Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme C... D... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, et des majorations correspondantes.
Par un jugement n° 2006379 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 août 2022, M. A... et Mme D... épouse A..., représentés par Me Bordet, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 juin 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, ou, à titre subsidiaire, la réduction des impositions et majorations en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les propositions de rectification sont insuffisamment motivées ;
- le droit de reprise de l'administration était expiré lorsque la proposition de rectification du 27 décembre 2018, relative à l'année 2015, a été notifiée ;
- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction des résultats de la société par actions simplifiée (SAS) Areva Immobilier des charges relatives à la location d'un bateau de plaisance et en conséquence regardé les sommes correspondantes comme des revenus distribués ;
- l'administration n'établit pas que M. A... aurait été le bénéficiaire de ces revenus distribués ;
- l'administration n'était pas fondée à faire application de la majoration pour manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mastrantuono,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Collet, substituant Me Bordet, représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... est président et associé majoritaire de la SAS Areva Immobilier, qui a pour objet principal une activité de marchand de biens. A l'issue d'une vérification de comptabilité de cette société, M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2015 et 2016, à raison des revenus distribués correspondant aux dépenses exposées par la société pour la prise en crédit-bail d'un bateau de plaisance, regardés comme appréhendés par M. A.... M. et Mme A... font appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt auxquels ils ont été ainsi assujettis, et des majorations correspondantes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
3. Les propositions de rectification du 27 décembre 2018 et du 29 juillet 2019 adressées à M. ou Mme A... indiquent que les redressements envisagés au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2015 pour la première et de l'année 2016 pour la seconde sont opérés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et précisent le montant des rectifications. Elles reproduisent des extraits des propositions de rectification adressées à la SAS Areva Immobilier indiquant les motifs de la remise en cause, sur le fondement de l'article 39-4 du code général des impôts, de la déduction des loyers supportés par la société au titre d'un contrat de crédit-bail relatif à un bateau de plaisance, et précisent que les sommes faisant l'objet de ces rehaussements, qui correspondent à des désinvestissements opérés dans la société, constituent des revenus distribués, et que M. A..., bénéficiaire de ces dépenses personnelles, est présumé les avoirs appréhendés. Si ces propositions ne précisent pas le fondement légal des rectifications, elles sont néanmoins ainsi suffisamment motivées. Elles font en outre et en tout état de cause expressément référence aux propositions de rectification notifiées le même jour à M. A... en tant que représentant de la SAS Areva Immobilier, qui précisent que les charges somptuaires correspondant aux loyers supportés au titre du contrat de crédit-bail relatif au bateau constituent des revenus distribués au bénéfice de M. A... au sens du e de l'article 111 du code général des impôts. Ainsi, la motivation de ces propositions de rectification comporte des éléments suffisamment circonstanciés pour permettre aux contribuables de formuler des observations de manière utile, ce que les intéressés ont d'ailleurs fait. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales manque en fait et doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le droit de reprise de l'administration :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 642 du code de procédure civile : " Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. / Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ". Aux termes de l'article 655 du même code : " Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. / L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification (...) ". Aux termes de l'article 659 de ce code : " Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. / Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification (...) ". Aux termes de l'article 664-1 dudit code : " La date de la signification d'un acte d'huissier de justice (...) est (...), dans le cas mentionné à l'article 659, celle de l'établissement du procès-verbal ". Enfin, aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (...) chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre ".
5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a fait procéder à la signification par voie d'huissier de justice de la proposition de rectification du 27 décembre 2018, relative à l'année 2015. En l'espèce, l'huissier de justice, qui s'est rendu le vendredi 28 décembre 2018 à la dernière adresse connue de M. ou Mme A..., soit au 7 chemin du Souvenir, à Marseille (13007), et n'a pu procéder à la signification, a établi le jour même un procès-verbal de recherches relatant les diligences accomplies. À cet égard, dès lors qu'il résulte de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales que les actes de procédure notifiés à l'un des conjoints sont opposables de plein droit à l'autre, la circonstance que ce procès-verbal ne mentionne pas une tentative de remise à chacun des époux A... est sans incidence sur la régularité de la signification de la proposition de rectification. Par ailleurs, conformément à l'article 659 du code de procédure civile, l'huissier de justice a adressé ce procès-verbal à M. ou Mme A... par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 31 décembre 2018. Contrairement à ce qui est soutenu, le premier jour ouvrable suivant l'établissement du procès-verbal, intervenu un vendredi, était le lundi 31 décembre 2018, en application de l'article 642 du code de procédure civile. Enfin, alors que la lettre d'accompagnement du procès-verbal est exclusivement adressée à " M. ou Mme A... ", et mentionne la dernière adresse connue des intéressés, soit le : " 7 chemin du Souvenir 13007 Marseille ", les requérants, en se bornant à produire la copie de l'enveloppe contenant cette lettre et le procès-verbal, sur laquelle a été apposée une étiquette couvrant partiellement la fenêtre transparente de l'enveloppe, portant le logo de la Poste et mentionnant " M. A... B... Mme A... C... née D... M. A... F... M. A... E... - 7 impasse des Zéphyrs 13007 Marseille ", n'apportent pas d'éléments suffisants à l'appui de leurs allégations selon lesquelles le pli aurait été envoyé par l'huissier de justice à une adresse erronée. Par suite, la proposition de rectification du 27 décembre 2018 doit être regardée comme ayant été régulièrement signifiée à M. et Mme A... le jour de l'établissement par huissier de justice du procès-verbal, soit le 28 décembre 2018. Dans ces conditions, le droit de reprise de l'administration pouvant s'exercer jusqu'au 31 décembre 2018, le moyen tiré de ce que ce droit de reprise était expiré lorsque la proposition de rectification du 27 décembre 2018 a été notifiée manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne les revenus distribués par la SAS Areva Immobilier :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) e. Les dépenses et charges dont la déduction pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés est interdite en vertu des dispositions du premier alinéa et du c du 4 de l'article 39 ". Aux termes de l'article 39 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) 4. (...) sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt (...) les dépenses et charges de toute nature ayant trait à l'exercice de la chasse (...). / Sauf justifications, les dispositions du premier alinéa sont applicables : / (...) c) Aux dépenses de toute nature résultant de l'achat, de la location ou de toute autre opération faite en vue d'obtenir la disposition de yachts ou de bateaux de plaisance à voile ou à moteur ainsi que de leur entretien (...) ". Ces dispositions concernent les charges qu'expose une entreprise, fût-ce dans le cadre d'une gestion commerciale normale, du fait qu'elle dispose, même pour une courte durée, d'un bateau de plaisance auquel elle conserve ce caractère et dont elle ne justifie pas qu'il serait indispensable à la satisfaction d'un besoin spécifique lié à son activité.
