Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, sous le n° 1706539, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2017 par lequel le maire de Gardanne a prononcé à son encontre une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de cet arrêté et ce jusqu'au dépôt d'une attestation de la conformité des travaux entrepris en application de l'arrêté du 15 octobre 2014 de péril ordinaire concernant l'immeuble situé 5 boulevard Bontemps à Gardanne dont il est propriétaire et, d'autre part, sous le n° 1808994, d'annuler le titre de recettes émis le 5 septembre 2018 par la commune de Gardanne pour un montant de 50 000 euros.
Par un jugement n° 1706539, 1808994 du 13 janvier 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille, après les avoir jointes, a rejeté ces deux demandes.
Procédure devant la cour avant renvoi :
Par une requête enregistrée le 23 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Ader-Reinaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2017 pris par le maire de la commune de Gardanne ;
3°) de condamner la ville de Gardanne à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
4°) de mettre à la charge de la ville de Gardanne les dépens et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement méconnaît le principe d'impartialité ;
- il n'est pas justifié qu'un arrêté ait été édicté pour constater l'achèvement des travaux prescrits par l'arrêté du 27 avril 2015 ;
- la première juge a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation en omettant de considérer qu'une cause étrangère l'avait empêché de réaliser les travaux prescrits, ce qu'avait admis le jugement du 26 mai 2016 du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.
Par une ordonnance n° 20MA04323 du 7 janvier 2021, le premier vice-président de la cour a rejeté la requête de M. A....
Par une décision n° 450472 du 20 décembre 2022, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de M. A..., annulé l'ordonnance en tant qu'elle rejette l'appel de M. A... formé contre le jugement du 13 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 1706539 et renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.
Procédure devant la Cour après renvoi :
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2023, la commune de Gardanne, représentée par Me Xoual, conclut au rejet de la requête de M. A... et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de ce dernier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'absence de réalisation des travaux prescrits par l'arrêté du 15 octobre 2014 résulte du seul fait de M. A... et non d'une cause extérieure ;
- l'astreinte fixée l'arrêté du 24 juillet 2017, qui concerne l'inexécution de l'arrêté du 15 octobre 2014, est justifiée et est distincte de celle fixée par le juge des référés.
Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Ader- Reinaud, conclut aux mêmes fins que dans ses écritures précédentes et demande à la cour, en outre, de condamner la commune de Gardanne à lui restituer la somme de 50 000 euros.
Il conclut par les mêmes moyens que dans ses écritures précédentes et ajoute que l'arrêté de liquidation d'astreinte du maire de la commune de Gardanne a été pris en méconnaissance de l'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, que les lieux ont été sécurisés et que l'astreinte ne peut s'appliquer en l'espèce à son immeuble qui n'est pas à usage exclusif d'habitation.
Par une lettre du 13 février 2024, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de M. A... tendant à condamner la commune de Gardanne à lui restituer la somme de 50 000 euros dès lors que ces conclusions présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel.
La commune de Gardanne a répondu à ce moyen d'ordre public par deux mémoires enregistrés les 13 février 2024 et 4 mars 2024.
M. A... a répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 24 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Danveau,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Ader-Reinaud, représentant M. A..., et de Me Garnier, représentant la commune de Gardanne.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 octobre 2014, le maire de Gardanne a déclaré en état de péril ordinaire l'immeuble situé au 5 boulevard Bontemps à Gardanne, appartenant à M. A..., et a mis en demeure ce dernier de réaliser les travaux de mise en sécurité nécessaires dans le délai de trois mois. Par une ordonnance du 17 mars 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, saisi par la commune de Gardanne, a condamné M. A... à faire réaliser ces travaux dans un délai de trois mois à compter de sa signification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. La demande de la commune tendant à la liquidation de cette astreinte a cependant été rejetée par un jugement du même tribunal du 26 mai 2016. Par un arrêté du 24 juillet 2017, le maire de Gardanne a prononcé à l'encontre de M. A... une astreinte de 1 000 euros par jour à compter de la notification de cet arrêté et ce, jusqu'au dépôt d'un rapport d'un bureau d'études ou d'architecte attestant de la conformité des travaux entrepris. Cet arrêté a donné lieu à l'émission d'un titre de recettes du 5 septembre 2018 d'un montant de 50 000 euros, correspondant à la liquidation de l'astreinte.
2. Par un jugement n° 1706539, 1808994 du 13 janvier 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille, après les avoir jointes, a rejeté les deux demandes présentées par M. A..., tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2017 par lequel le maire de Gardanne a prononcé à son encontre une astreinte afin de le contraindre à accomplir les travaux destinés à faire cesser l'état de péril ordinaire affectant l'immeuble dont il est propriétaire, d'autre part, à l'annulation du titre de recettes émis le 5 septembre 2018. Par une ordonnance du 7 janvier 2021, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté pour tardiveté l'appel formé contre ce jugement. Par une décision n° 450472 du 20 décembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé, sur le pourvoi de M. A..., cette ordonnance en tant qu'elle rejette l'appel formé par M. A... contre le jugement du 13 janvier 2020 en tant seulement qu'il a rejeté sa demande, enregistrée sous le n° 1706539, tendant à l'annulation de l'arrêté précité du 24 juillet 2017, et a renvoyé, dans cette mesure, à la cour le jugement de cette affaire.
Sur la recevabilité des conclusions :
3. Les conclusions tendant à obtenir la restitution de la somme de 50 000 euros payée à la commune de Gardanne, présentées pour la première fois dans un mémoire enregistré le 3 novembre 2023, n'ont pas été soumises au tribunal et présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel. Elles doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables.
