Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... D..., M. H... B..., M. A... G..., Mme K... E... et Mme I... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2019 par lequel le maire de la commune d'Uvernet-Fours a interdit la circulation sur le chemin rural " Chemin bas de la zone des chalets " à Pra Loup 1600 à tous les véhicules motorisés en période de gel, de dégel et d'enneigement sur la partie dont la commune est propriétaire, ainsi que la décision du 30 mars 2020 rejetant leur recours gracieux du 20 février 2020.
Par un jugement n° 2003810 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a :
- donné acte du désistement de l'intervention volontaire de M. J... et M. H... L... ;
- annulé l'arrêté du 26 décembre 2019 et la décision du 30 mars 2020 de rejet du recours gracieux en tant que l'interdiction de circulation ne comporte pas de dérogation pour les véhicules utilisés pour l'exercice des missions de service public ;
- enjoint au maire d'Uvernet-Fours d'autoriser la circulation des véhicules utilisés pour l'exercice des missions de service public, même en période de gel, de dégel et d'enneigement, sur le " Chemin bas de la zone des chalets " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
- rejeté le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune d'Uvernet-Fours sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 janvier 2023 et 16 octobre 2023, M. D... et M. B..., représentés par Me Burtez-Doucede, demandent à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille et d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2019 et la décision du 30 mars 2020 ;
2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la commune d'Uvernet-Fours de rétablir l'accès au " Chemin bas de la zone des chalets " à Pra Loup 1600 par tous moyens utiles, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jours de retard passé ce délai ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Uvernet-Fours la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que la minute du jugement n'est pas revêtue de la signature du président de la formation de jugement, de celle du rapporteur et de celle du greffier d'audience ;
- le chemin desservant leur propriété permet le contournement et le croisement des véhicules motorisés ;
- le motif, retenu par le tribunal, tiré de ce que le chemin ne permet pas le retournement ni le croisement des véhicules est fondé sur des faits matériellement inexacts et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la commune ne remplit que partiellement ses obligations en matière d'entretien du chemin afin de laisser circuler uniquement les piétons ;
- la configuration du chemin n'est pas à l'origine d'accidents pour les usagers en période de gel, de dégel et d'enneigement et ne justifie pas une interdiction de circulation des véhicules à moteur à cette même période ;
- l'existence d'une desserte piétonne n'est pas de nature à justifier une interdiction générale et absolue de la circulation des véhicules motorisés des riverains ;
- cette situation créé une rupture d'égalité entre les usagers ;
- la mesure de police n'est pas nécessaire ni adaptée au but recherché et est disproportionnée, elle porte atteinte à la liberté d'aller et venir et au droit d'accès à la propriété des riverains.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, la commune d'Uvernet-Fours, représentée par Me Cagnol, demande à la cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a annulé partiellement l'arrêté du 26 décembre 2019 et la décision du 30 mars 2020 ;
2°) de rejeter la requête de M. D... et de M. B... ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. D... et de M. B... la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties le jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- les observations de Me Claveau, représentant M. D... et M. B..., et celles de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 26 décembre 2019, le maire d'Uvernet-Fours a interdit la circulation sur le chemin rural " Chemin bas de la zone des chalets " à tous véhicules motorisés en période de gel, de dégel et d'enneigement sur la partie dont la commune est propriétaire. Propriétaires de biens immobiliers desservis par ce chemin rural, M. D..., M. B..., M. G..., Mme E... et Mme C... ont adressé au maire un recours gracieux le 20 février 2020 à fin de retrait de cet arrêté. Cette demande a été rejetée par décision du maire de la commune du 30 mars 2020. Par un jugement du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 26 décembre 2019 et la décision du 30 mars 2020 en tant seulement que l'interdiction de circulation ne comporte pas de dérogation pour les véhicules utilisés pour l'exercice des missions de service public, et a enjoint au maire d'autoriser la circulation de ces véhicules dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. M. D... et M. B... doivent être regardés comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux requérants ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-2 de ce code, sur lequel est fondé l'arrêté contesté : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1°) Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". Aux termes de l'article L. 2213-1 de ce code : " Le maire exerce la police de la circulation sur (...) l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations (...) ". Aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière : " Les dépenses d'entretien des voies communales font partie des dépenses obligatoires mises à la charge des communes (...) ". Aux termes de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment : / (...) 20° Les dépenses d'entretien des voies communales (...) ". Selon l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ".
