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04/06/2024 | FRANCE | N°23MA01886

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 04 juin 2024, 23MA01886


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2303588 du 27 juin 2023, le tribunal ad

ministratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....



Procédure devant la Cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2303588 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Arnout, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2303588 du 27 juin 2023 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir saisi au préalable la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a construit sa vie de famille mais également sa vie privée et amicale en France ;

- le préfet a méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui opposant la condition de visa de long-séjour pour lui refuser son admission exceptionnelle au séjour.

La requête de M. B... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observation.

Par ordonnance du 21 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Martin.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 13 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour en qualité de salarié de M. B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1973, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de

trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

2. Il convient d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué et de l'insuffisance de motivation de ce dernier, qui ont été précédemment invoqués dans les mêmes termes devant les juges de première instance, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 10 et 11 de son jugement, le requérant ne critiquant pas ces motifs.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire, sans enfant et âgé de 50 ans à la date de l'arrêté contesté, ne justifie pas, par les pièces produites, être entré en France au cours de l'année 2009 et s'y maintenir continuellement depuis. La seule présence en France de sa sœur, de son beau-frère et de ses oncles ne permet pas d'établir qu'il aurait transféré l'essentiel de ses attaches familiales en France. Une telle circonstance n'est pas davantage établie par l'ensemble des pièces produites, de nature essentiellement médicale, complétées par des relevés de comptes faisant apparaître quelques mouvements peu significatifs. Si M. B... produit des attestations de personnes se présentant comme des proches ou membres de la famille, celles-ci, rédigées en des termes très généraux et peu circonstanciés, ne sauraient davantage établir l'effectivité d'une vie privée et familiale développée en France, alors que dans le même temps, l'intéressé a vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en dépit de la production d'une promesse d'embauche du 21 avril 2022, complétée en cause d'appel par une nouvelle promesse d'embauche établie postérieurement à l'arrêté en litige, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale. Par suite, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ni méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et pas davantage les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet a décidé de refuser l'admission au séjour de M. B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

5. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. ". En vertu du premier alinéa de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1. ".

6. L'accord franco-marocain susvisé renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en œuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 de l'accord cité ci-dessus. Il en résulte que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour portant la mention " salarié " prévue à l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 est notamment subordonnée, en vertu de l'article 9 de cet accord, à la production par l'intéressé du visa de long séjour mentionné à l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié",

" travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".

8. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.

9. D'une part, il convient, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué, et qui ne sont pas utilement critiqués en appel ni assortis d'éléments nouveaux, d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit que le préfet aurait commise en opposant au requérant l'exigence d'un visa de long séjour sur le fondement de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne l'admission au séjour d'un ressortissant marocain en qualité de salarié, doit être écarté comme étant inopérant.

11. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. B... ne faisait état d'aucun motif exceptionnel ou d'une circonstance humanitaire justifiant son admission exceptionnelle au séjour au titre de son pouvoir de régularisation.

12. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". En application de ces dispositions, le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions pour se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions, ainsi que de ceux qui, en application des dispositions citées au point 7 du deuxième alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifient résider habituellement en France depuis plus de dix ans.

13. M. B... se prévaut du caractère continu de sa présence en France depuis l'année 2009, soit depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Toutefois, l'intéressé, qui ne produit aucun bail d'habitation pour l'ensemble de la période, ne verse aucune pièce pour la période de 2009 à 2012, et ne produit pas davantage d'éléments permettant d'attester d'une présence habituelle en France pour la période de septembre 2020 à août 2021, et pas davantage en 2022, année au titre de laquelle il ne produit qu'une simple promesse d'embauche et le récépissé de sa demande de titre de séjour. Les attestations peu circonstanciées évoquées au point 4 ne sont par ailleurs pas de nature à établir que l'intéressé résidait habituellement en France au cours de cette période, pour une durée significative de près d'un an. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas qu'il remplissait, à la date de l'arrêté contesté, la condition de séjour habituel en France depuis plus de dix ans, de sorte que le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre sa demande pour avis à la commission du titre de séjour en application de l'alinéa 2 de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'un vice de procédure doit par suite être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, ses demandes d'annulation, d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

N° 23MA01886 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01886
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Stéphen MARTIN
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : ARNOUT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23ma01886 ?
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