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07/05/2024 | FRANCE | N°22MA02209

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 07 mai 2024, 22MA02209


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





La société anonyme (SA) Monte Paschi Banque a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge du prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2010 en qualité de représentant accrédité de la société Sab Dinsmore Ltd à raison de la cession par cette société d'un bien immobilier, et des majorations correspondantes.





Par l'article 1e

r du jugement n° 1805589 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusion...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Monte Paschi Banque a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge du prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2010 en qualité de représentant accrédité de la société Sab Dinsmore Ltd à raison de la cession par cette société d'un bien immobilier, et des majorations correspondantes.

Par l'article 1er du jugement n° 1805589 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance, d'un montant de 23 166 euros, par son article 2 a déchargé la SA Monte Paschi Banque du prélèvement à hauteur de 193 314 euros, des intérêts de retard et de l'amende correspondants, et par son article 3 a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 août 2022, la SA Monte Paschi Banque, représentée par Mes Pelloux et Choisy, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 mai 2022 ;

2°) de prononcer la décharge ou, à défaut, la réduction de l'imposition et des majorations en litige ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration fiscale, en s'abstenant de saisir la commission de conciliation malgré sa demande, a entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ;

- elle a ainsi méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-CMSS-40-20 n° 20 ;

- il n'est pas démontré que la villa qui appartenait à la société Sab Dinsmore Ltd aurait été cédée pour un prix significativement inférieur à sa valeur vénale ;

- la valeur vénale de cette villa retenue par l'administration est excessive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SA Monte Paschi Banque ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit britannique Sab Dinsmore Ltd, qui a accrédité la SA Monte Paschi Banque en tant que représentant en France pour le prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur ce prélèvement au titre de l'année 2010. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, estimant que la propriété située à Mougins (Alpes-Maritimes), acquise par la société Sab Dinsmore Ltd en 2004 pour un prix de 1 875 000 euros, et revendue en 2010 pour un prix de 1 350 000 euros, avait été cédée pour un prix significativement inférieur à sa valeur vénale, a évalué la valeur vénale de la propriété à la date de sa cession à 2 900 000 euros, et a en conséquence assujetti la SA Monte Paschi Banque, en qualité de représentant accrédité de la société Sab Dinsmore Ltd, au prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts au titre de l'année 2010 à raison de la plus-value résultant de la cession. La SA Monte Paschi Banque fait appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, a fait partiellement droit à sa demande tendant à la décharge du prélèvement et des majorations correspondantes, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs de fait et de droit sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler de façon utile ses observations.

3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 18 décembre 2013 adressée à la SA Monte Paschi Banque en qualité de représentant accrédité de la société Sab Dinsmore Ltd comporte la mention de l'impôt et de l'année d'imposition concernés par la rectification. Elle expose les raisons pour lesquelles la société a été regardée comme ayant cédé la propriété qu'elle détenait à Mougins pour un prix fortement minoré et précise le calcul de la plus-value résultant de cette cession et le montant du prélèvement assis sur cette plus-value. Elle détaille les éléments d'information relatifs aux différents termes de comparaison retenus pour déterminer la valeur vénale de l'immeuble à la date de la cession, dont les surfaces habitables et les surfaces pondérées, et les prix moyens par m² habitable et par m² pondéré. Enfin, elle mentionne la valeur de la villa déterminée en fonction du nombre de m² habitables et du prix moyen par m² habitable, puis sa valeur déterminée en fonction du nombre de m² pondérés et du prix moyen par m² pondéré, et indique qu'est retenue la moyenne des deux valeurs ainsi obtenues pour déterminer la valeur vénale. Par suite, le moyen tiré de ce que cette proposition de rectification serait insuffisamment motivée doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La commission départementale de conciliation intervient en cas d'insuffisance des prix ou évaluations ayant servi de base aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière dans les cas mentionnés au 2 de l'article 667 du code général des impôts ainsi qu'à l'impôt de solidarité sur la fortune ".

5. La commission départementale de conciliation n'intervient que dans les litiges portant sur les insuffisances des prix ou évaluations ayant servi de base aux droits d'enregistrement, à la taxe de publicité foncière ou à l'impôt sur la fortune. Dès lors, cette commission n'est pas compétente pour se prononcer sur les litiges portant sur le prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts sur les plus-values réalisées par les personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France. Par suite, la SA Monte Paschi Banque n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait entaché la procédure d'imposition d'irrégularité en s'abstenant de saisir la commission de conciliation.

6. En troisième lieu, la SA Monte Paschi Banque ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-CMSS-40-20, qui, traitant de questions relatives à la procédure d'imposition, ne peut être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. Aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.-1. (...) les plus-values (...) réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon le taux fixé au deuxième alinéa du I de l'article 219. / (...) 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : / (...) b) Les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France ; / (...) 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : / a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens ; / (...) III.-Lorsque le prélèvement mentionné au I est dû par une personne morale assujettie à l'impôt sur les sociétés, les plus-values sont déterminées par différence entre, d'une part, le prix de cession du bien et, d'autre part, son prix d'acquisition, diminué pour les immeubles bâtis d'une somme égale à 2 % de son montant par année entière de détention (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que la villa que la société Sab Dinsmore Ltd a cédée en 2010 pour un prix de 1 350 000 euros, située dans un quartier résidentiel de Mougins comportant de vastes espaces boisés, d'une surface habitable de 360 m², a été édifiée sur un terrain de 2 718 m², comporte notamment un ascenseur, un double garage, une terrasse ainsi qu'une piscine, et a été achevée en 2001. L'administration a déterminé sa valeur par comparaison avec la valeur moyenne de dix villas situées dans des quartiers résidentiels de Mougins, dont les surfaces habitables sont comprises entre 219 et 392 m², disposant de terrains de superficies comparables. Ces villas ont été cédées entre le 15 octobre 2008 et le 25 juillet 2010, pour des prix par m² de surface habitable compris entre 6 708 et 11 427 euros, soit un prix moyen de 8 146 euros. La valeur de la villa a ainsi été évaluée par l'administration à 2 900 000 euros. Elle a été ramenée à 2 320 000 euros par l'admission par le tribunal administratif de Nice de l'application d'un abattement de 20 % afin de tenir compte de la configuration particulière du terrain et de la situation de la villa sur ce terrain, et de l'absence de vue sur la mer.