6. Sauf dispositions législatives contraires, les riverains d'une voie publique ont le droit d'accéder librement à leur propriété et, notamment, d'entrer et de sortir des immeubles à pied ou avec un véhicule. Dans le cas d'une voie communale, le maire ne peut refuser d'accorder un tel accès, qui constitue un accessoire du droit de propriété, que pour des motifs tirés de la conservation et de la protection du domaine public ou de la sécurité de la circulation sur la voie publique.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du maire d'Uvernet-Fours du 26 décembre 2019 interdit la circulation des véhicules motorisés en période de gel, de dégel et d'enneigement sur le chemin rural dit " chemin bas de la zone des chalets " qui a été transféré à la commune par une convention conclue le 2 novembre 1974 avec l'association syndicale autorisée du lotissement de Pra-Loup. L'arrêté mentionne parmi ses motifs que le chemin rural " ne comporte pas de zone de retournement, ne permet pas le croisement de véhicules compte tenu de son étroitesse " et que " sa conservation et l'intérêt majeur de sécurité public justifient pleinement la limitation apportée au libre usage de ce chemin ".
8. Les photographies versées aux débats mettent en évidence l'étroitesse du chemin rural en cause, voie sans issue, à double sens et desservant une dizaine de chalets d'habitation. Le plan du lotissement produit par les requérants, qui confirme ces éléments, révèle que la largeur de la voie varie entre 2,70 mètres et 3,90 mètres. Si les requérants soutiennent qu'une zone de retournement, destinée à faciliter les demi-tours, est présente au niveau du chalet n° 35 appartenant à M. D... et que les véhicules peuvent se croiser à ce même endroit ainsi qu'au niveau du chalet n° 40 appartenant à un tiers, il est constant que la largeur du chemin n'est sur ces tronçons que de 3,10 mètres et de 3,30 mètres. Les deux photographies produites à l'appui de la requête, qui n'ont au demeurant pas été prises dans les conditions de gel, de dégel et d'enneigement prévues par l'arrêté contesté, ne permettent pas d'établir la possibilité pour les véhicules de se croiser sur le chemin et de faire demi-tour au niveau du chalet de M. D..., qui plus est lorsque les conditions de circulation sont dégradées, la chaussée utilisable, non goudronnée et présentant à certains endroits une importante dénivellation, étant nécessairement réduite du fait de la présence de gel ou de neige. Dans ces conditions, les espaces présentés par les requérants comme une aire de retournement et un accotement permettant le croisement, et dont il n'est pas contesté qu'ils se situent, au moins en partie, sur l'emprise des parcelles appartenant à M. D... et à M. C..., se révèlent ainsi insuffisants et non sécurisés pour permettre les manœuvres des véhicules.
