2024, a été reportée au 8 avril 2024, à 12 heures.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le conseil de Mme A... a été invité, par un courrier du 30 avril 2024, à produire :

. les entretiens professionnels de Mme A... au titre des années 2018, 2019 et 2020 ;

. les pièces jointes nos 14, 17 et 18 de sa demande de première instance enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille, sous le n° 2303549, et respectivement intitulées " Correspondances adressées à Mme C... ", " Echanges de SMS entre Mme A... et M. B... " et " Justificatifs d'appels téléphoniques récurrents ".

En réponse à cette mesure d'instruction, des pièces ont été produites le 17 mai 2024, pour Mme A..., par Me Bertoldi.

En réponse à la communication de ces pièces, le département des Bouches-du-Rhône, représentée par Me Vivien, a présenté des observations le 30 mai 2024 qui n'ont pas été communiquées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bertoldi, représentant Mme A..., et celles de Me Boulieu, substituant Me Vivien, représentant le département des Bouches-du-Rhône.

Considérant ce qui suit :

1. Par une note du 21 octobre 2020, la présidente du conseil départemental des

Bouches-du-Rhône a décidé d'affecter, à compter du 2 novembre suivant, Mme A..., technicienne territoriale, qui exerçait jusqu'alors les fonctions de secrétaire de direction au sein de la direction des personnes handicapées et des personnes du bel âge de ce département, sur un poste de secrétaire, rattaché au centre médico-psycho-pédagogique départemental (CMPPD), antenne de Saint-Barnabé (13012 Marseille), de la direction générale adjointe de la solidarité. Mme A... relève appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'état du droit applicable :

2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

3. Par ailleurs, un changement d'affectation prononcé d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

4. Enfin, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " Il appartient au juge de rechercher si la décision portant changement d'affectation contestée a porté atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral, que l'intéressée tient de son statut, ce qui exclurait de la regarder comme une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

En ce qui concerne la qualification de la mesure en litige et la recevabilité de la demande de première instance :

5. Mme A... conteste en appel, comme elle le faisait en première instance, le changement d'affectation litigieux en remettant en cause l'intérêt du service attaché à sa mutation et en affirmant que seule une intention répressive justifie cette mesure. Toutefois, ainsi que l'a jugé le tribunal au point 3 de son jugement que ne conteste pas Mme A..., la mesure en litige, quand bien même elle modifie son affectation et ses tâches professionnelles, ne porte atteinte ni aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut, ni à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, et n'aura pas pour effet de diminuer ses responsabilités ou encore sa rémunération, l'appelante conservant notamment sa nouvelle bonification indiciaire (NBI).

Dès lors que la situation de Mme A... résultant du changement d'affectation en litige ne correspond pas à l'une des deux conditions cumulatives d'existence d'une sanction déguisée, rappelées au point 3, la décision en litige ne peut être regardée comme telle, alors même que, ainsi que l'affirme le département, elle a été prise pour mettre fin aux tensions relationnelles existant entre Mme A... et la seconde secrétaire au sein du secrétariat de la direction des personnes handicapées et des personnes du bel âge et partant, en considération de sa personne.

6. Par ailleurs, Mme A... soutient que la décision contestée du 21 octobre 2020 s'inscrit " dans un contexte de harcèlement moral " qui a eu pour effet d'altérer sa santé. Mais, contrairement à ce qu'elle allègue, les pièces produites au dossier, y compris celles versées à l'instance à la suite de la mesure d'instruction diligentée par la Cour, ne peuvent faire présumer l'existence de difficultés qu'elle aurait rencontrées, du fait de sa hiérarchie, à obtenir la possibilité de télétravailler, puis à obtenir les outils lui permettant de le faire, une autorisation en ce sens lui ayant été accordée en septembre 2020. Ces mêmes pièces, et notamment les trois attestations rédigées pour les besoins de la cause, ne sont pas, eu égard à leur contenu, de nature à faire présumer sa " mise à l'écart " au sein de son service. Enfin, si Mme A... soutient que " depuis cette décision d'affectation, [s]a carrière (...) a été brutalement stoppée " et qu'elle est " est aujourd'hui affectée sur un poste inférieur à sa classification ", ces circonstances, nécessairement postérieures à l'édiction de cette décision, ne sauraient révéler que celle-ci serait comprise dans des agissements répétés et excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Par conséquent, si l'instruction montre une dégradation de l'état de santé de Mme A..., la décision en litige n'a pas porté atteinte au droit de cette dernière de ne pas être soumise à un harcèlement moral qu'elle tient des dispositions législatives citées au point 4.

7. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le changement d'affectation litigieux présentait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours contentieux. Mme A... n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre cette décision.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

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No 23MA01818

fm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01818
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : BERTOLDI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23ma01818 ?
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