9. D'une part, la SA Monte Paschi Banque, en produisant un document relatif au marché immobilier de l'ensemble du département des Alpes-Maritimes, ne démontre pas que le prix des villas présentant des caractéristiques similaires et situées à Mougins aurait baissé entre 2004 et 2010. Par ailleurs, la société requérante se prévaut d'un rapport d'expertise relatif à la valeur vénale de la villa établi le 23 janvier 2014, selon lequel la villa en cause serait notamment affectée par une exposition à l'est et une faible luminosité résultant de la proximité de grands arbres et de la situation encaissée du terrain, pour faire valoir que les termes de comparaison retenus, bénéficiant d'une meilleure exposition et d'une position dominante, ne seraient pas pertinents. Toutefois, le rapport d'expertise établi en 2014, à la suite d'une unique visite intervenue au cours du mois de janvier, à l'occasion de laquelle l'expert n'a pu visiter l'intérieur de la villa, n'est pas suffisant pour conclure que les termes de comparaison retenus ne seraient pas pertinents, alors qu'il résulte des informations recueillies par l'administration auprès des agences chargées de la vente du bien que la villa en litige bénéficie d'une vue dégagée sur la colline du vieux village de Mougins, et que la façade et les pièces principales de la villa sont orientées au sud, cette orientation étant d'ailleurs confirmée par le rapport d'expertise établi en 2009, également versé aux débats par la requérante. Ainsi, alors que la configuration particulière du terrain et l'absence de vue sur la mer ont déjà été pris en compte par l'abattement retenu par le tribunal administratif, et qu'il ressort du rapport établi en 2014 que l'environnement de la propriété est particulièrement calme, plusieurs des villas retenues comme termes de comparaison étant quant à elles situées dans des quartiers plus denses et affectées de nuisances sonores résultant de la proximité immédiate d'axes de circulation, l'administration a pu valablement se référer aux termes de comparaison retenus. En outre, si la SA Monte Paschi Banque, en se prévalant du rapport d'expertise établi en 2014, fait valoir qu'il conviendrait d'appliquer un correctif de 10 % pour tenir compte des différences de superficies des villas, les prix au m² des villas retenues comme termes de comparaison en l'espèce, qui n'apparaissent pas proportionnels aux superficies, sont représentatifs du marché, et pouvaient être valablement retenus pour calculer une valeur moyenne du prix au m² habitable. Enfin, si la société requérante revendique l'application d'un abattement de 15 % destiné à tenir compte de l'état de la villa à la date de la cession, elle ne justifie pas de la nécessité de retenir un tel abattement au titre de la vétusté en se bornant à se référer au rapport d'expertise établi en 2014, lequel fait état de travaux réalisés postérieurement à la vente, alors que la villa, ainsi qu'il a été dit précédemment, a été achevée en 2001, et qu'il résulte des informations recueillies par l'administration auprès des agences chargées de la vente du bien et du rapport d'expertise établi en 2009 que la villa était en parfait état. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme démontrant que la villa a été cédée par la société Sab Dinsmore Ltd à un prix significativement minoré.

10. D'autre part, la SA Monte Paschi Banque, qui ne fait état d'aucune contrepartie à la minoration du prix de vente de la villa, ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise en se bornant à faire valoir que l'associé principal de la société Sab Dinsmore Ltd, décédé peu de temps après la vente, aurait souhaité céder rapidement la villa afin d'éviter des querelles entre ses héritiers, et que la société n'a pu vendre la villa malgré plusieurs baisses de prix. Ainsi, l'administration, qui n'avait pas à établir que la cession de la villa à un prix significativement inférieur à sa valeur vénale procéderait de l'intention d'accorder une libéralité au cessionnaire, était fondée à regarder la société Sab Dinsmore Ltd comme ayant réalisé une plus-value à l'occasion de cette cession, et ainsi à faire application du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts.

11. Enfin, eu égard à ce qui a été dit au point 9, les circonstances que le prix de vente mentionné sur des mandats de vente de la villa conclus successivement entre 2008 et 2010 a été ramené de 2 495 000 à 1 700 000 euros et que la villa a été revendue en 2012 pour un prix de 1 750 000 euros ne sont pas suffisantes pour permettre de regarder comme excessive la valeur vénale retenue par l'administration.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions à fin de décharge en tant qu'elles portent sur des montants excédant les sommes demeurant à la charge de la SA Monte Paschi Banque, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions à fin de décharge de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. En premier lieu, la présente affaire n'a donné lieu à aucun dépens. Par suite, les conclusions présentées par la SA Monte Paschi Banque sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

14. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SA Monte Paschi Banque la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SA Monte Paschi Banque est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Monte Paschi Banque et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2024, où siégeaient :

- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Mastrantuono, première conseillère,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

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N° 22MA02209


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