9. De surcroît, au cas d'espèce, l'arrêté en litige, dont le champ d'application territorial se limite à un chemin rural du territoire communal et dont le champ d'application temporel se limite, de manière suffisamment claire, à l'état du chemin résultant de conditions météorologiques précises, n'interdit pas de façon générale et absolue la circulation des véhicules motorisés. La décision de police contestée, limitée dans le temps et dans sa portée, est justifiée par un impératif de sécurité des usagers de ce chemin étroit et dépourvu de trottoir pour les piétons, présentant des risques particuliers en cas de passage de véhicules dans des conditions climatiques difficiles, et sans qu'il y ait lieu de distinguer l'accès des véhicules motorisés selon leur poids, leur nature ou la qualité ou non de riverain des propriétaires des véhicules. La circonstance que les croisements entre les véhicules soient peu fréquents dès lors qu'il s'agit d'une voie sans issue desservant uniquement des habitations n'est pas de nature à réduire les risques liés à la circulation sur ce chemin dans les circonstances climatiques visées par l'arrêté. Le fait que le maire n'ait édicté l'arrêté en cause qu'en 2019 alors que le chemin appartient à la commune depuis 1974 ne permet pas davantage d'établir le caractère injustifié de cette mesure de police préventive. Si la décision est, certes de manière ponctuelle, de nature à rendre plus difficile l'accès des requérants à leur propriété, ces derniers ne sont cependant pas privés de tout accès à leur habitation, dès lors qu'ils peuvent y accéder à pied en empruntant le chemin en cause ou l'un des deux escaliers sécurisés permettant de limiter, pour les usagers en mesure de les utiliser, la distance à parcourir entre 60 et 120 mètres. A cet égard l'interdiction, temporaire, de la circulation qui est limitée aux véhicules motorisés dans les conditions précitées, ne saurait révéler une méconnaissance du principe d'égalité entre les habitants de la commune, quand bien même certains des propriétaires sont âgés ou peinent à se déplacer, alors qu'il n'est, au demeurant, pas contesté que les chalets desservis par le chemin constituent à titre principal des résidences secondaires. A cet égard, M. B... n'établit pas, par la production de quatre factures de la société BGM travaux dont il est le gérant, résider de manière régulière et prolongée à son chalet pour les besoins de son activité professionnelle, alors que le siège de sa société est situé à Marseille, tout comme le domicile qu'il déclare.
10. Enfin, il résulte des dispositions précitées au point 5 de l'article L. 141-8 du code de la voirie routière, de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales que les dépenses obligatoires pour les communes incluent les dépenses d'entretien des seules voies communales, dont ne font pas partie les chemins ruraux. Les communes ne peuvent être tenues à l'entretien des chemins ruraux, sauf dans le cas où, postérieurement à leur incorporation dans la voirie rurale, elles auraient exécuté des travaux destinés à en assurer ou à en améliorer la viabilité et ainsi accepté d'en assumer, en fait, l'entretien. En outre, le principe du libre accès des riverains à la voie publique est sans incidence sur les obligations d'entretien auxquelles la commune pourrait être soumise.
11. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le chemin litigieux, dont il n'est pas contesté qu'il n'était pas classé comme voie communale à la date de l'arrêté attaqué, est un chemin rural au sens des dispositions de l'article L. 161-1 du code rural, appartenant à la commune d'Uvernet-Fours depuis 1974. Aucun des éléments produits au dossier ne permet d'établir que la commune d'Uvernet-Fours, qui définit son chemin rural comme une piste non goudronnée, aurait accepté, à la date de l'arrêté litigieux, d'assumer, en fait, son entretien, les requérants précisant au demeurant que la commune ne procède qu'à un déneigement partiel du chemin et laisse ce dernier volontairement à l'abandon. Par suite, les requérants ne peuvent se prévaloir d'aucune obligation de la commune d'entretenir le chemin rural en cause.
12. Dans ces conditions, et sous la réserve, retenue à bon droit par les premiers juges, que l'arrêté litigieux ne pouvait pas, sans être entaché d'illégalité partielle, ne pas prévoir de dérogation pour l'accès des véhicules utilisés pour l'exercice de missions de service public, le maire de la commune d'Uvernet-Fours n'a pas, en édictant cet arrêté, pris une mesure disproportionnée, ni porté une atteinte excessive au principe de liberté de circulation et au droit de propriété des requérants.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.
14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... et de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Uvernet-Fours sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à M. H... B... et à la commune d'Uvernet-Fours.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller ;
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.
N° 23MA00065 2