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14/05/2024 | FRANCE | N°23MA01127

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 14 mai 2024, 23MA01127


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel la maire de Marseille a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Next un permis de construire une boutique-hôtel sur un terrain cadastré 843 C 34 situé 6 rue Martiny (8ème arrondissement), ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 1906660

du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 1er mars 2019 et la décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel la maire de Marseille a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Next un permis de construire une boutique-hôtel sur un terrain cadastré 843 C 34 situé 6 rue Martiny (8ème arrondissement), ensemble la décision de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1906660 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 1er mars 2019 et la décision portant rejet du recours gracieux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 mai 2023 et le 28 janvier 2024, la SAS Next, représentée par Me Ibanez, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 mars 2023 ;

2°) de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille devant le tribunal administratif de Marseille, subsidiairement, de faire application des dispositions des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la minute du jugement ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le maire de Marseille n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas un sursis à statuer sur la demande de permis de construire en litige eu égard à l'état d'avancement insuffisant des études du PLUi et au fait que le projet n'était pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur PLUi ; le classement projeté du terrain d'assiette du projet en zone UBt2 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le maire de Marseille n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- dès lors que les vices relevés par le tribunal administratif étaient régularisables, il aurait dû faire application des dispositions de l'article R. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille, représenté par Me Cros, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS Next au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Next ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille a été enregistré le 16 février 2024, et non communiqué en application de l'article R. 611-11 du code de justice administrative.

Par une lettre du 27 mars 2024, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Des observations ont été enregistrées le 28 mars 2024 présentées par la SAS Next.

Des observations ont été enregistrées le 29 mars 2024 présentées par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Ranson, représentant la SAS Next, et de Me Cros, représentant le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er mars 2019, le maire de Marseille a délivré à la société par actions simplifiée (SAS) Next un permis de construire une boutique-hôtel sur un terrain cadastré 843 C 34 situé 6 rue Martiny (8ème arrondissement). Par un jugement du 8 mars 2023, dont la SAS Next relève appel, le tribunal administratif de Marseille a, sur la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille, annulé cet arrêté et la décision portant rejet du recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la SAS Next ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er mars 2019 :

3. Pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du 1er mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a accueilli les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de Marseille en n'opposant pas un sursis à statuer sur la demande de permis de construire en litige et de l'erreur manifeste d'appréciation commise au regard de l'article UAe 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Marseille et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Le jugement relève que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder l'annulation de la décision attaquée.

4. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

5. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte, en méconnaissance des dispositions précitées, au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

6. Il ressort des pièces du dossier que la rue Martiny où se trouve le projet litigieux est bordée à la fois de maisons avec jardins et d'immeubles de plus grande hauteur plus récents, le projet se plaçant d'ailleurs en continuité de tels immeubles en particulier et un autre étant construit à l'extrémité de la rue, de l'autre côté. Les constructions érigées du même côté que le projet font face à l'arrière à des immeubles modernes de plus grande hauteur situées sur l'avenue du Prado. Le projet litigieux porte sur la construction d'un " boutique hôtel " en R+7, d'une hauteur totale de 25 M. L'immeuble projeté présente une ligne incurvée à partir d'une hauteur située entre le niveau R+4 et le niveau R+5 qui atténue la perception à partir de la rue de la différence de hauteur avec l'immeuble voisin. Un jardin arboré de 13 m de longueur est prévu. Si l'immeuble doit être revêtu de bardeaux d'aluminium de ton gris chaud, que la façade nord sera pourvue d'ouvertures aléatoires et que le pignon Est a fait l'objet d'un travail architectural spécifique marquant l'angle sous la forme d'un origami, le secteur dans lequel il s'inscrit ne présente, ainsi qu'il a été constaté, ni un caractère ou un intérêt marqués, ni même une unité particulière, l'architecte des bâtiments de France ayant d'ailleurs émis un avis favorable. Dans ces conditions, les dispositions du point 11.2.4 de l'article UAe 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Marseille, selon lesquelles le choix et l'emploi des matériaux et coloris doivent concourir à la qualité architecturale de la construction et ne doivent pas être de nature à compromettre son insertion dans le site (nature, aspect, couleur), n'ont pas été méconnues. Le maire n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en n'opposant pas au pétitionnaire les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

7. Aux termes, cependant, de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme dans sa version alors applicable : " Le certificat d'urbanisme (...) a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; (...) Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ".

