Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat départemental du syndicat national Force ouvrière des cadres des organismes sociaux (SNFOCOS) des Bouches-du-Rhône et le syndicat général Force ouvrière (FO) des employés et cadres des organismes de sécurité sociale ont demandé au tribunal administratif de Marseille :
- d'annuler la décision du 31 mars 2020 par laquelle les ministres des solidarités et de la santé et de l'action et des comptes publics ont refusé d'agréer le protocole d'accord d'entreprise relatif à la prime exceptionnelle de résultats pour 2008 conclu le 3 juillet 2008 entre la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône et diverses organisations syndicales ;
- d'enjoindre à titre principal aux ministres des solidarités et de la santé et de l'action et des comptes publics de donner leur agrément à cet accord d'entreprise ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'agrément dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement no 2005458 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2023, le syndicat départemental SNFOCOS des Bouches-du-Rhône et le syndicat général FO des employés et cadres des organismes de sécurité sociale demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 31 mars 2020 par laquelle les ministres des solidarités et de la santé et de l'action et des comptes publics ont refusé d'agréer le protocole d'accord d'entreprise relatif à la prime exceptionnelle de résultats pour 2008 conclu le 3 juillet 2008 entre la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône et diverses organisations syndicales ;
3°) d'enjoindre à titre principal aux ministres des solidarités et de la santé et de l'action et des comptes publics de donner leur agrément à cet accord d'entreprise ou, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'agrément dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement à intervenir et sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif et la cour administrative d'appel de Marseille sont matériellement et territorialement compétents ;
- leur requête est recevable ;
- l'accord d'entreprise relatif à la prime exceptionnelle de résultats pour 2008 conclu le 3 juillet 2008 ne constitue pas une extension de l'accord de branche du 30 novembre 2004 ;
- le motif tiré de ce que l'accord d'entreprise méconnaîtrait le principe d'unicité de traitement entre les salariés des différents organismes de sécurité sociale et créerait des disparités dans la politique salariale est infondé ; les salariés des caisses d'allocations familiales en charge de la mise en œuvre du revenu de solidarité active à titre expérimental étaient placés dans une situation objectivement différente des salariés des autres caisses qui n'étaient pas en charge de ce dispositif ;
- le coût allégué de la mesure n'est pas exponentiel et ne constitue ni une dépense nouvelle ni un surcoût pour le budget de la sécurité sociale, de telle sorte que les ministres ne disposaient d'aucun pouvoir d'appréciation pour refuser l'agrément ;
- l'agrément en cause a été délivré aux caisses d'allocations familiales d'Île-de-France et de l'Aude.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les syndicats requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la
classification des emplois conclu entre l'union des caisses nationales de sécurité sociale et les organisations syndicales nationales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La caisse d'allocations familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône et sept organisations syndicales ont signé le 3 juillet 2008 un accord d'entreprise ayant pour objet l'attribution aux salariés d'une prime exceptionnelle de résultats au regard de l'expérimentation du dispositif de revenu de solidarité active (RSA) mise en place dans le département des Bouches-du-Rhône. Par une décision du 31 mars 2020, prise à la suite de l'avis défavorable du 11 mars 2020 du comité exécutif des directeurs de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale consulté en application de l'article R. 123-1-1 du code de la sécurité sociale, les ministres des solidarités et de la santé et de l'action et des comptes publics ont refusé d'agréer l'accord d'entreprise négocié le 3 juillet 2008 entre la CAF et les organisations syndicales. Le syndicat départemental du syndicat national force ouvrière des cadres des organismes sociaux des Bouches-du-Rhône (SNFOCOS) et le syndicat général force ouvrière (FO) des employés et cadres des organismes de sécurité sociale relèvent appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande d'annuler cette décision et d'enjoindre aux ministres compétents de donner leur agrément à cet accord d'entreprise ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de leur demande d'agrément.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 123-1 du code de la sécurité sociale : " En ce qui concerne le personnel autre que les agents de direction et les directeurs comptables et financiers, les conditions de travail du personnel des organismes de sécurité sociale, de leurs unions ou fédérations, de leurs établissements et œuvres sociales sont fixées par conventions collectives de travail et, en ce qui concerne le régime général, par convention collective nationale. / Toutefois, les dispositions de ces conventions ne deviennent applicables qu'après avoir reçu l'agrément de l'autorité compétente de l'Etat ". Aux termes de l'article R. 123-1 du même code : " L'autorité compétente de l'Etat mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 123-1 (...) est le ministre chargé de la sécurité sociale (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 5 du protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois, concernant la prime de résultats : " Les salariés occupant des emplois classés à partir du niveau 8 des employés et cadres, du niveau 8E des personnels soignants, éducatifs et médicaux des établissements et œuvres, du niveau VII des emplois informatiques, ainsi que les ingénieurs conseils peuvent bénéficier d'une prime exceptionnelle de résultats destinée à reconnaître l'atteinte d'objectif(s) particulier(s) négocié(s) avec la hiérarchie ".
4. Il ressort des pièces du dossier que les ministres des solidarités et de la santé et de l'action et des comptes publics ont, après avis défavorable du comité exécutif des directeurs de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale, refusé d'agréer l'accord d'entreprise négocié le 3 juillet 2008 entre la CAF des Bouches-du-Rhône et sept organisations syndicales, qui est au nombre des conventions collectives de travail visées par les dispositions précitées de l'article L. 123-1 du code de sécurité sociale.
