Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la délibération n° 47/2019 du conseil municipal de la commune de Saorge du 24 septembre 2019, ensemble l'arrêté municipal n° 81/2019 du 25 septembre 2019 portant création d'une régie municipale de recettes.
Par un jugement n° 1905184 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête comme étant irrecevable en tant qu'elle émane de l'association Société de chasse communale de Saorge et annulé la délibération du conseil municipal de Saorge du 24 septembre 2019 et l'arrêté du maire de Saorge du 25 septembre 2019.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2022, la commune de Saorge, représentée par Me Lagier, demande à la cour d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nice n° 1905184 du 18 octobre 2022.
Elle soutient que :
- elle était en droit d'ériger une régie au titre du code général des collectivités, territoriales, notamment ses articles L. 2221-3 et L. 2221-14, pour lui permettre d'organiser la chasse et d'assumer les dépenses liées à celle-ci ;
- la délibération du 24 septembre 2019 est fondée sur l'intérêt général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, la Société de chasse communale de Saorge (APCNC) et M. A... D..., représentés par Me Manaigo, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice n° 1905184 du 18 octobre 2022 ;
2°) statuant à nouveau, de juger recevable et bien fondée la demande en annulation formulée par l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) à l'encontre de la délibération n° 47/2019 du 24 septembre 2019, ensemble l'arrêté municipal n° 81/2019 du 25 septembre 2019 ;
3°) de confirmer l'article 2 du jugement du 18 octobre 2022 n° 1905184 du tribunal administratif de Nice ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saorge la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) était régulièrement représentée par son président devant les premiers juges ;
- les moyens soulevés par la commune de Saorge ne sont pas fondés ;
- la commune ne dispose d'aucune compétence générale en matière d'organisation de la chasse ;
- la police de la chasse incombe à l'État et donc au préfet en application de l'article L. 420-2 du code de l'environnement ;
- dans le cadre de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales et de l'article 542 du code civil, la commune ne pouvait attribuer à une seule société un bail de chasse sur la totalité des biens communaux et ne peut pas décider de gérer l'exercice de la chasse ;
- la gestion de la chasse par la commune ne peut régulièrement se faire dans le cadre d'une régie, ne s'agissant pas d'une activité de service public communal ;
- le motif d'intérêt général invoqué par la commune tenant à la sécurité publique n'est pas fondé, le maire n'étant pas en charge de la surveillance et de la police de la chasse dans l'intérêt général ;
- le policier municipal désigné par la délibération en litige est incompétent pour assurer la police de la chasse.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- les observations de Me Mollard, représentant la commune de Saorge, et celles de M. C... D..., représentant la Société de chasse communale de Saorge (APCNC).
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 31 octobre 2014, le conseil municipal de Saorge a accordé à la société de chasse de Saorge un bail de chasse sur la totalité du territoire communal pour une durée de neuf ans. L'association de propriétaires chasseurs et non chasseurs de Saorge (APCNC), devenue Société de chasse communale de Saorge, qui avait également demandé le bénéfice d'un bail de chasse sur le territoire communal, a demandé au tribunal administratif de Nice l'annulation de cette délibération. Par un jugement n° 1405210 du 3 octobre 2017, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 17MA04639 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a annulé cette délibération et a enjoint à la commune de procéder au réexamen de la demande de l'association " société de chasse communale de Saorge ". Par une délibération du 26 octobre 2018, la commune de Saorge a, dans son article 2, fixé les modalités de participation à l'exercice de la chasse, dans son article 3, résilié le bail de chasse octroyé conclu avec la société de chasse de Saorge et, dans son article 4, rejeté la demande présentée par l'association Société de chasse communale de Saorge. Par une délibération du 24 septembre 2019, amendant celle du 26 octobre 2018, le conseil municipal a, dans son article 2, fixé les modalités de participation à l'exercice de la chasse et, dans son article 3, créé une régie municipale de chasse. Par le jugement n° 1905184 du 18 octobre 2022, dont la commune de Saorge relève appel, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération du 24 septembre 2019 ainsi que l'arrêté municipal du 25 septembre 2019 portant création d'une régie municipale de recettes et a rejeté la requête en tant qu'elle émanait de l'association Société de chasse communale de Saorge. Cette dernière demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a retenu l'irrecevabilité de son action.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Une association est régulièrement engagée par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. A ce titre, si le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée.
