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03/06/2024 | FRANCE | N°24MA00386

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 03 juin 2024, 24MA00386


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 4 avril 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration

du délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et, en troisièm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 4 avril 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et, en troisième lieu, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2305508 du 4 octobre 2023, le tribunal administratif a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2024, M. C..., représenté par Me Capdefosse, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à toutes ses demandes de première instance.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement est irrégulier car " le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation " ;

- il remplit les conditions pour bénéficier d'un droit au séjour pour raisons de santé.

Par une décision en date du 29 décembre 2023, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- et les observations de Me Capdefosse, pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité algérienne, né le 18 juillet 1986, déclare être entré en France le 31 mai 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable quatre-vingt-dix jours. Après avoir bénéficié d'un certificat de résidence du 25 août 2016 au 24 février 2017, l'intéressé a sollicité en 2020, en sa qualité d'étranger malade, un nouveau titre de séjour et s'est vu opposer un premier arrêté portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, annulé par jugement du tribunal administratif de Marseille, en exécution duquel il a été mis en possession d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an valable jusqu'au 7 janvier 2022. Le 29 octobre 2021, il a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté en date du 4 avril 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. M. C... a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement attaqué, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

2. En premier lieu, pour écarter le moyen tiré de l'inexacte application, par le préfet, du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet à ce titre, les premiers juges ont relevé que, saisi de la demande de titre de séjour de M. C... en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône a sollicité le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui, par un avis du 23 février 2022, a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ils ont également relevé que, pour contester cet avis, M. C..., qui a subi une amputation transtibiale de la jambe droite à la suite d'un accident survenu en 2011, fait valoir qu'il souffre de douleurs chroniques, qu'il n'a jamais cessé d'être suivi médicalement depuis janvier 2016, au centre prothétique Houradou, en raison de cette amputation et notamment pour la prise en charge de ses douleurs et son appareillage, et qu'il produit à ce titre plusieurs certificats médicaux établis par le Dr B... qui indique notamment que sa prothèse " nécessite des ajustements constants " compte tenu de la " surinfection chronique du moignon de son membre " ainsi qu'un document intitulé " historique d'appareillage " qui fait état de rendez-vous réguliers, depuis janvier 2016, au centre prothétique Houradou pour la pose de prothèses, essayages, retouches, changements de gaines et réparations, et indique que l'état de santé de M. C... nécessite un traitement et un suivi au long cours principalement sur le plan orthopédique, lequel ne peut être interrompu sous peine de complications invalidantes. Le tribunal administratif a estimé que, toutefois, les documents médicaux produits, en faisant état de douleurs chroniques et de difficultés d'appareillage, ne sont pas de nature, à eux seuls, à remettre utilement en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII, selon laquelle le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ils ont par ailleurs estimé que, si M. C... établit bénéficier d'un suivi psychiatrique régulier depuis le mois de novembre 2016 afin de traiter ses troubles dépressifs post-traumatiques et participer de façon trihebdomadaire aux hospitalisations de jours et ateliers thérapeutiques dispensés au centre médico-psychologique des Caillols (hôpital Valvert), à Marseille en complément d'un lourd traitement médicamenteux antipsychotrope, aucun document produit à l'instance ne permettait d'établir le caractère exceptionnellement grave des conséquences de l'arrêt de ce traitement et de cette prise en charge.

3. Pour contester ces motifs, M. C... se borne, s'agissant du suivi médical de l'état de son moignon, à alléguer, sans l'établir, qu'un arrêt de ce suivi risquerait d'engager son pronostic vital ou d'avoir des " conséquences vitales importantes ". Ce faisant, il n'apporte pas de critique utile aux motifs retenus à bon droit par les premiers juges à cet égard, et qu'il y a lieu d'adopter.

4. S'agissant de son état dépressif, M. C... se prévaut d'un certificat établi par le Dr D..., médecin psychiatre, qui fait état d'un " syndrome dépressif de forte intensité " et aussi, en cas d'arrêt du traitement, d'un " risque sévère de passage à l'acte autolytique ". Toutefois, ce syndrome dépressif est décrit comme " post-traumatique ", et lié par conséquent à l'amputation partielle de la jambe subie par M. C.... Or, le certificat du Dr D... a été établi en 2017, à une époque où les risques de surinfection du moignon de M. C... avaient justifié l'admission provisoire de ce dernier au séjour. Rien n'indique que le risque évoqué par ce certificat a subsisté à la date de l'arrêté attaqué, qui a été pris au vu d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a été rendu 23 février 2022, soit cinq ans plus tard. Si M. C... fait état de son hospitalisation au sein d'une clinique psychiatrique depuis le mois de mars 2024, les documents produits ne permettent d'attester d'aucun risque de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas d'arrêt des soins psychiatriques.

5. En deuxième lieu, pour écarter le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges ont retenu que, si les pièces versées au dossier permettaient de présumer du caractère continu de son séjour sur le territoire depuis 2016, cette seule circonstance ne pouvait démontrer par elle-même que M. C... disposerait d'attaches anciennes et pérennes en France. Ils ont en outre relevé que l'intéressé qui ne se prévalait d'aucune attache sur le territoire ne contestait pas en être dépourvu dans son pays d'origine où résidaient son ex-épouse et ses enfants et où il avait lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Ils ont également relevé que M. C... ne démontrait pas une insertion socioprofessionnelle notable, ni une quelconque tentative d'intégration malgré son handicap. Ils en ont conclu que, dès lors, la décision en litige ne pouvait être regardée comme portant au respect de la vie privée et familiale du requérant, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. M. C... n'apporte pas de critique utile aux motifs retenus à bon droit par les premiers juges, et qu'il y a lieu d'adopter.

7. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le refus de certificat de résidence opposé à M. C... était légal. Il n'est donc pas fondé à invoquer son illégalité pour solliciter l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me Capdefosse et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, où siégeaient :

- M. Alexandre Badie, président,

- M. Renaud Thielé, président assesseur,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2024.

N° 24MA00386 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00386
Date de la décision : 03/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : CAPDEFOSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-03;24ma00386 ?
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