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14/06/2024 | FRANCE | N°23MA03178

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 14 juin 2024, 23MA03178


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2

307529 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2307529 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2023, et un mémoire, enregistré le 27 mai 2024 et non communiqué, M. B..., représenté par Me Rudloff, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, et de lui délivrer en tout état de cause, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur ses moyens tirés du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et de la méconnaissance, par le préfet, de son pouvoir général de régularisation ;

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente pour ce faire ;

- la motivation stéréotypée et incomplète de l'arrêté témoigne de ce que le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- la décision portant refus de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors notamment qu'il est entré en France durant la validité de son visa, régulièrement ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 423-23 du même code et, de même que la décision portant obligation de quitter le territoire français, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; marié avec une ressortissante française, il est moins bien traité que s'il était seulement " pacsé " avec elle ;

- le préfet ne pouvait prononcer une obligation de quitter le territoire français à son encontre alors qu'il est en situation d'obtenir de plein droit un titre de séjour ;

- les décisions portant refus de droit au séjour et éloignement sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation ;

- leur illégalité entache d'illégalité la décision fixant le pays de destination.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- et les observations de Me Rudloff, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né en 1994, relève appel du jugement du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif, M. B... soutenait notamment que le préfet des Bouches-du-Rhône n'avait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 juillet 2023 :

4. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. C..., adjoint à la cheffe du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la préfecture des Bouches-du-Rhône. Par un arrêté du 16 mai 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour et librement accessible sur Internet, le préfet lui avait confié délégation à l'effet de signer toutes décisions portant refus de droit au séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Par suite le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, l'arrêté en litige mentionne les textes dont il fait application et énonce les conditions d'entrée et de séjour en France de M. B.... S'il ne mentionne pas explicitement la nationalité française de son épouse, il fait référence à son mariage le 25 juillet 2022 et examine sa situation au regard des dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au conjoint d'un ressortissant français. Alors même qu'il n'est pas fait référence à l'identité précise et à la profession de l'épouse de l'intéressé, à la nationalité française de l'ensemble de sa belle-famille et à la présence régulière en France de trois de ses sœurs, cette motivation témoigne de ce que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. B....

6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". D'autre part, il résulte des dispositions combinées de l'article 22 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et des articles L. 621-2, L. 621-3 et R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, doit obligatoirement souscrire une déclaration à l'entrée sur le territoire métropolitain.

7. Si M. B... soutient qu'il est entré en France le 14 octobre 2019 en provenance d'Espagne, muni d'un passeport revêtu d'un visa C Schengen valable du 12 octobre au 3 novembre 2019, d'une part, les pages du passeport qu'il produit portent le seul cachet d'Almeria, en Espagne, et, d'autre part, il ne justifie pas avoir souscrit la déclaration prévue par les dispositions mentionnées ci-dessus lors de son entrée en France. Dès lors, il ne justifie pas être entré régulièrement en France et n'est pas fondé à se prévaloir de son droit à la délivrance d'une carte de séjour, en qualité de conjoint d'une ressortissante française, sur le fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Pour justifier de sa présence continue en France depuis la fin de l'année 2019, soit à peine trois ans et demi à la date de l'arrêté en litige, M. B... ne produit que très peu de justificatifs. Seules une attestation consulaire et une ordonnance médicale sont notamment produites au titre de l'année 2020. S'il a travaillé à partir du début de l'année 2023 et vit en couple avec son épouse de nationalité française depuis le mois de mai 2022, leur mariage ayant été célébré le 25 juillet 2022, ces circonstances demeurent très récentes à la date de la décision attaquée. Quand bien même trois des sœurs de M. B... résident régulièrement à Marseille, l'intéressé ne conteste pas ne pas être isolé dans son pays d'origine où vivent ses parents et l'une de ses sœurs, et où il a vécu l'essentiel de sa vie. Sa situation maritale lui ouvre en outre une perspective de retour dans des conditions régulières sur le territoire. Dans ces circonstances, et alors que l'appréciation n'aurait pas été différente s'il avait été seulement signataire d'un pacte civil de solidarité avec sa compagne, les décisions portant refus de droit au séjour et obligation de quitter le territoire français ne portent pas, eu égard aux buts en vue desquels elles ont été prises, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de ce que ces décisions ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de ce qu'elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation de M. B... et de ce que la décision portant refus de droit au séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, en conséquence, être écartés.

10. En cinquième lieu, M. B... n'est pas fondé à soutenir, eu égard à ce qui a été exposé précédemment, notamment au point 7, qu'il serait en situation d'obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait pour ce motif illégale doit dès lors être écarté.

11. En sixième lieu, l'ensemble des moyens dirigés contre les décisions portant refus de droit au séjour et obligation de quitter le territoire ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir de leur illégalité pour contester la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 juillet 2023. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte comme celles présentées au titre des frais d'instance doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 28 novembre 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2024, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2024.

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N° 23MA03178

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03178
Date de la décision : 14/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-14;23ma03178 ?
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