8. Il résulte de la combinaison des articles L. 424-1, L. 153-11 et L. 410-1 du code de l'urbanisme que tout certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Une telle possibilité vise à permettre à l'autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme (PLU). Lorsque le plan en cours d'élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable.

9. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur PLU pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

10. Il ressort des pièces du dossier que la SAS Next a obtenu un certificat d'urbanisme le 17 avril 2018, sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. Par délibération du 28 avril 2016, le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a décidé de poursuivre l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du territoire Marseille Provence. Les grandes orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) ont été débattues le 14 décembre 2016. La délibération du 28 juin 2018 par laquelle le conseil de la métropole d'Aix-Marseille-Provence a arrêté ce plan, intervenue deux mois seulement après la délivrance du certificat d'urbanisme précité, mentionne qu'une réunion s'est tenue le 16 octobre 2017 avec les personnes publiques associées au sujet du règlement et des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) aux maires des 18 communes membres le 20 avril 2018. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SAS Next, le projet de PLUi avait atteint, à la date de délivrance du certificat d'urbanisme, un état d'avancement suffisant, concernant notamment le classement du secteur litigieux et la détermination du règlement applicable, pour apprécier si le projet de construction en litige était de nature à compromettre ou rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan. A fortiori, le projet de PLUi avait atteint un tel avancement à la date de délivrance du permis de construire.

11. Le projet de PADD du PLUi du territoire Marseille Provence comporte un cahier relatif à la commune de Marseille qui entend reconnaître " un écrin vert et bleu préservant le cadre de vie ", notamment en conciliant le renforcement de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine urbain, architectural et paysager avec les dynamiques de renouvellement et d'intensification de la ville. Il définit à ce titre un objectif consistant à " Préserver et valoriser le patrimoine local contribuant à l'identité des quartiers et à l'image de la ville, dont les noyaux villageois les plus représentatifs de l'identité marseillaise, en confortant leurs fonctions de centralité ". Le projet de règlement délimite une zone UBt. Le rapport de présentation expose que ce zonage recouvre des " tissus qui se caractérisent par une hétérogénéité des modes d'implantation, c'est-à-dire moins ordonnancés que dans les zones UBp, UB1, UB2 et UB3 ", et que les constructions y sont implantées " parfois à l'alignement, parfois en retrait des voies et, d'autres fois encore, en fond de parcelles. De même, la continuité d'une limite latérale à l'autre n'est pas la règle. Les constructions sont parfois en discontinuité. ". Ce document indique que " Ces tissus concernent principalement des secteurs en périphérie immédiate des centres ou des noyaux villageois, notamment à Marseille. Ils assurent ainsi une transition entre, d'un côté, les tissus alignés et continus (UBp, UB1, UB2, UB3) et, de l'autre côté, des tissus discontinus et non alignés (UC et UP notamment). Dans certains cas, ce tissu particulier caractérise un centre ou noyau villageois, et pas seulement sa périphérie. Les retraits et discontinuités, très souvent arborés ou qui ont vocation à l'être, ont pour but d'agrémenter les voies qui sont généralement peu plantées, et ainsi d'animer le paysage urbain ". Le rapport précise qu'un secteur urbain est classé en zone UBt à proximité des noyaux villageois de La Vieille Chapelle et St Giniez, à l'interface de la zone UB et UC, dans lequel le tissu est constitué de maisons de ville et de petits collectifs, ce zonage permettant de préserver les caractéristiques de ces secteurs (transition douce), tout en admettant une évolution ponctuelle. Enfin, au vu des contraintes et des enjeux paysagers, les hauteurs ont été limitées aux hauteurs existantes, soient R+2 max, la hauteur de façade maximale ayant été fixée à 10 mètres en secteur UBt2. Le règlement institue en zone UBt une bande de constructibilité principale dans laquelle la profondeur des constructions dédiées à des activités est limitée à 17 M. A... permet, si elle n'est pas définie par le règlement graphique, de majorer la hauteur totale des constructions de 3 m par rapport à la hauteur de façade constatée. Les constructions à usage d'hébergement hôtelier doivent prévoir la création de places de stationnement dont le nombre varie en fonction de la surface de plancher. L'orientation d'aménagement et de programmation multi-site " Qualité d'aménagements et des formes urbaines " précise que la zone UBt est une zone de transition entre tissus agglomérés continus et alignés des noyaux villageois et les tissus discontinus et en retrait des habitats collectifs et qui y prescrit d'insérer le projet dans son environnement urbain et de ne pas rechercher la volumétrie maximale ni " une application mathématique des règles de hauteur mais adapter la composition volumétrique à l'expression d'un parti architectural en réponse au contexte ".