5. Il ressort de la décision litigieuse du 31 mars 2020 que cet accord d'entreprise, portant au niveau local sur un élément de rémunération du personnel, a pour effet d'étendre, à titre exceptionnel pour l'année 2008, la prime de résultats à l'ensemble des salariés de la CAF des Bouches-du-Rhône, alors que l'article 5 précité de l'accord national du 30 novembre 2004 réserve le bénéfice de cette prime à certaines catégories de cadres et que l'article 7 du même accord la conditionne à l'atteinte d'objectifs particuliers fixés individuellement au cours d'un entretien annuel d'évaluation avec le supérieur hiérarchique. Ce faisant, les ministres des solidarités et de la santé et de l'action et des comptes publics ont pu à bon droit considérer que l'accord du 3 juillet 2008 constituait une dérogation à l'accord national en prévoyant l'ouverture du droit à la prime de résultats à des catégories de personnels non mentionnées dans l'accord national. Par suite, le moyen tiré de ce que les ministres auraient entaché, pour ce motif, leur décision d'une erreur d'appréciation et de qualification juridique des faits doit être écarté.
6. Par ailleurs, pour refuser leur agrément à l'accord du 3 juillet 2008 conclu entre la CAF des Bouches-du-Rhône et les syndicats représentatifs, les ministres se sont fondés sur la circonstance que l'extension de la prime à l'ensemble des salariés de la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône " nuirait à l'unicité de traitement au sein des organismes de sécurité sociale " dont le ministre chargé de la sécurité sociale est le garant, " en induisant des disparités dans la politique salariale entre les structures. ". Les ministres, qui font valoir leur pouvoir de tutelle étendu issu des dispositions précitées de l'article L. 123-1 du code de la sécurité sociale, ont entendu ainsi se fonder sur l'intérêt qui s'attache à la sauvegarde du caractère national des règles régissant les conditions de travail des agents des organismes de sécurité sociale et sur la nécessité, compte tenu de la responsabilité incombant aux CAF, de ne pas favoriser une application différenciée du versement de la prime exceptionnelle de résultats dont les conditions d'attribution sont déterminées, ainsi qu'il a été dit, par un accord conclu au niveau national. De tels motifs étaient de nature à justifier légalement un refus d'agrément, et ne sont pas utilement contredits par les requérants qui se bornent à mentionner les dérogations au principe d'unité du statut collectif admises en application de la jurisprudence de la cour de cassation, ainsi qu'un rapport de la cour des comptes de 2011 faisant état de l'hétérogénéité de gestion des CAF. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision litigieuse serait, sur ce point, entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. De surcroît, il ressort des termes de la décision en litige que les ministres ont également motivé leur refus d'agrément en indiquant que l'attribution de la prime exceptionnelle " est de nature à engendrer un surcoût élevé pour la gestion des dépenses " de la CAF des Bouches-du-Rhône, " qui ne se justifie pas par rapport à la situation des autres organismes ". Il résulte des dispositions précitées au point 2 que le ministre chargé de la sécurité sociale tient de ces dispositions le pouvoir de refuser un agrément lorsque les conventions lui paraissent de nature à affecter, directement ou indirectement, l'équilibre financier du régime de sécurité sociale. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que la provision constituée en vue d'octroyer aux agents concernés la prime litigieuse s'élève à la somme, reprise par le courrier de demande d'agrément de la CAF des Bouches-du-Rhône du 19 décembre 2019, de 1 487 320 euros. Les requérants ne remettent pas en cause le montant de cette dépense, en affirmant, sans le démontrer, qu'une partie de celle-ci serait affectée à la réalisation de travaux d'aménagement. Ainsi, et alors même que ces avantages de rémunération sont provisionnés et n'ont vocation qu'à être versés au seul personnel de la CAF des Bouches-du-Rhône au titre d'une année, ils présentent une incidence financière qui n'est pas sans influence sur l'équilibre financier du régime de sécurité sociale et sur l'objectif de maîtrise des dépenses de gestion des organismes de sécurité sociale. Il suit de là que le motif invoqué par les ministres, tiré de l'incidence financière d'une extension de cette prime exceptionnelle, n'est pas entaché d'illégalité.
8. Enfin, si les syndicats requérants soutiennent que les CAF d'Île-de-France et de l'Aude ont bénéficié de l'agrément ministériel et ont accordé la prime exceptionnelle à leurs salariés, cette affirmation, au demeurant contestée en défense, n'est, comme en première instance, pas établie par la seule photographie partielle d'un courrier non daté de la CAF de l'Aude adressé à un salarié, qui ne vaut en tout état de cause pas agrément et qui porte sur l'application de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement des salariés de la CAF des Bouches-du-Rhône au regard de la situation des salariés dépendant des autres CAF ne peut, par suite, qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le syndicat départemental SNFOCOS des Bouches-du-Rhône et le syndicat général FO des employés et cadres des organismes de sécurité sociale, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
11. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance. En l'espèce, le ministre de la santé et de la prévention, qui n'est pas représenté par un avocat, ne justifie pas de frais non compris dans les dépens que l'État aurait spécifiquement exposés dans le cadre de la présente instance. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat départemental SNFOCOS des Bouches-du-Rhône et du syndicat général FO des employés et cadres des organismes de sécurité sociale est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre du santé et de la prévention présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat départemental du syndicat national Force ouvrière des cadres des organismes sociaux des Bouches-du-Rhône, au syndicat général Force ouvrière des employés et cadres des organismes de sécurité sociale,au ministre de la santé et de la préventionet au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Copie en sera adressée aux syndicats CFDT, CDG CGC, CFTC-PSE, CGT-UGICT, CGT-FO, à la fédération CGT organismes sociaux et à la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller ;
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.
N° 23MA00162