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04/06/2024 | FRANCE | N°22MA02456

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 04 juin 2024, 22MA02456


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Un mas entre ciel et mer a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la société Enedis à lui verser une somme de 116 187,52 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'implantation d'un poteau électrique près du mas provençal situé 436 chemin des Gauds, sur le territoire de la commune de Mons, dont elle est la propriétaire, et de mettre à la charge de cette société une somme de 5 000 eu

ros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Un mas entre ciel et mer a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la société Enedis à lui verser une somme de 116 187,52 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'implantation d'un poteau électrique près du mas provençal situé 436 chemin des Gauds, sur le territoire de la commune de Mons, dont elle est la propriétaire, et de mettre à la charge de cette société une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001762 du 12 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande, mis les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 699,92 euros à sa charge et rejeté les conclusions présentées par la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 12 septembre 2022, et les 26 avril et 26 mai 2023, la SCI Un mas entre ciel et mer, représentée par Me Carlhian, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 juillet 2022 et, à titre subsidiaire, de le réformer ;

2°) de condamner la société Enedis à lui verser la somme de 66 187,52 euros, au titre des préjudices matériels et de jouissance qu'elle estime avoir subis, et la somme de 50 000 euros, au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la société Enedis la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, sur les moyens propres à " entériner " l'annulation du jugement :

. si le tribunal administratif de Toulon a retenu que l'expert de justice n'avait réalisé aucune investigation technique, il aurait dû solliciter un complément d'expertise et faire application de ses pouvoirs d'instruction ;

. alors qu'elle a produit des mémoires après la clôture d'instruction qui faisaient état d'un élément de fait nouveau tenant à la connaissance exacte de la nature du sol, le tribunal administratif de Toulon aurait donc dû procéder à la réouverture de l'instruction et soumettre cet élément au contradictoire ;

. des pièces complémentaires ont été communiquées à la partie adverse le 8 décembre 2021, soit après la clôture d'instruction ;

- à titre subsidiaire, sur le moyen propre à " entériner " la " révocation " du jugement :

. en écartant la responsabilité sans faute de la société Enedis, le tribunal administratif de Toulon a commis une erreur d'appréciation dès lors qu'elle apportait la preuve du lien de causalité entre le poteau et les infiltrations d'eau dans son mas ;

. une seconde erreur d'appréciation résulte du fait que le tribunal administratif de Toulon n'a pas retenu la spécialité du dommage ;

- sur la responsabilité sans faute de la société Enedis :

. elle a la qualité de tiers par rapport à ce poteau électrique, propriété du gestionnaire du service public de distribution d'électricité, à l'origine de son dommage ;

. les préjudices qu'elle a subis présentent un caractère anormal et spécial : l'anormalité du préjudice tient au fait que des infiltrations d'eau ont eu lieu sur la façade Sud / Sud-Est de l'immeuble, soit précisément au lieu de l'emplacement du poteau ; en outre, les infiltrations sont apparues en 2016, soit après l'installation du poteau qui a eu lieu en 2014-2015 et sa propriété est la seule à subir ce préjudice ;

. le lien de causalité entre cet ouvrage public et ses préjudices est établi ;

. si, par extraordinaire, la Cour devait ne pas retenir la responsabilité totale de la société Enedis, il conviendrait qu'elle retienne sa responsabilité partielle ;

. ses préjudices matériels et de jouissance s'élèvent à la somme totale de 66 187,52 euros et son préjudice moral à celle de 50 000 euros, d'autant que les infiltrations d'eau constatées déjà en novembre 2016 ont perduré et se sont aggravées jusqu'en décembre 2019.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 janvier et 9 juin 2023, la société Enedis, représentée par Me Beaugrand, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la Cour ne reconnaisse sa responsabilité qu'à hauteur de 50 % des préjudices éventuellement subis et qu'elle ramène l'indemnité sollicitée par la SCI Un mas entre ciel et mer à de plus justes proportions et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 4 080 euros soit mise à la charge de cette dernière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

Sur le jugement attaqué :

- le moyen afférent à l'obligation de rouvrir l'instruction est inopérant ;

- les autres moyens tirés de l'irrégularité de ce jugement ne sont pas fondés ;

