Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Moon Safari, le cabinet Oh!Som, la société BET Strada Ingénierie, la société coopérative de production Domene, la société BET acousticien Echologos et la société Agence Wagon Landscaping ont demandé au tribunal administratif de Marseille à titre principal, de condamner la commune de Marseille à leur verser la somme de 52 800 euros toutes taxes comprises, correspondant au montant total des primes prévues à l'article 7 du règlement de la consultation pour l'établissement d'une esquisse et la remise d'une maquette pour le projet de construction du centre d'intervention et de secours du Redon à Marseille, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2020, et à titre subsidiaire, de condamner la commune de Marseille à leur verser la somme de 48 000 euros toutes taxes comprises correspondant au montant de la prime prévue à l'article 7 du règlement de la consultation pour l'établissement d'une esquisse, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2020.
Par un jugement n° 2007558 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 juin 2022, le 2 juin 2023, le 30 juin 2023 et le 18 juillet 2023, la société Moon Safari, le cabinet Oh!Som, la société BET Strada Ingénierie, la société coopérative de production Domene, la société BET acousticien Echologos et la société Agence Wagon Landscaping, représentés par Me Terrien, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 avril 2022 ;
2°) à titre principal, de condamner la commune de Marseille à leur payer la somme de 52 800 euros toutes taxes comprises majorée des intérêts au taux légal, capitalisés à compter du 25 février 2020 ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Marseille à leur payer la somme de 48 000 euros toutes taxes comprises majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2020 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune de Marseille a commis une faute contractuelle car la procédure ayant conduit à leur refuser l'octroi des primes prévues par l'article 7-1 du règlement de consultation est irrégulière ;
- en outre, le procès-verbal d'analyse des offres établi par le jury est irrégulier : il a été communiqué tardivement et certaines informations sont occultées ; il n'est pas signé par l'intégralité de ses membres, en méconnaissance de l'article R. 2162-18 du code de la commande publique et il ne retranscrit pas l'intégralité des discussions ;
- l'avis leur refusant les primes prévues par le règlement de consultation n'est pas motivé, en méconnaissance de l'article R. 2162-18 du code de la commande publique ;
- de plus, l'offre du groupement a été irrégulièrement rejetée sans vote ;
- l'offre du groupement était régulière et ils avaient droit à l'attribution des primes en application du règlement du concours et de l'article 1 du code de la commande publique, de l'article R. 2172-4 du même code, du décret du 25 mars 2016 et du décret n° 2019-259 du 29 mars 2019 ; lorsque la prime a été refusée irrégulièrement, le candidat peut être indemnisé de l'illégalité ainsi commise ;
- le principe d'égalité a été méconnu ;
- le règlement de consultation qui prévoyait à la fois d'une part à l'article 7-2 que le jury exclurait les prestations incomplètes ou insuffisantes, arrivées hors délai ou ne respectant pas la procédure d'anonymat et, d'autre part, à l'article 7-1 que les groupements non retenus bénéficieront d'une indemnité maximale de 40 000 euros hors taxes pour l'esquisse et 4 000 euros hors taxes pour la maquette est contradictoire ;
- la non-conformité de la maquette ne pouvait exclure le versement de la prime pour l'esquisse, qui était conforme.
Un courrier du 6 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 mai 2023, le 17 juillet 2023 et le 21 juillet 2023, la commune de Marseille, représentée par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge du groupement requérant la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 25 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 31 janvier 2019, la commune de Marseille a publié un avis d'appel à concurrence pour l'organisation d'un concours restreint pour l'attribution d'une mission de maîtrise d'œuvre portant sur la construction du centre d'intervention et de secours du Redon (13009). Le groupement constitué de la société Moon Safari, architecte et mandataire, du cabinet Oh!Som, de la société BET Strada Ingénierie, de la société coopérative de production Domene, de la société BET acousticien Echologos, et de la société Agence Wagon Landscaping, architectes paysagistes, dont la candidature a été retenue pour la deuxième phase du concours, a présenté son offre le 4 décembre 2019. Par un courrier du 25 février 2020, le pouvoir adjudicateur a informé le groupement, d'une part, du rejet de son offre comme irrégulière au motif que la maquette présentée à l'appui de l'offre n'était pas conforme aux attentes du règlement de consultation, et