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31/05/2024 | FRANCE | N°23MA01691

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 31 mai 2024, 23MA01691


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire national pendant une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2304557 du 15 juin 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa dema

nde.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire national pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2304557 du 15 juin 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Perrot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 3 mai 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui n'a pas expliqué les raisons pour lesquelles il serait indispensable, dans l'intérêt supérieur de l'enfant, qu'il soit obligé de quitter le territoire français, est entaché d'un défaut de motivation ;

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation en considérant qu'il représentait une menace à l'ordre public et ne pouvait ainsi être admis au séjour en application de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien ;

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans est illégale par voie d'exception de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- et les observations de Me Perrot, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de nationalité algérienne né le 3 avril 1988, relève appel du jugement du 15 juin 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire national pendant une durée de deux ans.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que la première juge, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments présentés par le requérant, a indiqué de manière suffisamment précise, au point 16 du jugement, les motifs pour lesquels elle a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé manque en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

4. M. A... est le père d'une enfant de nationalité française, née le 21 juin 2018 à Marseille, issue de son union avec son ex-compagne, de nationalité française. Pour rejeter l'admission au séjour de M. A... en qualité de parent d'enfant français, sur le fondement des stipulations du 4) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé, d'une part, que l'intéressé ne justifiait ni exercer, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de son enfant, ni contribuer effectivement à ses besoins, d'autre part, que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné une première fois, par un jugement du 26 octobre 2021 du tribunal correctionnel de Marseille, à une peine de quatre mois d'emprisonnement, assortie d'un sursis probatoire de deux ans, pour des faits d'appels téléphoniques malveillants réitérés commis le 26 janvier 2021 à l'encontre de son ex-compagne. Il a été condamné une seconde fois par un jugement du 14 décembre 2021 du tribunal judiciaire de Privas à une peine de trois ans d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire de deux ans pour des faits de violences habituelles, suivies d'une incapacité supérieure à huit jours, en l'espèce trente-trois jours, commis sur sa fille du 21 juin 2018 au 18 septembre 2018, cette condamnation ayant été assortie de mesures de contrôle, d'obligation de soins et de réparation des préjudices subis. Ainsi, les faits pour lesquels il a été condamné sont, par leur nature même et eu égard à leur caractère encore récent à la date de la décision en litige, d'une particulière gravité, et révèlent notamment des violences commises sur sa fille pendant près de trois mois depuis sa naissance. Si le requérant soutient qu'il a bénéficié d'un sursis probatoire, qu'il est suivi régulièrement par le service pénitentiaire d'insertion et de probation de Marseille, qu'il a été autorisé à rencontrer sa fille dans le cadre d'un droit de visite médiatisé et qu'il a respecté toutes les obligations résultant de la mise en place de son contrôle judiciaire, l'ensemble de ces circonstances ne sauraient retirer aux faits en cause leur caractère récent et leur particulière gravité. Par voie de conséquence, et sans qu'ait d'incidence la circonstance que M. A... remplirait l'une des conditions d'obtention du certificat de résidence prévue au 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet des Bouches-du-Rhône pouvait, au seul motif que la présence en France de l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public, considérer que ce dernier ne pouvait prétendre de plein droit au bénéfice d'un certificat de résidence et l'obliger à quitter le territoire français.

6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

7. Il ressort de ce qui a été exposé ci-dessus que M. A... est le père d'une fille, née le 21 juin 2018 et de nationalité française, qu'il a reconnue de manière anticipée le 17 mars 2018. Toutefois, celui-ci a été incarcéré, à compter du 11 octobre 2022, pour avoir commis des faits de violence sur son enfant sur la période du 21 juin 2018 au 18 septembre 2018, ayant été suivis d'une incapacité temporaire de trente-trois jours. Son comportement constitue, ainsi qu'il a été dit, une menace à l'ordre public. L'enfant réside désormais au domicile de sa mère, séparée désormais de M. A.... Le requérant se prévaut de ce qu'il dispose d'un droit de visite médiatisé mais ne justifie pas des rencontres qui auraient eu lieu. Il n'apporte pas non plus, notamment par l'envoi d'un seul courrier à sa fille, ou de quelques dessins réalisés par cette dernière à son attention, d'éléments suffisants de nature à établir l'intensité des liens affectifs entretenus entre lui et sa fille. Pour ces raisons, et alors même qu'il justifie verser régulièrement des sommes d'argent pour le compte de sa fille, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porterait une atteinte excessive à l'intérêt de l'enfant et aurait méconnu en conséquence les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans.

9. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

10. Il résulte de ces dispositions, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est soustrait à l'exécution de quatre précédentes mesures d'éloignement prises les 11 mars 2015, 24 juillet 2017, 4 septembre 2019 et 12 mars 2021 et, ainsi qu'il est indiqué au point 5, a manifesté à plusieurs reprises un comportement contraire à l'ordre public, pour lequel il a été notamment condamné en raison de violences commises sur sa fille. S'il justifie verser régulièrement des sommes d'argent pour le compte de sa fille, il n'apporte pas d'éléments suffisants de nature à établir l'intensité des liens affectifs entretenus entre lui et celle-ci. Il ne justifie enfin pas être dépourvu d'attaches familiales en Algérie, où résident ses parents et la quasi-totalité de sa fratrie. L'intéressé ne justifie ainsi d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour sur le territoire de M. A... et au caractère très récent à la date de l'arrêté en litige de ses liens avec sa nouvelle compagne de nationalité française avec laquelle il envisage de conclure un pacte civil de solidarité, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

12. Eu égard à la situation privée et familiale du requérant, exposée aux points 5, 7 et 11 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01691
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;23ma01691 ?
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