12. Implanté sur une parcelle devant être classée en zone UBt2 par le PLUi en cours d'élaboration, le projet autorisé par l'arrêté du 1er mars 2019 prévoit la construction, d'un " boutique hôtel " en R+7, d'une hauteur totale de 25 mètres, occupant une emprise au sol atteignant 24 mètres à partir de la voie publique et sans création de places de stationnement. La SAS Next soutient que la rue Martiny dans laquelle il se situe est entourée d'immeubles de grande hauteur, que la hauteur de la construction en litige sera imperceptible en raison de sa forme arrondie, que la partie arrière du projet s'élève à 10,42 mètres seulement, que le projet respecte le principe visant à conserver un cœur d'îlot végétal et paysager et que les besoins effectifs de stationnement sont faibles. Eu égard cependant à l'importance des contradictions entre les prescriptions futures du PLUi et ces caractéristiques, le projet était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. Par suite, le maire de Marseille a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prononçant pas le sursis à statuer sur la demande de permis de construire déposée par la SAS Next.

13. La SAS Next soutient à titre subsidiaire que le classement projeté du terrain d'assiette du projet en zone UBt2 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Sur ce point, il ressort des documents graphiques du projet de PLUi et des photographies aériennes figurant au dossier que la rue Martiny et les immeubles qu'elle dessert font partie d'un secteur relevant de ce zonage, à l'exception de l'immeuble de grande hauteur situé à l'angle sud-ouest de cette rue. Les immeubles concernés sont, du côté sud de cette rue, majoritairement des maisons de ville, notamment la maison dont la démolition est prévue dans le cadre du projet, ou des bâtiments collectifs, surtout en R+2 qui sont implantés à l'alignement et, du côté nord, des maisons individuelles implantées à l'alignement ou en fond de parcelles. Les parcelles y sont largement arborées. Eu égard aux caractéristiques dominantes de ces constructions et à leur implantation, ce secteur se distingue nettement des secteurs qui l'entourent, classés en zones UA, UB ou UC et composés d'immeubles collectifs de grande hauteur et de construction plus récente. Dans ces conditions, l'exception d'illégalité invoquée par la SAS Next ne peut être accueillie.

14. Il résulte de tout ce qui précède que si la SAS Next est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a jugé que l'arrêté du 1er mars 2019 était vicié par l'erreur d'appréciation commise au regard de l'article UAe 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Marseille et par l'erreur manifeste d'appréciation commise au regard de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, elle n'est fondée à soutenir que le tribunal a retenu à tort l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de Marseille en n'opposant pas un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire.

Sur l'application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

16. Il résulte de ces dispositions qu'un vice entachant le bien-fondé d'une autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé dans les conditions qu'elles prévoient, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. En outre, le juge doit se prononcer sur le caractère régularisable d'un vice entachant le bien-fondé du permis de construire au regard des dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

17. Comme l'a jugé le tribunal administratif, compte tenu de sa nature, le vice résultant de l'erreur manifeste d'appréciation à ne pas avoir opposé un sursis à statuer n'affecte pas seulement une partie identifiable du projet au sens de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme. En revanche, contrairement à ce qu'il a considéré, un vice de cette nature est régularisable sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du même code dès lors que le pétitionnaire, ainsi qu'il le soutient, dispose de la possibilité de revoir l'économie générale de son projet sans en changer la nature et à condition que le projet modifié respecte les dispositions désormais en vigueur du PLUi du territoire Marseille Provence approuvé le 19 décembre 2019, lequel autorise en zone UB les constructions nouvelles à destination d'hôtel.

