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17/06/2024 | FRANCE | N°23MA02861

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 17 juin 2024, 23MA02861


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée GER Plomberie, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° B 500 026 570, a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler le contrat de marché public conclu le 2 avril 2021 entre le centre régional des œuvres universitaires et scolaires d'Aix-Marseille-Avignon (CROUS) et la société anonyme SNEF (" SNEF Connect "), inscrite au registre du commerce et des sociétés de Marseille so

us le n° B 056 800 659, et portant sur la réhabilitation des bâtiments K et G du site des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée GER Plomberie, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° B 500 026 570, a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler le contrat de marché public conclu le 2 avril 2021 entre le centre régional des œuvres universitaires et scolaires d'Aix-Marseille-Avignon (CROUS) et la société anonyme SNEF (" SNEF Connect "), inscrite au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le n° B 056 800 659, et portant sur la réhabilitation des bâtiments K et G du site des Douanes à Marseille, ou, à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation de ce contrat, en deuxième lieu, de condamner le CROUS à lui verser la somme de 74 614 euros au titre du préjudice résultant de son éviction, et, en troisième lieu, de mettre à la charge du CROUS la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2104344 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2023, et un mémoire récapitulatif, enregistré le 9 avril 2024, la société GER Plomberie, représentée par Me Woimant, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à son action en contestation de validité du contrat et à son action indemnitaire, présentées en première instance ;

3°) de mettre à la charge du CROUS Aix-Marseille-Avignon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel n'est pas tardive ;

- elle a régularisé son offre ;

- le critère " fiches techniques " était imprécis ;

- le CROUS a manifestement mal apprécié les mérites respectifs des offres ;

- elle a été lésée par ces irrégularités ;

- ces dernières justifient l'annulation ou à défaut la résiliation du contrat ;

- ayant perdu une chance sérieuse d'emporter le marché, elle doit être indemnisée.

Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2024, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Awa Architectes, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le n° 519 297 766, représentée par Me Tertian, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête d'appel et tout appel en garantie susceptible d'être présenté par le CROUS à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre dont elle était mandataire ;

2°) subsidiairement, de rejeter tout appel en garantie présenté à son encontre en sa qualité de mandataire du groupement ;

3°) de mettre à la charge de la société GER Plomberie ou de tout succombant la somme de 3 000 euros à verser au groupement de maîtrise d'œuvre qu'elle représente.

Elle soutient que :

- les moyens présentés à l'appui de la requête sont infondés ;

- le CROUS n'est pas fondé à appeler le groupement de maîtrise d'œuvre en garantie.

Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2024, la société par actions simplifiée à associé unique P3G Ingénierie, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le n° 388 142 473, représentée par Me Tertian, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête d'appel et tout appel en garantie susceptible d'être présenté par le CROUS à l'encontre du groupement de maîtrise d'œuvre ;

2°) de mettre à la charge de la société GER Plomberie ou de tout succombant la somme de 3 000 euros.

Elle soutient que :

- les moyens présentés à l'appui de la requête sont infondés ;

- le CROUS n'est pas fondé à appeler le groupement de maîtrise d'œuvre en garantie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2024, et un mémoire non communiqué enregistré le 7 mai 2024, le CROUS d'Aix-Marseille-Avignon, représenté par la SELARL Skov, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête d'appel ;

2°) subsidiairement, de limiter la condamnation prononcée à la marge nette réelle escomptée de l'exécution du marché ;

3°) en tout état de cause, de condamner le groupement de maîtrise d'œuvre, composé de l'entreprise Awa Architectures, de la société P3G Ingénierie, de l'entreprise Gapira Ingénierie et de la société Venathec, ou l'entreprise Awa Architectes en sa qualité de mandataire, à le relever et garantir de toute éventuelle condamnation au regard des fautes commises dans l'exercice de la mission de maîtrise d'œuvre ;

4°) de mettre à la charge de la société GER Plomberie ou qui mieux le devra, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens présentés à l'appui de la requête d'appel sont infondés ;

- en cas de condamnation, il devra être garanti par le groupement de maîtrise d'œuvre.

Par une lettre en date du 21 février 2024, la Cour a informé les parties qu'il était envisagé d'inscrire l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu au cours du premier semestre de l'année 2024, et que l'instruction était susceptible d'être close par l'émission d'une ordonnance à compter du 5 mars 2024.

Par ordonnance du 2 mai 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Par lettre du 27 mai 2024, la Cour a informé les parties de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen tiré de ce que, compte tenu de l'entière exécution du marché avant la fin de l'année 2022, la demande tendant à sa résiliation avait perdu son objet à la date à laquelle le tribunal administratif a statué, et qu'en conséquence le jugement est, en ce qu'il statue au fond sur cette demande, irrégulier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Duverneuil, pour le CROUS, et de Me Martinez, pour les sociétés Awa Architectes et P3G Ingénierie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 29 novembre 2020 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et le 2 décembre 2020 au Journal officiel de l'Union Européenne (JOUE), le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) d'Aix-Marseille-Avignon a lancé un appel d'offres en vue de l'attribution d'un marché de travaux portant sur la réhabilitation des bâtiments K et G du site des Douanes à Marseille afin d'y intégrer au total cinquante-huit appartements, dont quatre logements pour personnes à mobilité réduite et un logement de fonction. Le 10 mars 2021, le CROUS a notifié à la société GER Plomberie le rejet de son offre présentée pour le lot n° 3 de ce marché, portant sur les prestations de plomberie, chauffage et VMC, et l'attribution de ce lot à la société SNEF. Le CROUS et la société SNEF ont conclu le contrat le 2 avril 2021. La société GER Plomberie a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une action en contestation de validité de ce contrat, ainsi que d'une action tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de son éviction. Par le jugement attaqué, dont la société GER Plomberie relève appel, le tribunal administratif a rejeté ces demandes en retenant que " l'offre de la société requérante était irrégulière " et que, dès lors, la société " n'est ainsi pas susceptible d'avoir été lésée par les différents manquements qu'elle invoque, relatifs [à] l'imprécision alléguée du sous-critère " fiches produits " et à son évaluation par le CROUS ".