d'autre part, du choix du projet du groupement Studio Gardoni / Fabrice Giraud / Oteis agence sud / Le Ciel par-dessus le Toit pour engager les négociations. Par une demande préalable du 7 juillet 2020, le groupement a demandé à la commune de Marseille le versement de la somme de 40 000 euros hors taxes pour l'établissement de l'esquisse, et de la somme de 4 000 euros hors taxes pour la remise de la maquette, soit une somme totale de 52 800 euros toutes taxes comprises. La société Moon Safari, et les autres membres du groupement, ont alors demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à leur payer à titre principal, la somme de 52 800 euros toutes taxes comprises, ou à titre subsidiaire la somme de 48 000 euros toutes taxes comprises. Ils relèvent appel du jugement n° 2007558 du 26 avril 2022 rejetant leurs demandes.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne l'irrégularité du procès-verbal d'examen du rapport d'analyse des offres dressé par les membres du jury le 11 février 2020 :
2. En premier lieu, ainsi que l'ont à bon droit souligné les premiers juges, la seule communication tardive au groupement du procès-verbal dressé par les membres du jury à l'issue de la séance du 10 mars 2020 est sans incidence sur sa régularité. De même la circonstance que ce procès-verbal comprend des mentions occultées ne caractérise pas une carence de ce procès-verbal.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 88 du décret du 25 mars 2016 alors en vigueur : " ... III. - Le jury, composé conformément à l'article 89, [...] consigne dans un procès-verbal, signé par ses membres, le classement des projets... ". En l'espèce, le procès-verbal indique qu'étaient présents " les membres ayant une voix délibérative : Mme A..., représentant M. le maire, président. Les membres du jury, signataires du présent procès-verbal. / Membres ayant une voix consultative : monsieur l'administrateur des finances publiques. Monsieur le représentant du service chargé de la concurrence ", et comprend, à sa dernière page, la signature de Mme A... et de tous les membres titulaires ayant siégé. M. B..., absent, n'a en revanche pas signé, ce qui ne saurait être regardé comme méconnaissant les dispositions précitées de l'article 88 qui impliquent seulement et nécessairement que le procès-verbal soit signé par les membres du jury présents, aucune disposition n'imposant de préciser le nom des membres absents. Par ailleurs, s'il apparaît que l'administrateur des finances publiques était présent, mais qu'il n'a pas signé le procès-verbal, le groupement requérant ne démontre pas en quoi cette circonstance aurait une incidence sur le contenu de ce procès-verbal, alors notamment que ce membre n'avait qu'une voix consultative.
4. En troisième et dernier lieu, selon l'article 88 du décret du 25 mars 2016 : " Le jury, composé conformément à l'article 89, [...] consigne dans un procès-verbal, [...] le classement des projets ainsi que ses observations et, le cas échéant, tout point nécessitant des éclaircissements et les questions qu'il envisage en conséquence de poser aux candidats concernés. / L'anonymat des candidats peut alors être levé. / Le jury peut ensuite inviter les candidats à répondre aux questions qu'il a consignées dans le procès-verbal. Un procès-verbal complet du dialogue entre les membres du jury et les candidats est établi... ". Comme l'a à bon droit relevé le tribunal, le groupement requérant ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que le procès-verbal ne retranscrirait pas l'intégralité des discussions dès lors que les dispositions précitées imposent uniquement que le procès-verbal mentionne le classement des projets ainsi que les observations des membres du jury. Si ces dispositions imposent également la rédaction d'un procès-verbal complet, cette exigence n'est requise qu'en cas de dialogue entre les membres du jury et les candidats lorsqu'un point nécessite des éclaircissements ou que des questions doivent être posées aux candidats, ce qui, en l'espèce, n'a pas été le cas.
En ce qui concerne la motivation de l'avis du jury :
5. L'article 88 du décret du 25 mars 2016 dispose que : " ... III. - Le jury, composé conformément à l'article 89, examine les candidatures et formule un avis motivé sur celles-ci... ". Il résulte de l'instruction que le procès-verbal indique que " le candidat C est déclaré irrégulier par le représentant du pouvoir adjudicateur. En effet, ce candidat a déposé une maquette en bois, de couleur bois non peinte. Cette maquette n'est pas conforme aux attentes du règlement de consultation. Il était en effet demandé à l'article 4-1-C du règlement de consultation " une maquette blanche au 1/200ème anonyme ". Or le candidat L a déposé une maquette carton / bois et couleur bois ". Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du procès-verbal faute de détailler le motif de la suppression de la prime doit être écarté.
