Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par l'article 1er du jugement n° 2001851 du 8 août 2022, le tribunal administratif de Toulon a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à hauteur du dégrèvement de 2 560 euros prononcé en cours d'instance, et par son article 2 a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 octobre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Peltier-Feat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 8 août 2022 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le vérificateur n'était pas territorialement compétent ;
- en conséquence de l'incompétence du vérificateur, la proposition de rectification n'a pas valablement interrompu la prescription ;
- en conséquence de l'incompétence du vérificateur, l'avis de mise en recouvrement n'a pas été émis par un agent territorialement compétent ;
- la plus-value réalisée lors de la cession de la maison qu'ils détenaient devait être exonérée en totalité dès lors qu'elle constituait nécessairement la résidence principale des deux époux ;
- en remettant en cause l'exonération de cette plus-value de cession, l'administration a méconnu l'instruction administrative du 24 juillet 2007 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 8 M-2-07 et la réponse ministérielle n° 14 197 adressée au député B... le 8 avril 2008 ;
- le prix d'acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value de cession doit être majoré de la somme de 686 020 euros correspondant à des dépenses de construction ;
- en refusant de regarder les dépenses de construction comme justifiées, l'administration a méconnu la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20 ;
- les pénalités ont été mises en recouvrement moins de trente jours après la notification de leur motivation ;
- le calcul des intérêts de retard est erroné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Peltier-Feat, représentant M. et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, l'administration fiscale a partiellement remis en cause le bénéfice de l'exonération sous lequel M. et Mme D... avaient entendu placer la plus-value de cession d'une maison située sur l'ile de Saint-Martin, au motif que cet immeuble ne constituait pas la résidence principale de M. D.... M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 8 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre de l'année 2014.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - (...) seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / (...) II. - Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques (...) qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré (...) dans lequel ils sont affectés une déclaration (...). / III. - Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I et compétents territorialement pour procéder aux contrôles visés à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales d'une personne physique (...) peuvent exercer les attributions définies à cet alinéa pour l'ensemble des impositions, taxes et redevances, dues par ce contribuable, quel que soit le lieu d'imposition ou de dépôt des déclarations ou actes relatifs à ces impositions, taxes et redevances (...) ".
3. Il est constant que M. D..., qui réside à Toulon, dépose ses déclarations de revenus dans le département du Var. Dès lors, les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à un corps de catégorie A et affectés à la direction départementale des finances publiques du Var pouvaient proposer à M. et Mme D... une rectification relative aux prélèvements sociaux sur la plus-value de cession immobilière réalisée en 2014 sur le fondement du III de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, alors même que le bien cédé était situé dans la collectivité de Saint-Martin. Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le vérificateur n'était pas territorialement compétent.
4. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 7 décembre 2017 n'aurait pas valablement interrompu la prescription en raison de l'incompétence du vérificateur doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 206 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne l'impôt sur le revenu et les taxes assimilées et l'impôt sur les sociétés, les contestations relatives au lieu d'imposition ne peuvent, en aucun cas, entraîner l'annulation de l'imposition ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires, qu'elles font obstacle à ce que le contribuable obtienne la décharge de l'une des impositions qu'elles mentionnent au seul motif que l'avis de mise en recouvrement qui l'a établie aurait été signé par une autorité territorialement incompétente. Il y a lieu ainsi d'écarter comme inopérant le moyen tiré de l'incompétence du comptable public soulevé par les requérants dès lors que les prélèvements sociaux sont recouvrés selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. - (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques (...) lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers (...) sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / (...) II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession (...) ". Aux termes de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale : " I.-Lorsqu'ils sont payés à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, les produits de placements (...) sont assujettis à une contribution (...). / Sont également assujettis à cette contribution : / (...) 2° Les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article 1600-0 H du code général des impôts : " La contribution pour le remboursement de la dette sociale prélevée sur les produits de placement est établie, contrôlée et recouvrée conformément à l'article 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ". Aux termes du I de cet article 16 : " Il est institué, à compter du 1er février 1996, une contribution prélevée sur les produits de placement désignés aux I et I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale (...) ". Le II de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, alors en vigueur, relatif au prélèvement social sur les produits de placements, disposait que ce prélèvement est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-15 du code de la sécurité sociale. Ce dernier article, alors en vigueur, disposait : " Les produits de placement assujettis à la contribution prévue aux I à II de l'article L. 136-7 sont assujettis à un prélèvement social (...) ". L'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoyait une contribution additionnelle à ce prélèvement dont le taux était fixé à 0,3 %. Aux termes du I de l'article 1600-0 S du code général des impôts, alors en vigueur : " Il est institué : / (...) 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que M. et Mme D..., qui sont mariés sous le régime de la communauté universelle, ont cédé, le 6 janvier 2014, une maison d'habitation située sur l'ile de Saint-Martin, et ont placé la plus-value réalisée lors de cette cession sous le bénéfice de l'exonération prévue par le II de l'article 150 U du code général des impôts en cas de cession de la résidence principale. L'administration a remis en cause le bénéfice de l'exonération en ce qui concerne M. D..., qui déclare depuis 2007 ses revenus en France, où il a sa résidence principale à Toulon. Dans ces conditions, et alors même que la maison constituait la résidence principale de Mme D... au jour de sa cession, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le bénéfice de l'exonération de la plus-value en ce qui concerne la part revenant à M. D... et l'a assujettie aux prélèvements sociaux.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 150 V du code général des impôts : " La plus ou moins-value brute réalisée lors de la cession de biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition par le cédant ". Aux termes de l'article 150 VB du même code : " I. - Le prix d'acquisition est le prix effectivement acquitté par le cédant, tel qu'il est stipulé dans l'acte (...). / II. - Le prix d'acquisition est, sur justificatifs, majoré : / (...) 4° Des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise (...) ".