Sur l'effet dévolutif :

- à titre principal, le lien de causalité entre la présence de l'ouvrage litigieux et les désordres survenus dans l'immeuble dont la SCI Un mas entre ciel et mer est la propriétaire n'est pas établi au regard des pièces du dossier, et y compris au regard du rapport établi par l'expert de justice missionné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon qui souffre de nombreuses insuffisances ;

- à titre subsidiaire, sur les préjudices :

. la société Enedis ne pourra être tenue à indemniser au-delà de 50 % maximum du préjudice retenu par la Cour dès lors que, d'une part, la construction était à l'origine une bergerie, bâtie au XVIIème siècle, transformée en lieu d'habitation sans qu'aucune étanchéité des murs ne soit effectuée, d'autre part, que les désordres trouvent au moins en partie leur cause dans la propension de la bâtisse à " absorber " l'humidité contenue dans la terre et enfin, que le comportement de la SCI Un mas entre ciel et mer a retardé la satisfaction de ses demandes et donc aggravé le préjudice qu'elle aurait subi ;

. la SCI Un mas entre ciel et mer ne produit aucun justificatif des montants qu'elle réclame au titre de son préjudice matériel et de jouissance ;

. la Cour n'a pas plus d'éléments pour apprécier l'existence d'un soi-disant préjudice moral.

Par une ordonnance du 26 mai 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 1er juin 2023, a été reportée au 9 juin 2023, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Sousa, substituant Me Carlhian, représentant la société Un mas entre ciel et mer, et celles de Me Pelegry, substituant Me Beaugrand, représentant la société Enedis.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Un mas entre ciel et mer est propriétaire d'une ancienne bergerie qui a été réhabilitée en maison d'habitation et agrandie. Le mas provençal actuel est situé 436 chemin des Gauds, sur le territoire de la commune de Mons. En 2014 et 2015, la société Electricité réseau distribution France (ERDF), devenue la société Enedis, a procédé à des travaux de renforcement des lignes électriques dans le secteur. Dans ce cadre, elle a implanté un poteau supportant l'une de ces lignes électriques sur le chemin communal qui borde la façade Sud de ce mas provençal. La gérante de la SCI Un mas entre ciel et mer expose qu'au début de l'année 2016, elle a constaté des remontées d'humidité et des infiltrations d'eau sur le sol de la cuisine. Saisi par la SCI Un mas entre ciel et Mer, qui imputent ces désordres à l'installation de ce poteau, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a, par une ordonnance n° 1703727 prise le 23 février 2018 sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, désigné un expert de justice aux fins de rechercher tous éléments relatifs aux causes et conséquences de ces désordres. Cet expert a déposé son rapport le 10 juillet 2018.

La SCI Un mas entre ciel et mer relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant principalement à ce que la société Enedis soit condamnée à lui verser une somme totale de 116 187,52 euros en réparation de différents préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'implantation de ce poteau électrique.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par la SCI Un mas entre ciel et mer :

En ce qui concerne la responsabilité de la société Enedis :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. Depuis l'année 2008, la SCI Un mas entre ciel et mer est propriétaire d'un mas provençal, situé 436 chemin des Gauds, sur le territoire de la commune de Mons. Sa gérante expose avoir constaté, à compter du printemps 2016, des remontées d'humidité et des infiltrations d'eaux, en cas d'épisodes pluvieux, sur le sol de la cuisine. Elle impute ces désordres à l'implantation, par la société Enedis, d'un poteau supportant une ligne électrique, dans le cadre de travaux de renforcement de ces lignes réalisés en 2014 et 2015, la chape de béton sur laquelle est érigé ce poteau, faisant, selon elle, obstacle à l'écoulement des eaux souterraines. Or, il résulte effectivement de l'instruction que l'expert de justice désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon afin, notamment, de déterminer les causes de ces désordres a, dans son rapport déposé au greffe de cette juridiction le 10 juillet 2018, répondu à ce chef de mission en indiquant que " la cause des infiltrations [est] le barrage créé par le socle du poteau béton ", les eaux d'infiltration souterraines s'évacuant de chaque côté de l'obstacle ainsi créé par l'apposition de ce socle. Après avoir qualifié de " douteuse " l'implantation de ce poteau à un mètre dix de la façade Sud de la bâtisse, l'homme de l'art précise que le mas appartenant à la société appelante étant positionné en contre-bas du chemin communal sur lequel est situé ce poteau, la surface entre son plancher et le haut de ce chemin augmente la surface de contact avec l'eau s'écoulant en sous-sol et que, par forte pluie, l'eau butant sur ce socle est déviée contre le mur dudit mas. Il s'ensuit que les dommages dont la SCI Un mas entre ciel et mer, qui a la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage en cause, demande réparation sont imputables à l'existence de celui-ci, et sont, compte tenu de leur caractère grave et spécial, supérieurs à ceux qui affectent toute personne résidant à proximité immédiate d'un tel poteau supportant une ligne électrique.