Sur la régularité du jugement :
4. Contrairement à ce que le requérant soutient en se prévalant d'une partialité de la première juge, le jugement contesté ne comporte aucune mention de ce que son comportement montrerait qu'il aurait fait passer son intérêt personnel avant le danger représenté par l'état de son immeuble. Par ailleurs, la circonstance que la première juge, qui a estimé que M. A... n'a jamais tenté de remédier aux désordres relevés par l'arrêté du 15 octobre 2014 de péril ordinaire, ne saurait révéler un manque d'impartialité, mais témoigne uniquement de l'appréciation portée par celle-ci sur les faits du litige. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, relatif à la procédure de péril ordinaire, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Le maire, par un arrêté de péril pris à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine (...) en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus. (...). / IV. Lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire d'y procéder dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. / (...) / Lorsque le bâtiment menaçant ruine est à usage principal d'habitation, le maire peut, sans attendre l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, appliquer une astreinte d'un montant maximal de 1 000 € par jour de retard à l'encontre du propriétaire défaillant (...) / L'astreinte est recouvrée, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle est implanté l'immeuble ayant fait l'objet de l'arrêté (...) ".
6. Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, relatif à la procédure de péril imminent, dans sa rédaction applicable au litige : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement.(...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que l'immeuble dont est propriétaire M. A... a fait l'objet d'un arrêté de péril ordinaire le 15 octobre 2014. Il n'est pas contesté que M. A... n'a réalisé, dans le délai de trois mois imparti, aucun des travaux de nature à remédier aux désordres constatés par l'expert dans son rapport du 23 janvier 2014, lequel avait constaté des insuffisances en matière de sécurité tels que " des défauts de scellement de garde-corps des balcons disposés en façade arrière ", " des traces de corrosion avancée sur les éléments de structure métallique support des balcons ", " un décroûtement du linteau d'ouverture sur le pignon présentant un risque de chute de hauteur sur la place publique " et " des défauts de sécurité par la proximité des compteurs électriques avec les canalisations d'eau ". La liste de ces travaux se distingue de ceux prescrits dans le cadre de la procédure de péril imminent engagée par le maire de Gardanne suite à un incendie survenu dans la nuit du 22 au 23 avril 2015, lequel a donné lieu à un arrêté du 27 avril 2015 ordonnant l'évacuation de l'immeuble jusqu'à la réalisation complète des travaux de mise en sécurité dans un délai de quatre semaines. Il n'est pas davantage contesté que le requérant, qui ne peut utilement se prévaloir de ce qu'aucun nouveau désordre n'est survenu, n'a pas fait procéder aux travaux nécessaires à la cessation du péril existant dans le délai requis. Son abstention à faire cesser la situation de péril imminent, qui faisait obstacle à la réalisation des travaux prescrits par l'arrêté de péril ordinaire du 15 octobre 2014, ne saurait être justifiée par la survenance de l'incendie, quand bien même l'intéressé n'est pas responsable de ce sinistre. De surcroît, la circonstance que l'astreinte, prononcée par ordonnance du 17 mars 2015 du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en raison du défaut d'exécution des travaux prescrits par l'arrêté du 15 octobre 2014, ait été supprimée par un jugement du 26 mai 2016 du même tribunal en raison de la nécessité de procéder au préalable, suite à l'incendie survenu quelques jours après la notification de l'ordonnance, aux travaux de mise en sécurité de l'immeuble prévus par l'arrêté du 27 avril 2015, ne pouvait légalement justifier l'inaction reprochée au requérant, qui n'a au demeurant réalisé partiellement lesdits travaux qu'en 2018. Or, il lui appartenait de faire réaliser, dans le délai de quatre semaines précité, les travaux de mise en sécurité prévus par l'arrêté de péril imminent du 27 avril 2015, puis de faire procéder aux travaux requis pour l'exécution de l'arrêté du 15 octobre 2014. Par ailleurs, en l'absence d'exécution de ces travaux dans les délais requis, ce dernier ne peut sérieusement se prévaloir de ce que le maire de Gardanne n'a pas édicté un arrêté constatant l'achèvement des travaux, lesquels, ainsi qu'il a été dit, n'ont été en partie réalisés qu'en 2018, soit postérieurement à l'arrêté du 24 juillet 2017 portant fixation de l'astreinte litigieuse.
8. Il suit de là que le maire était fondé à édicter, sans méconnaître la portée du jugement précité du 26 mai 2016, l'arrêté du 24 juillet 2017, constatant, au vu notamment d'un rapport de la police municipale, l'inexécution des travaux à la date du 31 mai 2017, et appliquant, à compter de sa notification, une astreinte, distincte de celle qui avait été fixée par l'ordonnance précitée du 17 mars 2015, d'un montant de 1 000 euros par jour de retard jusqu'au constat de l'achèvement des travaux prescrits par l'arrêté du 15 octobre 2014. Ainsi que l'a relevé à bon droit la première juge, M. A... ne saurait utilement soutenir que les actions judiciaires engagées par la commune de Gardanne devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence auraient privé cette dernière de la possibilité de prononcer une astreinte à son encontre sur le fondement des dispositions précitées du IV de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, lesquelles s'appliquent, contrairement à ce qu'il soutient, lorsque l'immeuble en cause est à usage principal, et non exclusif, d'habitation.
9. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté serait entaché d'illégalité.
10. Au vu des motifs exposés aux points qui précèdent, et alors que le requérant n'établit pas l'existence d'une faute de la commune susceptible d'engager sa responsabilité, les conclusions présentées par ce dernier à fin de dommages et intérêts pour procédure abusive doivent être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. En l'absence de dépens en première instance et en appel, les conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gardanne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Gardanne et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la la commune de Gardanne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Gardanne.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.
N° 22MA03124