9. Pour déterminer le prix d'acquisition de la maison cédée en 2014 par M. et Mme D..., l'administration fiscale, à l'issue de l'entrevue avec l'interlocuteur départemental, a admis de majorer le prix et les frais d'acquisition du terrain de dépenses de construction s'élevant à 1 849 054 euros, correspondant à cinq factures émises en 1991 par la société Windward Island Contractors. Si M. et Mme D... font valoir que le litige relatif à la sixième facture émise par la société Windward Islands Contractors s'est conclu par un protocole transactionnel signé le 28 janvier 1992 par lequel il a été convenu qu'ils règleraient à la société la somme de 4 500 000 F, soit 686 020 euros, en contrepartie de la réalisation des travaux de conformité, la seule production de la copie de ce protocole est insuffisante pour démontrer qu'ils auraient effectivement supporté des dépenses de construction à hauteur de 686 020 euros. Par suite, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que le prix d'acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value de cession devrait être majoré de la somme de 686 020 euros.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".
11. En premier lieu, la situation de M. et Mme D..., qui sont mariés, vivent séparément depuis au moins 2007 et n'allèguent pas qu'une procédure de divorce aurait été engagée, n'entre pas dans les prévisions de la doctrine publiée le 24 juillet 2007 sous la référence 8 M-2-07, dès lors que celle-ci, qui a d'ailleurs seulement pour objet d'adapter les mesures applicables en matière de plus-values immobilières des particuliers à la situation des concubins et partenaires liés par un pacte civil de solidarité, est relative aux cessions d'immeubles consécutives à la séparation ou au divorce. Pour les mêmes motifs, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de la réponse ministérielle n° 14 197 faite à M. B..., député, le 8 avril 2008, selon laquelle le bénéfice de l'exonération de la plus-value n'est subordonné à aucun délai particulier entre la date de séparation et la date de mise en vente.
12. En deuxième lieu, M. et Mme D... ne sont pas fondés à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20, § 340, relative à la justification des dépenses visées par le II de l'article 150 VB du code général des impôts, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.
Sur les pénalités :
13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " (...) Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".
14. Il résulte de l'instruction que si le vérificateur, par la proposition de rectification du 7 décembre 2017, avait motivé l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré, il a substitué à cette majoration la majoration de 10 % pour défaut de souscription d'une déclaration prévue par l'article 1728 du code général des impôts par la réponse aux observations de M. et Mme D... datée du 13 mars 2018, qui précise les motifs de cette sanction et informe les intéressés de la possibilité d'apporter leurs observations concernant la sanction envisagée dans un délai de trente jours. M. et Mme D..., contrairement à ce qui est soutenu, ont ainsi bénéficié d'un tel délai avant la mise en recouvrement, le 16 septembre 2019, de la somme correspondant à la sanction en litige.
15. En second lieu, aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) /III. - Le taux de l'intérêt de retard est de 0,40 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. / IV. - 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement. / (...) 3. Lorsqu'il est fait application de l'article 1728, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification (...) ".
16. L'administration a fait application aux suppléments de prélèvements sociaux en litige d'un intérêt de retard de 18,80 %, calculé à partir du taux mensuel de 0,4 % prévu au III de l'article 1727 du code général des impôts, appliqué sur 47 mois. Si les requérants soutiennent que le taux d'intérêt doit être calculé sur un retard de 34 mois, du 1er février 2014 au 30 novembre 2017, il s'est toutefois écoulé un délai de 47 mois entre le 1er février 2014 et le 31 décembre 2017, soit le dernier jour du mois de la proposition de rectification du 7 décembre 2017. Dès lors, le moyen doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions à fin de décharge en tant qu'elles portent sur des montants excédant les sommes demeurant à la charge de M. et Mme D..., que ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande. Leurs conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2024.
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N° 22MA02545