4. Il résulte de ce qui précède que la SCI Un mas entre ciel et mer est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de la société Enedis, en sa qualité de maître d'ouvrage. Par suite, il y a lieu, pour la Cour, d'une part, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de son irrégularité, d'annuler ce jugement, et, d'autre part, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur l'indemnisation des préjudices subis par la société.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices subis par la SCI Un mas entre ciel

et mer :

S'agissant des frais de déplacement de sa gérante :

5. La SCI Un mas entre ciel et mer soutient que " la situation " a entraîné des frais de déplacement de sa gérante depuis son habitation principale, à Heidelberger, en Allemagne,

" au moins à six reprises ". Mais, si elle sollicite à ce titre le versement d'une somme de

4 200 euros, elle n'assortit cette demande d'aucune précision sur la finalité précise de ces déplacements. Dès lors, et comme le fait valoir la société Enedis, elle n'établit pas le lien entre les frais afférents à ces déplacements et la cause des désordres retenue par la Cour.

S'agissant des frais d'assistance :

6. La SCI Un mas entre ciel et mer demande également l'indemnisation des " frais judiciaires " qu'elle a dû engager " tant au niveau des frais d'avocat, d'huissier que d'expert ".

7. En premier lieu, la SCI Un mas entre ciel et mer n'est pas fondée, au titre de ses prétentions indemnitaires, à solliciter la condamnation de la société Enedis à lui rembourser la somme de 4 699,92 euros dont elle s'est acquittée pour le paiement des frais et honoraires de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon, ces frais et honoraires constituant des dépens dont la dévolution définitive doit être décidée par le juge du fond sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

8. En deuxième lieu, lorsque l'intéressé avait qualité de partie à l'instance, la part de son préjudice correspondant à des frais non compris dans les dépens est réputée intégralement réparée par la décision que prend le juge dans l'instance en cause sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

9. Au cas d'espèce, il était loisible à la SCI Un mas entre ciel et mer de solliciter, dans le cadre des instances en référé engagées devant le tribunal administratif de Toulon, la prise en charge de ses frais non compris dans les dépens. Il y a donc lieu d'écarter les factures dressées les 23 octobre 2017 et 24 octobre 2018 pour les besoins, respectivement, de la préparation et de la rédaction de recours en référé devant le tribunal administratif de Toulon. Il y a également lieu d'écarter les factures datées des 7 décembre 2016 et 8 juillet 2020, qui, bien qu'établies par un avocat, ne permettent pas de déterminer leur lien avec la présente instance de fond. En revanche, la SCI Un mas entre ciel et mer verse aux débats une facture dressée par un avocat le 4 avril 2018 pour les besoins d'une " assistance à expertise - 4 avril 2018 ", date, dont il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise judiciaire, qu'elle correspond à celle de la première réunion technique organisée par l'expert de justice. Il y a dès lors lieu d'allouer à la société appelante la somme de 684 euros correspondant au paiement de cette dernière facture et qui ne constituent pas des frais non compris dans les dépens.