18. Il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que le juge administratif ne peut surseoir à statuer aux fins de régularisation d'un vice affectant l'autorisation d'urbanisme contestée qu'après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés. Ainsi, il y a lieu de se prononcer sur les moyens non retenus par le tribunal administratif.

19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) ".

20. Par arrêté du 1er mars 2019, le maire de Marseille a consenti à Mme C... B..., 6ème adjointe, délégation de fonctions en ce qui concerne l'urbanisme, le projet métropolitain, le patrimoine foncier et le droit des sols, en précisant que l'intéressée " aura en charge " notamment toutes les décisions relatives au droit des sols y compris pour les projets soumis à régime d'autorisation prévu par une autre législation. Cette décision qui emporte délégation de signature est suffisamment précise. Cet arrêté est devenu exécutoire à la suite, d'une part, de sa publication au recueil des actes administratifs de la ville de Marseille le 1er juin 2016 et de son affichage du 1er juin au 1er août 2016, d'autre part, de sa transmission en préfecture le 30 mai 2016. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme B..., signataire de l'arrêté attaqué, doit être écarté.

21. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur. ".

22. Le service instructeur a consulté, au sein de l'administration municipale, la direction de l'eau et de l'assainissement qui, le 18 octobre 2018, a rendu un avis invitant notamment à consulter le comité risques et urbanisme en raison de la localisation du terrain d'assiette en zone violette du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Marseille approuvé le 24 février 2017. Ce comité, dont la consultation n'était nullement prévue par les lois ou règlements en vigueur, a émis un avis favorable le 30 novembre 2018. Ainsi, le moyen tiré de l'absence de consultation de cet organe manque, en tout état de cause, en fait.

23. En troisième lieu, l'article 2 du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Marseille dispose que, en zone violette, " En tout point des constructions, les premiers planchers aménagés doivent être implantés a minima 20 cm au-dessus du niveau du terrain naturel sous le point considéré ". La cote altimétrique du terrain naturel côté jardin indiquée sur le plan de coupe PC 3 est -1,10 alors que celle du premier plancher aménagé est de -0,90, soit 20 cm au dessus du terrain naturel. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions du plan de prévention des risques d'inondation doit, par suite, être écarté.

24. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de Marseille, relatif aux saillies : " 7.2. Les saillies sont autorisées dans les marges de reculement par rapport à la limite des voies et emprises publiques sous réserve de ne pas excéder 1,50 mètre d'avancée à compter de la façade de la construction concernée (...) ".

25. Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux saillies qui empiètent sur les marges de reculement par rapport à la limite des voies et emprises publiques des constructions. Dès lors, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille ne peut utilement se prévaloir de celles-ci pour contester le projet en tant qu'il prévoit une terrasse et des balcons en saillie de la façade arrière du bâtiment litigieux.

26. En cinquième lieu, aux termes de l'article UAe 6 du règlement du plan local d'urbanisme de Marseille, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " 6.1. Les constructions à édifier sont implantées à la limite des alignements imposés, lorsqu'ils sont indiqués sur les documents graphiques. / 6.2. A défaut desdites indications et hors AVAP, les constructions à édifier sont implantées, d'une limite séparative latérale à l'autre, à la limite des voies et emprises publiques futures ou du recul, telle que portée aux documents graphiques du PLU, ou à défaut, à la limite des voies et emprises publiques existantes. Ceci ne s'impose pas aux constructions ou parties de constructions enterrées sous le terrain naturel. (...) 6.2.3.1. (...) les derniers niveaux de la construction à édifier, dès lors qu'ils sont réalisés conformément aux dispositions de l'article 10 au-delà de la valeur maximale prescrite pour la hauteur H, s'inscrivent dans un angle de 60° sur l'horizontale par rapport à l'aplomb de la façade, ou pour des raisons d'insertion patrimoniale ou architecturale (alignement à l'existant, continuité des corniches...). (...) ".

27. Il ressort notamment du plan de masse et du plan de coupe joints au dossier de la demande de permis de construire, ainsi que du plan d'alignement produit en première instance par la commune de Marseille que le projet litigieux doit être implanté à la limite de la voie publique, comme l'est également l'immeuble érigé sur la parcelle contigüe n° 85, à l'inverse de celui situé sur la parcelle n° 35 qui se trouve en léger retrait par rapport à cette limite. Dans ces conditions, le projet est conforme aux dispositions du paragraphe 6.2. du règlement du plan local d'urbanisme de Marseille.

