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07/05/2024 | FRANCE | N°22MA02486

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 07 mai 2024, 22MA02486


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 2103441 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille

a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 16...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 2103441 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Oulmi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige, ainsi que des majorations correspondantes.

Il soutient que :

- c'est à tort que l'administration a rejeté sa comptabilité ;

- la charge de la preuve du caractère non probant de la comptabilité pèse sur l'administration fiscale, ainsi qu'il résulte des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-DG-20-20-10 ;

- la méthode de reconstitution de ses recettes est radicalement viciée ;

- le chiffre d'affaires reconstitué est largement supérieur à ceux qui ont été retenus à l'issue de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet, portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, correspondant aux chiffres d'affaires qu'il a déclarés dans le cadre de la procédure de régularisation prévue par l'article L. 62 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui exerçait une activité de vente de pizzas à emporter à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité, a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires. M. A... relève appel du jugement du 18 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2015, et des majorations correspondantes.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) ". Aux termes de l'article 286 du même code : " I. Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : / (...) 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. / Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat, ou le montant des courtages, commissions, remises, salaires, prix de location, intérêts, escomptes, agios ou autres profits. Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. / Le livre prescrit ci-dessus ou la comptabilité en tenant lieu, ainsi que les pièces justificatives des opérations effectuées par les redevables, notamment les factures d'achat, doivent être conservés selon les modalités prévues au I de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales ; les pièces justificatives relatives à des opérations ouvrant droit à une déduction doivent être d'origine (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que pour écarter la comptabilité de M. A... comme non probante, le vérificateur a relevé d'une part, que les produits étaient enregistrés en comptabilité uniquement par la globalisation mensuelle des recettes, sans qu'aient été produites de pièces justificatives de ces recettes, en l'absence de caisse enregistreuse et de mention du détail des ventes sur l'agenda manuscrit tenu par M. A.... Si M. A... fait valoir qu'il était autorisé, en vertu du 3° de l'article 286 du code général des impôts, à procéder à une inscription globale de ses recettes inférieures à 76 euros en fin de journée, cette mesure de tempérament, au demeurant applicable uniquement en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ne le dispensait pas de produire, à l'appui de la comptabilité présentée, les pièces justificatives de ses recettes. D'autre part, au cours de la vérification de comptabilité, le vérificateur a exercé son droit de communication auprès du fournisseur de M. A..., la société Houter, qui a répondu que l'intéressé disposait dans ses livres comptables d'un compte client " officiel " n° 411-399, et d'un compte client " occulte " n° 411-999994 correspondant à des ventes au comptoir effectuées en espèces, qui donnent seulement lieu à l'édition de bons de livraison sur lesquels sont mentionnés le nom du client " A... B... " et son adresse de livraison à Pierrevert, où se situe le domicile de M. A..., au sein duquel il a aménagé un atelier de préparation. En se bornant à soutenir que son fournisseur a méconnu ses obligations légales, notamment en ne délivrant pas de factures mais des bons de livraison et en ouvrant deux comptes pour un même client, qu'une usurpation d'identité est possible en l'absence de vérification par le fournisseur lors des achats au comptoir, alors qu'il n'a déposé aucune plainte en ce sens, et que la distance entre le lieu d'implantation du fournisseur et celui de son activité est importante, M. A... n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les éléments précis et concordants obtenus à la suite de l'exercice du droit de communication, qui confirment l'existence et le montant des achats non comptabilisés. Ces éléments sont au demeurant corroborés par l'administration qui a relevé des corrélations entre le compte " occulte " et le compte " officiel ". Ainsi, selon les énonciations non contredites de la proposition de rectification, il a été constaté que les commandes sont enregistrées alternativement sur le compte officiel et sur le compte occulte, et que les deux comptes retracent l'achat de boîtes à pizza au seul format de 40 x 40 cm, qui était exclusivement utilisé par M. A..., mais ne comportent aucun achat de jambon, alors que M. A... achetait ce produit auprès d'un boucher situé à proximité immédiate de l'emplacement de son activité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le vérificateur a estimé que la comptabilité de M. A... était irrégulière et dépourvue de valeur probante.

4. En deuxième lieu, M. A... n'est pas fondé, à cet égard, à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CTX-DG-20-20-10, qui, se rapportant à la question de la charge de la preuve dans le contentieux de l'assiette de l'impôt, ne peuvent être regardées comme comportant, au sens de cet article, une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit susceptible d'être opposée à l'administration.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 (...) est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission (...) ".

6. Les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à l'issue de sa séance du 18 septembre 2018. Par suite, M. A..., dont la comptabilité comporte les graves irrégularités mentionnées au point 3, supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition.

7. A défaut de justification du détail des recettes de M. A..., et alors qu'il vendait, outre des portions de pizza, des pizzas grandes ou moyennes en utilisant indifféremment des boîtes de 40 x 40 cm, l'intéressé a recensé, à la demande du vérificateur, au cours de la période du 24 avril au 31 mai 2017, le type et la nature des pizzas vendues. En se fondant sur ces éléments, le vérificateur a déterminé les recettes de M. A... par la moyenne des résultats de trois méthodes de reconstitution, qui tiennent compte des achats non comptabilisés réalisés auprès de la société Houter, et sont fondées sur le nombre de boîtes à pizza, sur une reconstitution matière à partir de la farine, et sur l'application du coefficient multiplicateur constaté aux achats réels. Le vérificateur a notamment retenu des abattements généraux de 3 % au titre des offerts, et de 2 % au titre des pertes pour la méthode fondée sur les achats de farine. S'agissant de la méthode fondée sur le nombre de boîtes à pizza, le vérificateur a déterminé séparément le chiffre d'affaires correspondant aux pizzas vendues en portions, et a appliqué sur ces portions des abattements portés à 6 % pour les pertes et à 6 % pour les offerts. Eu égard à ce qui a été dit au point 3, le vérificateur était fondé à tenir compte des achats non comptabilisés correspondant aux " ventes au comptoir " réglées en espèces. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, le vérificateur, eu égard à l'absence de justification du détail des recettes comptabilisées, a pu tenir compte des éléments recensés au cours du contrôle par M. A..., au cours d'une période d'ailleurs suffisamment significative. Si M. A... fait valoir en outre que les abattements retenus au titre des pertes et des offerts seraient insuffisants, il ne produit aucun élément de nature à en justifier. Enfin, contrairement à ce que fait valoir le requérant, le vérificateur n'a pas pris en compte deux fois les pizzas vendues en portions, en reconstituant, d'une part, le chiffre d'affaires des ventes de pizzas à partir du nombre de boîtes et des ventes de pizzas vendues en portions en tenant compte des éléments recensés au cours du contrôle, et, d'autre part, le chiffre d'affaires global des ventes de pizzas en déterminant à partir des achats de farine le nombre de pâtons destinés à la fabrication des pizzas moyennes et des grandes pizzas, lesquelles sont vendues entières ou en portions. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la méthode de reconstitution de ses recettes serait radicalement viciée.

8. En quatrième et dernier lieu, est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige la circonstance que le chiffre d'affaires reconstitué au titre de l'année 2015 est supérieur à ceux qui ont été retenus par l'administration à l'issue d'une précédente vérification de comptabilité dont M. A... a fait l'objet, portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, et correspondant aux chiffres d'affaires qu'il a déclarés dans le cadre de la procédure de régularisation prévue par l'article L. 62 du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2024, où siégeaient :

- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Mastrantuono, première conseillère,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

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N° 22MA02486


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02486
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : OULMI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;22ma02486 ?
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