La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2024 | FRANCE | N°23MA02354

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 14 juin 2024, 23MA02354


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 20 mars 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui interdisant le retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2302781 du 8 août 2023 la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Proc

dure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Al...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 20 mars 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui interdisant le retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2302781 du 8 août 2023 la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Almairac, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 8 août 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2023 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire et prononce à son encontre une interdiction de retour est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il n'a fait l'objet d'aucune poursuite ni condamnation pénales et la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai est, en conséquence, entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle retient, sur le fondement des dispositions, d'une part, de l'article L. 412-5 et, d'autre part, de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que son comportement représente une menace pour l'ordre public ;

- conformément à l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a le droit de se maintenir sur le territoire français le temps de l'examen de sa demande d'asile ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 33 de la convention de Genève, eu égard aux risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine que le préfet devait apprécier de façon autonome par rapport à la convention de Genève ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, eu égard à sa vie privée et familiale en France ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire national est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et elle est totalement disproportionnée.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention de Genève ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations du public avec l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Helmlinger.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 20 mars 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui interdisant le retour sur le territoire national pendant une durée de deux ans.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 24 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a statué sur la demande de M. A.... Il n'y a donc pas lieu de statuer sur sa demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination :

3. En premier lieu, ainsi que l'a jugé à bon droit la magistrate désignée, au point 7 du jugement attaqué, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le requérant ne conteste, du reste, pas la régularité formelle de cette motivation mais son bien-fondé. Par ailleurs, il ne résulte pas des termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation.

4. En deuxième lieu, ainsi que l'a également jugé à bon droit la magistrate désignée, au point 10 du jugement attaqué, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui consacre le droit du demandeur d'asile de se maintenir en France durant l'examen de sa demande, dès lors qu'à la date de l'arrêté attaqué, la demande d'asile formée par M. A... avait été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 15 mars 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 novembre 2022, et qu'aucune demande de réexamen n'avait été enregistrée.

5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ".

7. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que celui-ci a été pris, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1, par voie de conséquence du rejet de la demande d'asile présentée par l'intéressé, ainsi qu'il a été dit au point 4. Le préfet a, en outre, également examiné si l'intéressé pouvait être exceptionnellement admis au séjour, sur le fondement de l'article L. 423-23 ou de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a constaté, d'une part, qu'il " ne peut se prévaloir de liens personnels et familiaux qui soient à la fois intenses, anciens et stables et ne justifie pas non plus avoir fixé (en France) durablement le centre de sa vie privée et familiale " et, d'autre part, qu'aucun " élément présent à son dossier et porté à la connaissance de l'autorité préfectorale ne permet d'autoriser son séjour en France sur l'un ou l'autre de ces fondements ". Si le préfet a également mentionné que : " l'intéressé est défavorablement connu des services de police pour des faits de violence sans incapacité, avec usage d'une arme et en présence d'un mineur par une personne étant conjoint, datés du 23 septembre 2021 ", il ne résulte pas de l'économie générale de la motivation de l'arrêté que le préfet aurait, pour ce motif, refusé, sur le fondement de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'envisager la régularisation de la situation de M. A... à laquelle celui-ci aurait pu prétendre. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir ni d'une erreur de fait ni d'une erreur de droit, à cet égard.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. M. A... soutient être entré en France à la fin de l'année 2020, sans toutefois être en mesure de l'établir, en compagnie de son épouse, également de nationalité tunisienne, et de leurs deux enfants nés en Tunisie les 25 novembre 2008 et 2 juin 2016. Il est, en tout état de cause, constant que le couple a déposé une demande d'asile le 15 février 2021. Au titre de ses relations personnelles et familiales qui l'attachent au territoire français, le requérant ne se prévaut que de la présence de son épouse et de leurs deux enfants. Eu égard à la brièveté de son séjour en France, à la situation irrégulière de son épouse et à l'âge de ses enfants ainsi qu'à la durée de leur scolarité en France, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le requérant ne peut davantage soutenir que le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de ses enfants, au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, anciennement codifié à l'article L. 513-2 : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Enfin aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " La qualité de réfugié est reconnue : 1° A toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ;/ 2° A toute personne sur laquelle le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ; / 3° A toute personne qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés " et aux termes de l'article L. 512-1 : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : / a) La peine de mort ou une exécution ; / b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants (...) ".

11. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet pouvait légalement se fonder, pour estimer qu'il ne justifiait pas encourir un risque de subir, dans son pays d'origine, des tortures ou des traitements inhumains et dégradants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sur le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, ces décisions ayant été prises non seulement sur le fondement de la convention de Genève mais également sur celui de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son paragraphe b) qui reprend les termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme.

12. Il résulte de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 novembre 2022 que : " les déclarations des requérants relatives au conflit foncier allégué qui les aurait opposés à la famille de M. A... n'ont pas permis à la Cour de tenir leurs craintes pour établies pour ce motif en cas de retour en Tunisie. En effet, ils se sont bornés à indiquer que l'un des frères de M. A... avait soudoyé leur père pour que ce dernier, en échange de 100 dinars, retire la part d'héritage censée lui revenir sans donner de plus amples informations sur les raisons de cette spoliation supposée et sur les réactions des autres membres de la fratrie. Si les requérants ont soutenu que le père de M. A..., alors très âgé et malade, n'avait plus conscience de ses actes au moment des faits et qu'il a été ainsi abusé par l'un de ses enfants, ils n'ont pas été en mesure d'expliquer aux membres de la formation de jugement qui les ont invités à s'exprimer à cet égard, les raisons pour lesquelles aucune démarche judiciaire n'aurait été entreprise par les intéressés à l'encontre du frère indélicat. Par ailleurs, les requérants ont confirmé ne jamais avoir sollicité la protection des autorités tunisiennes et ce, même après les prétendues agressions dont ils auraient fait l'objet et sur lesquelles ils ne se sont au demeurant pas exprimés spontanément à l'audience. Enfin, s'agissant de leurs craintes en cas de retour dans leur pays, ils ont seulement mis en exergue à l'audience une mise à l'écart par leur famille et une hostilité de la part des membres de cette dernière à leur égard sans que cette mise à l'écart et cette hostilité puissent d'une quelconque manière être regardées, aux termes de leurs propos, comme atteignant un degré de gravité tel qu'elles pourraient constituer des persécutions au sens des stipulations de la convention de Genève ou d'un traitement inhumain ou dégradant au sens des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Dans ces conditions, et alors que le requérant ne se prévaut d'aucun élément nouveau, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

13. Enfin, le requérant ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève qui prohibe le refoulement d'un réfugié " sur les frontières des territoires sa vie ou sa liberté serait menacée " dès lors qu'ainsi qu'il a été dit, le statut de réfugié ne lui a pas été reconnu par les autorités compétentes.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté attaqué en tant qu'il refuse un délai de retour volontaire et prononce une interdiction de retour pour une durée de deux ans :

14. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;/ (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...)/ 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) ".

15. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., aux motifs, d'une part, que " le comportement de l'intéressé représente une menace grave pour l'ordre public, compte tenu de la condamnation dont il a fait l'objet " et, d'autre part, qu'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation dès lors qu'il " ne dispose pas de documents d'identité ou de voyage en cours de validité (et) qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ".

16. Le préfet ne justifie pas que M. A... a fait l'objet d'une condamnation pénale alors que, pour sa part, le requérant produit un avis de classement établi par le procureur de la République de Nice, le 20 décembre 2021, indiquant que les " faits dénoncés ou révélés dans le cadre de cette procédure ne sont pas punis par un texte pénal ". Le premier motif pour lequel le préfet a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire doit donc être regardé comme entaché d'une erreur de fait. Il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant exclusivement sur l'autre motif. Le requérant est donc fondé à soutenir que la décision par laquelle le préfet a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale.

17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ".

18. L'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il refuse à M. A... un délai de départ volontaire emporte nécessairement son annulation en tant qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, cette seconde décision procédant de la première, en application des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

19. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... n'est fondé à soutenir que c'est à tort qu'aux termes du jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué qu'en tant, d'une part, qu'il lui refuse un délai de départ volontaire et, d'autre part, prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Aucun autre moyen ne devant être examiné par l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu de prononcer l'annulation de l'arrêté attaqué dans cette mesure.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. L'annulation ainsi prononcée n'implique nécessairement ni qu'il soit délivré à M. A... une autorisation provisoire de séjour ni même le prononcé d'aucune mesure d'exécution particulière, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions présentées sur ce fondement par le requérant doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme que le conseil de M. A... demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de M. A....

Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 20 mars 2023 est annulé en tant qu'il refuse à M. A... un délai de départ volontaire et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Article 3 : Le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice du 8 août 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Almairac et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2024, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2024.

2

N° 23MA02354

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02354
Date de la décision : 14/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Laurence HELMLINGER
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : ALMAIRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-14;23ma02354 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award