10. En troisième et dernier lieu, la SCI Un mas entre ciel et mer justifie s'être acquittée d'une somme de 380 euros, pour chacun des deux procès-verbaux de constat d'huissier de justice, établis respectivement les 28 novembre 2016 et 25 janvier 2019, ainsi que des sommes de 86,82 et 79,19 euros pour les besoins d'une signification et d'une sommation interpellative. Ces actes d'huissier de justice étant liés au sinistre en cause, il y a lieu de mettre la somme totale de 926,01 euros à la charge de la société Enedis. En revanche, si elle produit une facture d'un montant de 80,14 euros pour une " sommation de faire " du 24 août 2017, aucune des pièces versées aux débats ne permet de regarder ces frais comme étant en lien avec les désordres en cause.

Quant aux travaux de reprise :

11. Il résulte de l'instruction que les désordres affectant le mas appartenant à la SCI Un mas entre ciel et mer ont nécessité la réalisation de travaux de reprise consistant en des opérations de terrassement, d'assainissement, d'assèchement et de maçonnerie. Au regard des devis et factures produits par l'appelante, qui ne sont au demeurant pas sérieusement contestés par la société intimée, il sera fait une juste appréciation du montant de ces travaux de reprise en l'évaluant à la somme totale de 12 000 euros.

12. Toutefois, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître d'ouvrage ou des constructeurs, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

13. Au cas particulier, il résulte de l'instruction que l'expert de justice désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a précisé, dans son rapport déposé le 10 juillet 2018, que si le matériau choisi par le sous-traitant de la société Enedis qui a procédé à l'implantation du poteau litigieux facilite l'écoulement des eaux de surface, le jointoiement du mur en pierres sèches de la bâtisse n'était pas de qualité. A cet égard, il résulte de l'instruction que le mas provençal en cause est, ainsi qu'il a été déjà dit, une ancienne bergerie, probablement construite au XVIIème, voire au plus tard au XVIIIème siècle, selon un type " hérisson ", la dalle de sol étant ainsi directement posée à même le sol, avec une chape béton pour la pose du carrelage et des murs en pierres sèches d'une épaisseur d'environ un mètre. Il est situé en contrebas du chemin communal qui la borde sur le côté de sa façade Sud et une partie de cette construction, dont la cuisine, est partiellement enterrée sur un mètre de hauteur. La ventilation intérieure est naturelle et une fenêtre est au même niveau que le chemin communal. Dans son rapport du 21 mars 2016, l'expert diligenté par l'assureur de la SCI Un mas entre ciel et mer indiquait que sa gérante évoquait la présence de remontrées d'humidité, non seulement dans la cuisine mais aussi dans des placards de la salle à manger. Ces conclusions coïncident avec celles de l'expert mandaté par la société Enedis. Celui-ci a également constaté, au cours de sa visite réalisée en présence de la gérante de la SCI Un mas entre ciel et mer, des remontées capillaires, non récentes, sur la plupart des murs intérieurs de la maison, avec un niveau plus élevé du taux d'humidité dans la cuisine dès lors que cette pièce est partiellement enterrée. Dans son rapport du 15 septembre 2017, cet expert en conclut que " [c]eci semble être lié à l'absence d'isolation. La maçonnerie est en contact direct avec la terre sans isolation et le phénomène de succion opère. " Enfin, et alors que la gérante de la SCI Un mas entre ciel et mer reconnaît elle-même dans un courrier enregistré au greffe du tribunal administratif de Toulon que " la configuration du terrain au sous-sol est déterminante ", la présence d'un bloc rocheux préexistant en bordure de la façade Sud de la maison peut contribuer à dévier l'écoulement des eaux souterraines.

Dans ces conditions, eu égard à la vétusté du mas provençal, de sa conception et de sa localisation, et sans qu'une quelconque faute puisse être reprochée à la SCI Un mas entre ciel et mer, il y a lieu de fixer l'indemnité due par la société Enedis à la SCI Un mas entre ciel et mer au titre des travaux de reprise à 6 000 euros.

Quant aux frais de ménage :

14. La SCI Un mas entre ciel et mer sollicite l'indemnisation de frais de ménage à hauteur de 360 euros. Elle expose qu'au vu de l'état dans lequel elle a trouvé son bien, elle a dû recourir à un service de ménage, en 2016, à raison de quatre interventions de deux heures, et en 2017 et 2018, à raison de quatre interventions de quatre heures en vue d'un nettoyage complet visant notamment le retrait des champignons apparus à cause de l'humidité. Toutefois, comme le fait valoir la société Enedis, la société appelante n'assortit sa demande d'aucune pièce justificative, permettant à la Cour d'apprécier la réalité de ce préjudice. Par suite, ce chef de préjudice ne saurait être indemnisé.