En ce qui concerne le vote du jury :
6. D'une part, l'article 88 du décret du 25 mars 2016 dispose que : " ... III. - Le jury, composé conformément à l'article 89, examine les candidatures et formule un avis motivé sur celles-ci. Lorsque le concours est restreint, l'acheteur fixe la liste des candidats admis à concourir et les candidats non retenus sont informés. / Une prime est allouée aux participants qui ont remis des prestations conformes au règlement du concours. Sous réserve des dispositions de l'article 90, le montant de la prime est librement défini par l'acheteur et est indiqué dans les documents de la consultation. ... ". Et aux termes de l'article 90 de ce même décret : " III. - Lorsque l'acheteur est soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée et organise un concours, les opérateurs économiques qui ont remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d'une prime. Le montant de cette prime est égal au prix estimé des études à effectuer par les candidats affecté d'un abattement au plus égal à 20 %. La prime est allouée aux candidats sur proposition du jury ... ". D'autre part, selon l'article 7.1 du règlement de consultation : " Les groupements non retenus bénéficieront d'une indemnité maximale de 40 000 euros HT pour l'esquisse. / [...] La totalité des groupements, y compris le lauréat, bénéficiera d'une indemnité de 4000 euros HT pour la maquette. / Le jury se réserve la possibilité de proposer de réduire ou de ne pas attribuer de primes aux concurrents dont les prestations auront été jugées insuffisantes, incomplètes ou non conformes à des règlementations. ". Et l'article 7.2 du même règlement ajoute que : " L'analyse des offres se fera à partir de l'ensemble des documents anonymes. Le jury exclura de la procédure de jugement : / Les prestations incomplètes ou insuffisantes. / les prestations arrivées hors délai./ les prestations ne respectant pas la procédure d'anonymat. ".
Quant à la prétendue contradiction des articles 7.1 et 7.2 du règlement de consultation :
7. Le groupement requérant n'est pas fondé à soutenir que l'article 7.1 du règlement de consultation cité au point précédent qui règle la question des primes des candidats ne serait pas conciliable avec l'article 7.2 du même règlement, relatif à l'appréciation des offres, ces dispositions ayant un champ d'application distinct. Par ailleurs, la circonstance que le groupement représenté par la société Moon Safari ait été admis à concourir et à présenter un projet dans le cadre de la deuxième phase du concours en application du décret du 25 mars 2016, s'agissant d'un concours restreint, n'est pas suffisante pour considérer qu'il avait droit à cette prime, qui ne peut être versée qu'aux participants qui " ont remis des offres conformes au règlement du concours " comme prévu par l'article 90 du même décret cité au point précédent.
Quant à l'absence de vote :
8. Il résulte des dispositions du décret du 25 mars 2016 citées au point 6 que, sans qu'y fasse obstacle le règlement de consultation, la prime ne peut être accordée que sur proposition du jury. Par suite, en l'absence de toute proposition du jury proposant d'accorder une prime au groupement représenté par la société Moon Safari, la prime n'était pas due.
En ce qui concerne la conformité de l'offre du groupement :
9. Le moyen selon lequel l'offre du groupement était conforme au règlement du concours doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges aux points 10 et 11 du jugement qui n'appellent pas de précision en appel.
En ce qui concerne la méconnaissance du principe d'égalité :
10. A supposer que le groupement requérant ait entendu soutenir que le principe d'égalité aurait été méconnu en se prévalant du fait que le procès-verbal du jury a relevé que le projet B prévoyait " l'utilisation de la perche pompier sur deux niveaux " ce qui " n'était pas autorisé par le programme " mais que ce projet a tout de même bénéficié d'une prime, un tel moyen ne peut qu'être écarté alors qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis d'appel public à la concurrence, que le projet est évalué notamment au regard du respect du programme mais que c'est en amont de cette évaluation, au stade de la conformité du projet au regard du règlement de consultation, que se situe l'attribution de la prime. Les deux candidats ne se trouvaient donc pas dans la même situation.
En ce qui concerne la suppression de la totalité des primes :
11. La groupement requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que la non-conformité de la maquette ne pouvait justifier que la prime pour l'esquisse, dont la non-conformité n'a pas été relevée, ne lui soit pas accordée alors qu'il est constant que son offre a été jugée non conforme et écartée ainsi qu'il a été dit au point 9 et que l'article 90 du décret du 25 mars 2016 cité au point 6 prévoit qu'une prime est allouée aux participants qui ont remis des prestations conformes au règlement de concours, sans distinguer s'il s'agit d'une non-conformité partielle ou totale.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Moon Safari et autres membres du groupement doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Moon Safari et autres membres du groupement dirigées contre la commune de Marseille qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Moon Safari, du cabinet Oh!Som, de la société BET Strada Ingénierie, de la société coopérative de production Domene, de la société BET acousticien Echologos et de la société Agence Wagon Landscaping la somme globale de 1 500 euros, à verser à la commune de Marseille en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Moon Safari et autres membres du groupement est rejetée.
Article 2 : La société Moon Safari et autres membres du groupement verseront à la commune de Marseille une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Moon Safari, au cabinet Oh!Som, à la société BET Strada Ingénierie, à la société coopérative de production Domene, à la société BET acousticien Echologos, à la société Agence Wagon Landscaping et à la commune de Marseille.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, où siégeaient :
- M. Alexandre Badie, président de chambre,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2024.
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N° 22MA01790