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18/06/2024 | FRANCE | N°23MA01362

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 18 juin 2024, 23MA01362


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 21 novembre 2019 par laquelle le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire l'a classée dans le groupe de fonctions 3 et a fixé le montant annuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à compter du 1er janvier 2019.



Par un jugement n° 2000122 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé la d

écision du 21 novembre 2019 et enjoint au responsable des ressources humaines du service administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 21 novembre 2019 par laquelle le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire l'a classée dans le groupe de fonctions 3 et a fixé le montant annuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à compter du 1er janvier 2019.

Par un jugement n° 2000122 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 21 novembre 2019 et enjoint au responsable des ressources humaines du service administratif régional de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence de réexaminer la situation de Mme A... épouse B... au regard de son droit au bénéfice de l'IFSE, en tant que le montant annuel brut de cette indemnité est inférieur au montant de 6 300 euros depuis le 1er juillet 2018, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000122 du 30 mars 2023 du tribunal administratif

de Toulon ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... épouse B... devant le tribunal administratif de Toulon.

Il soutient que :

- Mme A... épouse B... ne pouvait se prévaloir d'un réexamen de son IFSE dès lors qu'elle ne se trouvait pas dans l'une des hypothèses de réexamen prévue par l'article 3 du décret du 20 mai 2014 ;

- le tribunal administratif ne pouvait en conséquence enjoindre à un tel réexamen ;

- il s'en rapporte à ses écritures de première instance concernant les moyens soulevés initialement par Mme A... épouse B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, Mme A... épouse B..., représentée par Me Boussoum, conclut :

1°) au rejet de la requête du garde des sceaux, ministre de la justice ;

2°) le cas échéant, par l'effet dévolutif, à l'annulation de la décision du 21 novembre 2019 en tant que le montant alloué est inférieur à un montant annuel brut de 6 300 euros ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au ministère de la justice de réexaminer sa situation en lui octroyant une IFSE d'un montant au moins égal à 6 300 euros à compter du 1er juillet 2018, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête du garde des sceaux, ministre de la justice est irrecevable en l'absence de critique des motifs du jugement ;

- les moyens soulevés par le garde des sceaux, ministre de la justice ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- l'arrêté du 17 décembre 2018 pris pour l'application au corps des greffiers des services judiciaires des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création du RIFSEEP ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B... est affectée au tribunal judiciaire de Toulon et titulaire du grade de greffière principale depuis le 1er janvier 2013. Dans le cadre de la mise en place du nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), le directeur délégué à l'administration interrégionale judiciaire, par une décision du 21 novembre 2019, l'a classée dans le groupe de fonctions 3 et a fixé le montant annuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à 5 882,28 euros à compter du 1er janvier 2019, soit 490,19 euros par mois. Par un jugement du 30 mars 2023, dont le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et enjoint à l'administration de réexaminer la situation de Mme A... épouse B... dans un délai de trois mois.

Sur les conclusions du garde des sceaux, ministre de la justice tendant à l'annulation du jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Toulon :

2. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique d'Etat : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ;

/ 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ;

/ 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service. / Le versement de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est mensuel ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise fait l'objet d'un réexamen : 1° En cas de changement de fonctions ; 2° Au moins tous les quatre ans, en l'absence de changement de fonctions et au vu de l'expérience acquise par l'agent ; / 3° En cas de changement de grade à la suite d'une promotion ". Aux termes de l'article 6 dudit décret : " Lors de la première application des dispositions du présent décret, le montant indemnitaire mensuel perçu par l'agent au titre du ou des régimes indemnitaires liés aux fonctions exercées ou au grade détenu et, le cas échéant, aux résultats, à l'exception de tout versement à caractère exceptionnel, est conservé au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise, sans préjudice du réexamen au vu de l'expérience acquise prévu au 2° de l'article 3 ". L'arrêté interministériel du 17 décembre 2018 pris pour l'application au corps des greffiers des services judiciaires du décret du 20 mai 2014 portant création du RIFSEEP a fixé à trois le nombre de groupes de fonctions dans lesquels doivent être classés les greffiers des services judiciaires, les plafonds annuels de l'IFSE afférents à chacun de ces trois groupes, ainsi que les montants minimaux annuels de l'indemnité pour chacun des deux grades de ce corps.