Sur la demande de résiliation :

2. A la date à laquelle le tribunal administratif a statué, le marché public en litige avait été entièrement exécuté. En statuant au fond sur la demande de résiliation, au lieu de constater le non-lieu à statuer sur cette demande, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a donc lieu pour la Cour de l'annuler puis, évoquant l'affaire, de constater que cette demande de résiliation est devenue sans objet.

Sur les autres demandes :

En ce qui concerne le cadre juridique :

3. D'une part, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.

4. Si le représentant de l'État dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Un concurrent évincé peut ainsi invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

5. A ce titre, un candidat évincé dont l'offre était irrégulière ne peut utilement invoquer un moyen critiquant l'imprécision des critères de sélection ou l'appréciation des autres offres.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation (...) ". Aux termes de l'article L. 2152-1 du même code : " Dans les procédures adaptées sans négociation et les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. / Dans les autres procédures, les offres inappropriées sont éliminées. Les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. Lorsque la négociation ou le dialogue a pris fin, les offres qui demeurent irrégulières ou inacceptables sont éliminées ". Aux termes de l'article L. 2152-1 du même code : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes de l'article R. 2152-2 du même code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ". Aux termes de l'article 8.2 du règlement de la consultation : " (...) L'attention des candidats est attirée sur le fait que toute offre irrégulière pourra faire l'objet d'une demande de régularisation (...) ".

7. Aux termes de l'article 6 du règlement de la consultation : " 6.1 - Documents à produire / Chaque candidat aura à produire un dossier complet comprenant les pièces suivantes : (...) / Pièces de l'offre : (...) / Les fiches techniques correspondant aux produits et prestations proposés par le candidat ".

En ce qui concerne la régularité de l'offre de la société GER Plomberie :

8. Il résulte de l'examen des fiches produites à l'appui de l'offre de la société GER Plomberie que le vase de chauffage de marque Varem qu'elle proposait avait un volume de 100 litres, alors que l'article 4.5.2.3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) imposait un vase d'expansion d'un volume nominal de 140 litres. De même, la fiche technique du lavabo de type 1 présente au dossier fait état d'une longueur de 500 millimètres, d'une largeur de 400 millimètres et d'une hauteur de 173 millimètres, alors que l'article 4.9.7.5 du CCTP imposait des dimensions respectives de 450 millimètres, 360 millimètres et 160 millimètres. Enfin, la fiche technique produite pour les radiateurs d'eau chaude ne correspond pas à un produit déterminé, mais à la gamme des radiateurs T6 de marque Finimétal, sans préciser la nature du produit proposé au sein de cette gamme, ce qui ne permettait pas de vérifier la conformité de ce produit à l'article 4.9.7.5 du CCTP.

9. En réponse à un courriel du CROUS relevant ces non-conformités, la société GER Plomberie a répondu, le 15 février 2021, que " nous prévoyons en phase d'exécution de vous proposer un vase d'expansion Statico SU 140 litres de marque Pneumatex (...), de vous proposer exactement les radiateurs décrits au CCTP, (...) [et] de vous proposer exactement les lavabos décrits au CCTP ".

10. Toutefois, la société GER Plomberie n'a pas produit les fiches des produits qu'elle proposait finalement. Son offre demeurait ainsi irrégulière.

11. Il résulte de ce qui précède que l'offre de la société GER Plomberie devait en tout état de cause être éliminée. Dès lors, cette société est insusceptible d'avoir été lésée par les irrégularités qu'elle invoque, ou d'avoir perdu, du fait de ces irrégularités, une chance de remporter le marché.

12. Il résulte de ce qui précède que la société GER Plomberie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'annulation et de résiliation, ainsi que ses conclusions indemnitaires et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent donc être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société GER Plomberie une somme de 1 500 euros à verser au CROUS en remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a en revanche pas lieu de faire droit aux demandes présentées à ce même titre par les autres parties.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2104344 du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il statue sur la demande de résiliation du contrat en litige.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur cette demande.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société GER Plomberie est rejeté.

Article 4 : La société GER Plomberie versera au CROUS d'Aix-Marseille-Avignon et à la société SNEF, chacun, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société GER Plomberie, au CROUS d'Aix-Marseille-Avignon, à la société SNEF, à la société Awa Architectes, à la société P3G Ingénierie, à l'entreprise Gapira Ingénierie et à l'entreprise Venathec.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2024.

N° 23MA02861 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02861
Date de la décision : 17/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-08 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TERTIAN - BAGNOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-17;23ma02861 ?
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