3. En l'espèce, l'article 12 des statuts de l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) stipule que " Le président représente l'association dans tous les actes de la vie civile (...) En cas de représentation en justice, le président ne peut être remplacé que par un mandataire agissant en vertu d'une procuration spéciale. " et que " Le conseil d'administration choisit parmi les membres, au scrutin secret, un bureau composé de : - un président (...) ". Dès lors qu'aucune stipulation des statuts de l'association ne réserve expressément à un autre organe la capacité de décider de former un recours devant le juge administratif, M. C... D..., désigné président de l'association selon le procès-verbal du conseil d'administration du 12 septembre 2019, cette décision ayant été transmise aux services préfectoraux le 16 septembre suivant, avait qualité pour la représenter en première instance. Par suite, l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande comme étant irrecevable en tant qu'elle émanait de cette association. L'article 1er du jugement attaqué doit, dès lors, être annulé.
4. Il en résulte qu'il y a lieu pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation sur les conclusions en tant qu'elles émanent de l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC), et par la voie de l'effet dévolutif en tant qu'elles émanent de M. A... D....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article L. 420-1 du code de l'environnement : " La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d'intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l'équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 2221-1 du code général des collectivités territoriales : " Les communes et les syndicats de communes peuvent exploiter directement des services d'intérêt public à caractère industriel et commercial (...) ". Aux termes de l'article L. 2221-2 du même code : " Les communes et les syndicats de communes peuvent exploiter directement des services d'intérêt public à caractère administratif pour lesquels un statut d'établissement public spécifique n'est pas imposé ". Et aux termes de l'article L. 2221-3 de ce code : " Les conseils municipaux déterminent les services dont ils se proposent d'assurer l'exploitation en régie et arrêtent les dispositions qui doivent figurer dans le règlement intérieur de ces services ".
7. Aux termes de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. / Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu'il est demandé par le représentant de l'Etat dans le département. (...) Le conseil municipal émet des vœux sur tous les objets d'intérêt local. ". Aux termes de l'article L. 2212-1 de ce code : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs. ". Aux termes de l'article L. 2212-2 de ce code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 7° Le soin d'obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces. "
8. Si les communes peuvent exploiter directement des services d'intérêt public à caractère industriel et commercial ou à caractère administratif, il ne résulte, toutefois, d'aucune disposition législative ni même réglementaire qu'elles seraient en charge de missions d'intérêt général dans le domaine de la chasse ni qu'elles disposeraient, au titre de la chasse, de prérogatives de puissance publique à l'instar des associations de chasse communales agréées ou des fédérations départementales de chasseurs. Si le maire peut intervenir dans le domaine de la chasse dans le cadre des pouvoirs de police générale prévus par le code général des collectivités territoriale, les communes ne sont en charge d'aucune mission de service public au titre de la chasse et disposent, comme tout propriétaire public ou privé, de droits de chasse, attributs du droit de propriété. Dès lors, en l'absence d'un service d'intérêt public relevant de sa compétence, la commune de Saorge ne pouvait pas mettre en place une régie municipale de chasse en application des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales.
9. Par ailleurs, s'il ressort des motifs de la délibération en litige que " l'intérêt général commande d'assurer la sécurité publique sur le territoire des biens communaux " et que " l'exercice de la chasse sur les biens communaux a donné lieu à de multiples difficultés et à des contentieux devant la juridiction administrative nuisant à la sérénité indispensable pour la pratique de la chasse et à la bonne entente entre les habitants de la commune ", d'une part la commune de Saorge n'établit pas la réalité d'une atteinte à la sécurité publique, et, d'autre part, de tels motifs, s'ils peuvent, à les supposer établis, justifier l'intervention du maire dans le cadre des pouvoirs de police municipale qu'il tient de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales pour prendre les mesures permettant d'assurer la sécurité publique, notamment au titre du 7e de l'article L. 2212-2, ne confèrent aucune compétence à la commune en matière d'organisation de la chasse sur les biens communaux.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens présentés par les parties, que la commune de Saorge n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération n° 47/2019 du conseil municipal de la commune de Saorge du 24 septembre 2019 et l'arrêté municipal n°81/2019 du 25 septembre 2019 portant création d'une régie municipale de recettes.
Sur les frais liés au litige :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saorge la somme demandée par l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) et M. A... D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice n° 1905184 du 18 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saorge, à l'association Société de chasse communale de Saorge (APCNC) et à M. A... D....
Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller.
- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2024.
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N° 22MA03074