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31/05/2024 | FRANCE | N°22MA02526

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 31 mai 2024, 22MA02526


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Les éditions méditerranée a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes, de prononcer la décharge des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de

l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Les éditions méditerranée a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes, de prononcer la décharge des rappels de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2005930 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de la SARL Les éditions méditerranée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022, la SARL Les éditions méditerranée, représentée par Me André, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de la décharger des cotisations d'impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre au titre de l'année 2011, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularités dès lors, d'une part, qu'il a omis de statuer sur plusieurs moyens ou, du moins, est entaché d'une insuffisance de motivation et, d'autre part, qu'a été admise la recevabilité du mémoire produit en défense par la direction de contrôle fiscal Sud-Est alors que l'inventaire et les pièces jointes n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article R. 412-2 du code de justice administrative ;

- le service vérificateur n'a, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 16 B du livre de procédures fiscales, pas restitué l'ensemble des pièces saisies, avant la reprise et la continuation du contrôle, lequel avait été interrompu pour des visites domiciliaires ;

- l'administration n'a pas donné suite à sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui n'était pas incompétente ;

- elle n'a pas reçu, avant la fin du délai de reprise de l'administration, en l'occurrence le 31 décembre 2014, l'avis de mise en recouvrement des impositions notifiées ;

- la proposition de rectification, en date du 15 décembre 2014, est insuffisamment motivée et n'a pu, de ce fait, interrompre la prescription ;

- l'administration n'apporte pas la preuve que le fait générateur et l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondent à la date de remise des chèques de garantie déposés par les clients ;

- elle n'apporte pas non plus la preuve que les produits correspondant aux chèques de garantie devaient être rattachés à l'exercice au cours duquel les chèques avaient été remis ;

- les pénalités pour manquement délibéré sont insuffisamment motivées ;

- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe que les faits caractérisés constituent un manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour de rejeter la requête de la SARL Les éditions méditerranée.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Les Éditions méditerranée, qui exerce son activité dans le domaine de l'édition de revues pour le compte d'organismes essentiellement publics, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2011 assortis des pénalités, pour un montant total de 184 122 euros, ont été mis en recouvrement par un avis du 24 novembre 2016. Après rejet de sa réclamation préalable par décision en date du 4 juin 2020, elle a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge, respectivement, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, ainsi que des pénalités correspondantes. Elle interjette appel du jugement du 25 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le tribunal n'a ni omis de statuer sur les moyens tirés, d'une part, de ce que certaines pièces n'auraient pas été restituées à l'issue de la visite domiciliaire, d'autre part, de ce que l'administration fiscale ne pouvait, sans saisir au préalable la commission départementale des impôts, estimer que celle-ci était incompétente et, enfin de ce que les impositions étaient mal fondées, auxquels il a répondu respectivement, aux points 3, 5, et 9 à 16 du jugement attaqué et a suffisamment répondu auxdits moyens conformément aux dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet. / L'inventaire détaillé présente, de manière exhaustive, les pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite. ".

4. La SARL Les éditions méditerranée fait valoir que les premiers juges ont, à tort, estimé que les pièces jointes au mémoire en défense produit par la direction du contrôle fiscal Sud-Est devaient être écartées des débats dès lors que celles-ci n'auraient pas été répertoriées par un signet conforme à l'inventaire. Toutefois, il est constant que cette fin de non-recevoir n'avait pas été soulevée en première instance par la requérante. Par suite, dès lors qu'elle n'était pas d'ordre public, les premiers juges n'étaient, en tout état de cause, pas tenus d'écarter lesdites pièces des débats.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " VI.- L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies, y compris celles qui procèdent des traitements mentionnés au troisième alinéa, qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en œuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 (...) ".

6. Si la société requérante fait valoir que, postérieurement aux opérations de visite domiciliaire ordonnées par une ordonnance de la Cour d'appel d'Aix du 17 avril 2014, l'ensemble des pièces et documents saisis ne lui auraient pas été restitués, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait fondé les impositions litigieuses sur lesdites pièces ou documents dont la nature n'est, au demeurant, pas précisée par l'appelante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 16 B précité doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. / Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 59 A du même code : " I. - La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; (...) II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit (...) ".

8. D'une part, si la société requérante fait valoir que l'administration fiscale ne pouvait, sans saisir au préalable la commission départementale des impôts, estimer que celle-ci était incompétente, il résulte de l'instruction que ladite commission a été saisie et a émis, le 7 juin 2016, un avis par lequel elle s'est estimée incompétente.

9. D'autre part, dès lors que le différend portait uniquement sur la portée des règles de rattachement des créances aux exercices, cette question, de pur droit, ne relevait pas de la compétence de la commission départementale des impôts.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

11. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 15 décembre 2014 portant sur l'année 2011, qu'elle désigne, de manière suffisamment circonstanciée, les impôts concernés, leur année, à savoir 2011, les motifs et le montant des rehaussements envisagés ainsi que leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 169 dudit livre : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " ; Enfin, aux termes de l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) ".

13. La SARL requérante fait valoir qu'elle n'a reçu aucun avis de mise en recouvrement avant le terme du délai de reprise dont disposait l'administration fiscale en application des article L. 169 et L. 176 précités du livre des procédures fiscales. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des mentions non contestées figurant dans la lettre d'accompagnement de la réponse aux observations du contribuable en date du 1er avril 2015, que la proposition de rectification du 15 décembre 2014 qui, ainsi qu'il a été dit au point 11 était suffisamment motivée, a été signifiée par voie d'huissier le 23 décembre 2014, soit avant le terme du délai de reprise. Elle a, par suite, interrompu le délai de prescription de l'action en reprise. Dès lors, le moyen précité doit, en tout état de cause, être écarté.

14. En second lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce l'administration n'apporte pas la preuve que le fait générateur et l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondent à la date de remise des chèques de garantie déposés par les clients et que les produits correspondant aux chèques de garantie devaient être rattachés à l'exercice au cours duquel les chèques avaient été remis, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 11 à 16 du jugement attaqué.

Sur les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

16. Pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré infligée à la société requérante, l'administration a indiqué qu'en appliquant abusivement le régime des encaissements au lieu et place des créances acquises, la société a fortement minoré les recettes déclarées à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés. Elle a précisé que le représentant légal de la société, dûment conseillé par un professionnel de la comptabilité, ne pouvait ignorer que ces ventes devaient être inscrites en comptabilité et que cette attitude manifestait une volonté d'éluder l'impôt normalement dû. Elle a, ce faisant, suffisamment motivé sa décision au regard des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales. En se fondant sur ces éléments, l'administration doit, par ailleurs, être regardée comme établissant suffisamment le caractère délibéré des manquements reprochés à la société. Il s'ensuit que la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les suppléments d'imposition en litige ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Les éditions méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins de décharge. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions présentées par la SARL Les éditions méditerranée, en ce comprises les conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Les éditions méditerranée est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les éditions méditerranée et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente-assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.

N° 22MA02526 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02526
Date de la décision : 31/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : ANDRE ANDRE & ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-31;22ma02526 ?
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