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18/06/2024 | FRANCE | N°23MA01063

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 18 juin 2024, 23MA01063


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, avant dire droit, la communication de l'entier rapport médical établi par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), d'autre part, d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et enfin,

d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certifica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, avant dire droit, la communication de l'entier rapport médical établi par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), d'autre part, d'annuler l'arrêté du 17 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et enfin, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente, dans le délai de dix jours à compter de cette notification et sous les mêmes conditions d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2207107 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, M. A..., représenté par Me Zerrouki, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente, dans un délai de dix jours à compter de cette notification et sous la même condition d'astreinte, une autorisation provisoire de séjour, ou, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau sa demande et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Zerrouki qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la somme contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il n'existe pas de traitement approprié à ses trois pathologies en Algérie au regard notamment de l'arrêté du 6 mars 2008, modifié le 24 février 2016 fixant la liste des médicaments remboursables pour la sécurité sociale, publié au Journal officiel de la République Algérienne, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui ne pouvait pas substituer son appréciation à celle des médecins.

Par une ordonnance du 19 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 mai 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1968 et de nationalité algérienne, a sollicité le 12 décembre 2021 le renouvellement de son certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Après avis défavorable du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 23 mars 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 17 mai 2022, refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 30 décembre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence et subsidiairement, de réexaminer sa demande de renouvellement de titre de séjour.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a repris, à compter du 1er mai 2021, l'article R. 313-22, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens sur le fondement de ces stipulations, de portée équivalente aux dispositions de l'article L. 425-9 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office ".

3. Pour rejeter la demande de renouvellement de certificat de résidence présentée par M. A..., le préfet des Bouches-du-Rhône, conformément à l'avis émis le 23 mars 2022 par le collège des médecins de l'OFII, a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Algérie.

4. Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement des documents médicaux qui y ont été versés après l'accord donné par M. A... à la levée du secret médical, que ce dernier souffre de trois affections qui justifient un traitement médicamenteux et un suivi médical. La première affection correspond à une hypothyroïdie survenue après la thyroïdectomie totale qu'il a dû subir le 16 février 2018 afin d'extraire un nodule révélant un adénocarcinome papillaire et vésiculaire, et requiert, ainsi que l'indiquent les certificat et rapport médicaux des 7 janvier et 21 février 2022 soumis au collège des médecins de l'OFII, une surveillance en endocrinologie tous les six mois, jusqu'alors assurée à l'hôpital de la Conception de Marseille, et un traitement substitutif par Lévothyrox 200. Il est constant, ainsi que l'a estimé le collège des médecins de l'OFII, que ce traitement est disponible et accessible en Algérie, et que M. A... peut y bénéficier du suivi et de la surveillance endocrinologiques requis par son état de santé. La deuxième pathologie dont souffre M. A... depuis 2016, et qui est liée à la maladie de Crohn, est une recto-colite hémorragique traitée par Pentasa 2 g stabilisée et justifiant un suivi médical de type gastro-entérologique tous les six mois, assuré en France à l'hôpital européen de Marseille. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'arrêté du 6 mars 2008, modifié le 24 février 2016, fixant la liste des médicaments remboursables pour la sécurité sociale, et publié au Journal officiel de la République algérienne, que la mésalazine, principe actif contenu dans le Pentasa(r), est commercialisée en Algérie. En se bornant à soutenir que ce médicament ne figure pas en tant que tel dans cette liste, M. A..., qui ne conteste pas pouvoir bénéficier en Algérie d'un suivi et d'une surveillance adaptés à son état de santé, ni que le traitement par Débridat, qui d'ailleurs lui a été prescrit pour trois mois le 11 janvier 2022, y est disponible et accessible, ne livre aucun élément médical de nature à justifier qu'un autre médicament que le Pentasa, relevant de la même substance active, ne permettrait pas de lui assurer un traitement approprié à son état de santé. La troisième affection de M. A..., qui correspond à un état anxio-dépressif de sévérité modérée, apparu en Algérie et aggravé par l'annonce de l'adénocarcinome papillaire et vésiculaire, a justifié un premier suivi le 5 décembre 2017 et requiert une consultation psychiatrique mensuelle ainsi qu'un traitement par un anti-dépresseur, la Sertraline 50 et par un anxiolytique, l'Oxazepam 10 mg. Contrairement à ce que soutient M. A..., le premier médicament figure dans la liste des médicaments disponibles et remboursables en Algérie, telle qu'elle a été établie par l'arrêté du 6 mars 2008, et demeurée inchangée à cet égard par l'arrêté du 24 février 2016. Si le second médicament n'y est pas mentionné, il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres médicaments appartenant à la même classe, les benzodiazépines, et présentant une activité pharmacodynamique qualitativement semblable, qui figurent sur cette liste, ne seraient pas de nature à assurer au requérant en Algérie un traitement approprié à sa pathologie, alors que le collège des médecins de l'OFII, informé des affections dont il est atteint et des médicaments disponibles dans son pays, a estimé dans son avis du 23 mars 2022 qu'il pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant, par son arrêté du 17 mai 2022, de l'admettre au séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de l'Algérie, au motif qu'il peut y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa demande d'admission au séjour. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Zerrouki.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, où siégeaient :

- M. Revert, président,

- M. Martin, premier conseiller,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

N° 23MA010632


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01063
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REVERT
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ZERROUKI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23ma01063 ?
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