Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2306196 du 20 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2023, sous le n° 23MA02539, M. A..., représenté par Me Prévost, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 octobre 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter d'un délai de quinze jours, suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
s'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle viole l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la circulaire du 28 novembre 2012, tolère que le titre de séjour soit accordé à un jeune qui en a fait la demande à 19 ans et trois mois comme en l'espèce ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle viole l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur les mentions du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) qui ne peuvent fonder un refus de titre de séjour et sans avoir justifié de la saisine préalable du procureur de la République ;
- il remplit les critères de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les observations de Me Dahmoune, substituant Me Prévost, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité gabonaise, né le 16 février 2004, est entré en France le 19 juillet 2018, muni d'un visa de court séjour et a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) à compter du 9 décembre 2020. Le 9 mars 2023, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de jeune majeur issu de l'ASE. Par un arrêté du 5 mai 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 20 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 mai 2023.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) constituent une mesure de police ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision contestée comporte les considérations de droit et de faits relatif à la situation de M. A.... Si ce dernier soutient que le préfet ne pouvait estimer qu'il a déclaré, sans toutefois l'établir, s'être maintenu continuellement en France depuis alors qu'il avait produit les preuves de sa scolarité et de son placement à l'aide sociale à l'enfance, la décision en litige mentionne que l'intéressé a été confié jusqu'à sa majorité à l'aide sociale à l'enfance. Par suite, elle n'est pas insuffisamment motivée.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des motifs de l'arrêté en litige que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de M. A....
5. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France à l'âge de 14 ans et a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) à compter du 9 décembre 2020. Il déclare lui-même avoir poursuivi sa scolarisation en lycée professionnel pour finalement abandonner son stage d'apprentissage au premier trimestre 2021. Devenu majeur le 16 février 2022, il a suivi une formation professionnelle en fibres optiques à la rentrée 2022 et a été admis en février 2023 dans un dispositif d'accueil et d'insertion au sein de l'établissement PEPS (parcours éducatif et psycho social). Par ailleurs, il a déposé sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 9 mars 2023, alors qu'il avait dix-neuf ans révolus comme le mentionne la décision contestée. Ainsi, M. A... ne remplissait pas la condition prévue par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tirée de l'obligation de demander dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " alors même qu'il aurait bénéficié d'un contrat jeune majeur signé avec l'aide sociale à l'enfance le 15 mars 2024, postérieurement à la décision en litige. Par ailleurs, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement refuser à M. A... la délivrance du titre de séjour sollicité au motif que sa demande a été effectuée alors qu'il avait dix-neuf ans révolus.
7. D'une part, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 230-6 du code de la sécurité intérieure : " Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel ". Aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I.- Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1 (...) du code de la sécurité intérieure (...), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes (...) peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. (...) Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. (...) ". L'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité dispose que " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes (...) de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers (...) ".
9. Il ressort de la décision contestée que pour refuser l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en compte le fait que le requérant avait fait l'objet, entre 2018 et 2022, de nombreux signalements portés au fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ) pour notamment des faits de transports, d'usage et de détention non autorisés de stupéfiants, agression sexuelle imposée à un mineur de 15 ans, de viol commis sur un mineur de 15 ans, de port d'arme blanche, de vol, de recel de biens et de participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences. Or il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet aurait, avant de refuser de faire droit à la demande de titre de séjour du requérant, saisi les services compétents de la police nationale ou de la gendarmerie nationale pour complément d'information, ou le procureur de la République compétent aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, conformément aux dispositions du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale.
10. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le refus de séjour opposé par le préfet est également fondé sur les faits, que l'intéressé ne justifiait pas de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels et familiaux, qu'il était célibataire et sans enfant et n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ou résident ses parents. Par ailleurs, si M. A... est entré en France à l'âge de 14 ans et a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) à compter du 9 décembre 2020, il a déclaré lui-même avoir poursuivi sa scolarisation en lycée professionnel pour finalement abandonner son stage d'apprentissage au premier trimestre 2021. En outre, il ne peut utilement se prévaloir d'une promesse d'embauche et d'un contrat jeune majeur, ces faits étant postérieurs à la décision contestée. Il résulte de l'instruction, au cas particulier, que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces seuls motifs, à l'exclusion de celui tiré de l'existence de nombreux signalements portés au fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ).
11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A....
S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". L'article L. 613-1 du même code dispose que : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ".
13. Il résulte de ces dispositions que la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise concomitamment à une décision de refus de titre de séjour, qui en l'espèce est suffisamment motivée ainsi qu'il a été dit au point 3, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte.
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des motifs des décisions en litige que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de M. A....
15. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 11, M. A... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
16. Le moyen tiré de de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 11.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 mai 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
18. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. A....
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.
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N° 23MA02539
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