28. En sixième lieu, aux termes de l'article UAe 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Marseille, relatif à la hauteur des constructions : " 10.1 Hormis le long des voies, répertoriées à l'article 12 des dispositions générales du présent règlement, la hauteur des constructions à édifier, mesurée comme indiqué à l'annexe 10, ne peut excéder : / - une hauteur H pour les façades sur voie ou emprise publique ; H ne peut excéder 16 mètres en zone UAe1 (...) (H est mesurée jusqu'à la surface du plancher fini du 1er étage réalisé en retrait selon les dispositions de l'article 6.2.3.1) ; - une fois la valeur maximale de la hauteur H atteinte en totalité ou en partie sur voie ou emprise publique, une hauteur h pour les derniers niveaux sur voie ou emprise publique réalisés en retrait, dans les conditions énoncées à l'article 6.2.3.1. La hauteur h ne peut excéder 6 mètres. / 10.2 Toutefois, / 10.2.1. Le faîtage de la couverture, lorsqu'elle est réalisée en pente, peut excéder les hauteurs précédemment visées de 3 mètres au plus. / Le volume inscrit dans la hauteur de ce faîtage est, notamment, affecté à l'accueil des installations techniques nécessitées par le fonctionnement de la construction à édifier (machineries, notamment d'ascenseurs, de climatisation, gaines, réseaux...). (...)10.3 La hauteur mesurée, comme indiquée à l'annexe 10, sur la façade située du côté de la voie, entre le niveau du trottoir, ou à défaut de la voie elle-même, et la sous-face du plancher du 1er étage de la construction doit être au moins égale à 4,5 mètres. (...) ".

29. Il résulte de ces dispositions que la hauteur H peut être atteinte pour tout ou partie sur l'alignement. Il ressort des plans de coupe et de façades joints à la demande de permis de construire que la hauteur de la façade sud, du côté de la rue Martiny, est de 16 m, mesurée au niveau du plancher fini R+5, de 21 m, mesurée au niveau du plancher fini R+7 et de 25 m au total. Si la façade de l'immeuble est verticale jusqu'à une hauteur intermédiaire entre le plancher du niveau R+4 et celui du niveau R+5 et présente au-delà de cette hauteur une forme ogivale, il résulte des dispositions du paragraphe 10.1 de l'article UAe 10 du règlement du plan local d'urbanisme de Marseille que la hauteur H, qu'elles limitent à 16 m sur les façades sur voie publique, doit être mesurée jusqu'à la surface du plancher fini du 1er étage réalisé en retrait, soit en l'espèce celui du niveau R+5. C'est donc à partir de ce niveau R+5 que les derniers niveaux de la construction doivent s'inscrire, en application de l'article 6.2.3.1, dans un angle de 60° sur l'horizontale par rapport à l'aplomb de la façade, ce que prévoit le projet. En outre, un local technique inaccessible au public occupant en intégralité le niveau R+7, la hauteur de l'immeuble a pu être légalement majorée de 3 m en application du point 10.2.1. de l'article UAe 10. Enfin, ainsi qu'il a été relevé au point 6, l'immeuble projeté présente une ligne incurvée en retrait à partir d'une hauteur située entre le niveau R+4 et le niveau R+5, correspondant à la hauteur de l'immeuble voisin. Dès lors, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions du paragraphe 10.3 ne seraient pas respectées en l'espèce en raison notamment d'une absence d'alignement à l'existant. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles UAe 6 et 10 doit être écarté.

30. Aucun autre moyen que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation à ne pas avoir opposé un sursis à statuer n'étant fondé, il y a lieu de surseoir à statuer et d'impartir à la SAS Next un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt afin de produire la mesure de régularisation du vice en résultant.

D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la SAS Next, jusqu'à l'expiration d'un délai de douze mois, afin de permettre à la SAS Next de régulariser le vice retenu par le présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Next et au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 4 rue Martiny 13008 Marseille.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

N° 23MA01127 2

nb


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