Quant à la perte des revenus locatifs :

15. La SCI Un mas entre ciel et mer invoque la perte de revenus locatifs pour son mas qu'elle destinait à la location, qu'elle évalue à la somme de 24 000 euros. Mais, en se bornant à produire des " photographies justifiant de l'entrave à la location ", accompagnées de commentaires dont l'auteur est indéterminé, la société appelante, qui ne démontre ainsi pas avoir sérieusement cherché en vain à louer son bien, ne peut être regardée comme démontrant la réalité du chef de préjudice ainsi invoqué.

Quant au préjudice résultant de l'impossibilité de réaliser la vente de la maison :

16. La SCI Un mas entre ciel et mer soutient avoir subi un préjudice financier à hauteur de 19 350 euros, constitué par la perte " des intérêts en raison du retard de la vente ". Toutefois, ses développements au soutien de cette prétention sont confus. Alors même qu'elle évoque " un retard de la vente d'une année ", ce qui implique que la vente a été, au terme de cette année, conclue, elle expose avoir signé un compromis de vente en juillet 2019 auquel a été annexé, en septembre 2019, un avenant ajoutant comme condition suspensive l'exécution des travaux de reprise, pour finalement soutenir que l'acquéreur potentiel s'est finalement rétracté. Dans ces conditions, et en se bornant à produire un extrait de cet avenant sur lequel figurent des annotations manuscrites dont l'auteur est là encore indéterminé, ainsi que trois courriels d'agents immobiliers faisant un retour à sa gérante suite à des visites qu'ils ont effectuées, et dont l'un lui écrit que " [l]a présence de cette odeur [de moisissure] est inquiétante pour nos acquéreurs à qui nous pouvons difficilement expliquer que cette situation est apparue seulement après les travaux d'enfouissement du poteau " et l'autre indique que ses clients ne donneront pas suite " en raison du trop grand nombre de poteaux électriques dans le quartier, et sur votre maison plus particulièrement ", la SCI Un mas entre ciel et mer n'établit pas l'existence d'une perte sérieuse de vendre son mas provençal en raison des désordres en cause.

Quant au préjudice moral :

17. Compte tenu des désagréments causés par les désordres en cause et les démarches effectuées par la gérante de la SCI Un mas entre ciel mer pour pouvoir y mettre un terme, d'une part, et des motifs pour lesquels le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a, par une ordonnance n° 1900612 du 3 mai 2019, mis fin aux mesures d'injonction et d'astreinte qu'il avait prononcées par son ordonnance n° 1803418 du 7 décembre 2018, d'autre part, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'appelante en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Enedis doit être condamnée à verser à la SCI Un mas entre ciel et mer la somme totale de 9 610,01 euros (684 + 380 + 380 + 86,82 + 79,19 + 6 000 + 2 000).

Sur les dépens :

19. Selon l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".

20. Les frais et honoraires de l'expertise confiée à M. B... par le juge des référés du tribunal administratif de Toulon ont été liquidés et taxés à la somme de 4 699,92 euros par une ordonnance n° 1703737 rendue le 31 juillet 2018 par le président de cette même juridiction. Eu égard au sens du présent arrêt, il y a lieu de mettre le montant de ces frais et honoraires à la charge définitive de la société Enedis.

Sur les autres frais liés au litige :

21. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Un mas entre ciel et mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Enedis et non compris dans les dépens.

23. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la société Enedis une somme de 2 000 euros à verser à la société appelante.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001762 du tribunal administratif de Toulon du 12 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : La société Enedis est condamnée à verser à la SCI Un mas entre ciel et mer la somme de 9 610,01 euros.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 699,92 euros sont mis à la charge définitive de la société Enedis.

Article 4 : La société Enedis versera une somme de 2 000 euros à la SCI Un mas entre ciel et mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) Un mas entre ciel et mer, et à la société Enedis.

Copie en sera adressée à la commune de Mons et à M. A... B..., expert de justice.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

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No 22MA02456

ot


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