3. D'autre part, la circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice du 3 juillet 2019, portant sur les modalités de gestion du régime indemnitaire du corps des directeurs des services de greffe judiciaires et greffiers des services judiciaires prévoit, à son paragraphe 1.2, que ce qu'elle qualifie de " socle indemnitaire " " correspond à un montant minimum et non pas à un montant indemnitaire unique par groupe. Au sein d'un même groupe de fonctions, les agents peuvent ainsi bénéficier de montants individuels différents en raison, notamment, de la diversité de leurs parcours professionnels ". L'annexe 3 de cette circulaire fixe le " socle indemnitaire " de l'IFSE pour chacun des trois groupes des greffiers, en distinguant ceux qui exercent leurs fonctions à l'administration centrale du ministère de la justice et ceux qui exercent dans les juridictions, les services déconcentrés et les écoles de formation. La ministre de la justice a fixé à 5 300 euros le montant minimum de l'IFSE pour les fonctionnaires membres du corps des greffiers affectés en juridictions et classés dans le groupe 3, quel que soit leur grade, sans que, la première année de mise en place du régime, cette indemnité puisse être inférieure à l'indemnité forfaitaire de fonctions versée sur le fondement du régime indemnitaire antérieur.

4. Il résulte clairement des dispositions de l'article 6 du décret du 20 mai 2014 citées au point 2 que si, lors de sa première application, le montant indemnitaire mensuel perçu par l'agent au titre du ou des régimes indemnitaires liés aux fonctions exercées ou au grade détenu et, le cas échéant, aux résultats, est conservé au titre de l'IFSE, une telle circonstance ne fait pas obstacle au réexamen de la situation de l'agent, à cette occasion, en tenant compte de l'expérience professionnelle qu'il a acquise. De plus, les dispositions du 2° de l'article 3 de ce même décret, qui prévoient la possibilité d'un tel réexamen " au moins tous les quatre ans ", ne font pas obstacle au réexamen de la situation de l'agent avant l'écoulement du délai de quatre ans.

5. Pour annuler la décision du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a jugé que les services du garde des sceaux, ministre de la justice, s'étaient, à tort, estimés en situation de compétence liée pour fixer le bénéfice d'une IFSE dont le montant est inférieur au plafond règlementaire, et que l'administration ne justifiait pas avoir tenu compte du niveau de responsabilité et d'expertise acquis par Mme A... épouse B... depuis qu'elle occupe ses fonctions, de sorte que la décision attaquée était entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation. En se bornant à soutenir que la situation de Mme A... épouse B... ne pouvait être réexaminée en dehors des hypothèses prévues par les dispositions citées au point 2 de l'article 3 du décret du 20 mai 2014, le ministre, qui n'était pas en situation de compétence liée pour prendre la décision en litige relative à la première application du régime de l'IFSE au cas de cet agent, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ne conteste pas valablement le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif.

6. En outre, compte tenu du motif d'annulation retenu par les premiers juges, l'exécution du jugement attaqué impliquait nécessairement que l'administration procède au réexamen de la situation de Mme A... épouse B... et prenne à nouveau une décision fixant le montant annuel de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise allouée à l'intéressée, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, ainsi qu'il vient d'être dit, que la situation de celle-ci ne relèverait pas des hypothèses de réexamen prévues par les dispositions de l'article 3 du décret du 20 mai 2014.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 21 novembre 2019 et a enjoint à l'administration de réexaminer la situation de Mme A... épouse B.... Par suite, sa requête d'appel doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de Mme A... épouse B... :

8. Dès lors que le présent arrêt rejette la requête du garde des sceaux, ministre de la justice, les conclusions d'appel présentées par Mme A... épouse B..., tendant, le cas échéant et par l'effet dévolutif, à l'annulation de la décision du 21 novembre 2019 en tant que le montant qui lui a été alloué est inférieur à un montant annuel brut de 6 300 euros, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa situation en lui octroyant une IFSE d'un montant au moins égal à 6 300 euros à compter du 1er juillet 2018, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 2 000 euros à verser à Mme A... épouse B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du garde des sceaux, ministre de la justice est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à Mme A... épouse B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A... épouse B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à Mme C... A... épouse B....

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 18 juin 2024.

N° 23MA01362 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01362
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : MYRIAM BOUSSOUM AVOCAT;;MYRIAM BOUSSOUM AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23ma01362 ?
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