7. Il résulte de l'instruction que la SAS Areva Immobilier, qui, selon ses statuts mis à jour le 31 octobre 2013, a pour objet une activité de marchand de biens et une activité accessoire de location de moyens de transport et bateaux, a pris en crédit-bail un bateau à moteur de marque " Fiart ", et a versé à ce titre des loyers mensuels de 4 098,38 euros. S'agissant de ce navire, elle a conclu avec la société Chantiers Navals de Calvi un " contrat de gestion de bateaux de plaisance " lui permettant l'utilisation d'une place de port, et prévoyant la prise en charge de l'entretien, des révisions et du gardiennage du bateau par la société gestionnaire, en contrepartie de vingt journées de mise à disposition du bateau en location. En ce qui concerne l'année 2015, les recettes déclarées provenant de la location ponctuelle du bateau se sont seulement élevées à 14 186 euros, soit un montant légèrement supérieur aux dépenses d'entretien prises en charge par le gestionnaire, qui se sont élevées à 14 156 euros. En ce qui concerne l'année 2016, l'administration fait valoir, sans être contredite, que malgré sa demande, la société, qui a comptabilisé un produit correspondant à la " mise à disposition clients " du bateau à hauteur de 21 200 euros, a refusé de lui communiquer le relevé de location relatif à cette période afin de lui permettre de vérifier la réalité de l'exploitation commerciale du navire. Par ailleurs, la société, qui n'a produit aucun élément à l'appui de ses affirmations relatives à l'utilisation du navire à des fins de prospection commerciale pour sa propre clientèle, a reconnu au cours du contrôle l'utilisation privative du navire par M. A... à plusieurs reprises au cours des années vérifiées. Ainsi, eu égard au caractère ponctuel de la location du navire, à son utilisation privative et à l'absence de justification d'une utilisation à des fins commerciales au profit de sa clientèle, l'administration a pu à bon droit remettre en cause la déduction des charges exposées par la SAS Areva Immobilier pour la prise en crédit-bail de ce navire, et, par conséquent, regarder les sommes correspondantes comme constituant des revenus distribués au sens du e de l'article 111 du code général des impôts.
8. En deuxième lieu, M. A..., ainsi qu'il a été dit au point précédent, a admis avoir utilisé à titre privatif le bateau pris en crédit par la SAS Areva Immobilier à plusieurs reprises au cours des années considérées. Il n'est ni allégué ni même démontré par l'intéressé, qui est le dirigeant et l'associé majoritaire de la SAS Areva Immobilier, qu'un tiers aurait pu disposer gratuitement du navire. Dans ces conditions, et sans qu'ait d'incidence la circonstance que le bateau a été loué à titre ponctuel, M. A..., qui a bénéficié de l'utilisation de ce navire sans contrepartie, doit être regardé comme ayant appréhendé les revenus distribués résultant de la remise en cause de la déduction des charges exposées par la SAS Areva Immobilier pour la prise en crédit-bail de ce navire.
En ce qui concerne les conclusions subsidiaires tendant à la réduction des impositions :
9. Si les requérants demandent à la cour, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des impositions en litige, ils ne présentent aucun moyen à l'appui de ces conclusions.
Sur les pénalités :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
11. En relevant que M. A..., dirigeant et associé majoritaire de la SAS Areva Immobilier, ne pouvait pas ignorer qu'il utilisait gratuitement un bateau de plaisance sans aucune contrepartie alors que l'ensemble des dépenses afférentes à ce bateau étaient prises en charge par la société, et que ces dépenses n'étaient pas nécessaires à l'exploitation, l'administration fiscale démontre l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Dans ces conditions, l'administration justifie du bien-fondé de l'application à M. et Mme A... de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.
12. En second lieu, les requérants ne soulèvent aucun moyen à l'appui de leurs conclusions subsidiaires tendant à la réduction des majorations mises à leur charge.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et Mme C... D... épouse A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2024, où siégeaient :
- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Mastrantuono, première conseillère,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.
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N° 22MA02379