Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Star Auto a demandé au tribunal administratif de Nice, par deux actes introductifs d'instance, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015 et des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales pour les années 2014, 2015 et 2016, ainsi que des majorations correspondantes.
Par un jugement nos 1804916 et 1805660 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté les demandes de la SAS Star Auto après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2022, la SAS Star Auto, représentée par Me Dauvergne, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des majorations en litige ;
3°) de mettre la somme de 3 500 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration en s'abstenant de l'informer sur l'identité de l'agent ayant accompagné la vérificatrice lors du contrôle ;
- la période vérifiée a été irrégulièrement étendue à l'année 2016 ;
- les charges afférentes à la location de deux appartements étaient déductibles de son revenu imposable ;
- il en va de même des frais de déplacement et de restauration remis en cause par l'administration ;
- elle est fondée à se prévaloir de la doctrine BOI-BIC-CHG-10-20-20 n° 20140519 n° 50 ;
- la provision pour dépréciation de créance liée à la vente d'un véhicule était justifiée ;
- les cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales mises à sa charge sont déductibles du bénéfice imposable pour les exercices clos le 31 décembre 2014 et le 31 décembre 2015 ;
- les majorations pour manquement délibéré sont injustifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Star Auto ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Star Auto exerce une activité de réparation automobile et de commerce de véhicules légers. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015. Par deux propositions de rectification du 31 mai 2017, l'administration fiscale l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les surfaces commerciales, ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015, d'une part, et à des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales pour l'année 2016, d'autre part. La SAS Star Auto a contesté les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée par une première demande, enregistrée sous le numéro 1804916 par le greffe du tribunal administratif de Nice, et les cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales par une seconde demande, enregistrée sous le numéro 1805660. Elle fait appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté les deux demandes après les avoir jointes.
Sur l'étendue du litige devant la cour :
2. Par une ordonnance du 22 novembre 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, les conclusions de la requête de la SAS Star Auto tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 à 2016 et des majorations correspondantes. Le présent litige est donc limité aux conclusions de la SAS Star Auto portant sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. D'une part, l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté. " D'autre part, l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts dispose que : " I. - Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. / Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa peuvent se faire assister pour les opérations de contrôle par des fonctionnaires stagiaires et par tout autre fonctionnaire de la direction générale des finances publiques affecté ou non dans le même service déconcentré ou service à compétence nationale. "
4. La SAS Star Auto a reçu un avis de vérification de comptabilité en date du 20 décembre 2016 annonçant une vérification portant sur l'ensemble des déclarations fiscales et des opérations susceptibles d'être examinées sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. Cet avis indiquait l'identité de la vérificatrice chargée du contrôle. Si la SAS Star Auto fait valoir que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant accompagné celle-ci lors de la vérification est contraire à l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, la méconnaissance de cet article est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité de la procédure de contrôle et de la décision d'imposition qui s'en est ensuivie. A supposer que la SAS Star Auto ait entendu invoquer également la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du même code, celles-ci sont inapplicables à un avis de vérification de comptabilité, qui n'a pas le caractère d'une décision administrative au sens de cet article.
5. D'autre part, si la société requérante fait valoir que la période vérifiée a été irrégulièrement étendue, du fait de la mise en recouvrement de cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales pour l'année 2016, cette circonstance est sans incidence sur la régularité des impositions en litige, rappelées au point 2, qui se rapportent à la période vérifiée, comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les dépenses de loyer, de déplacement et de restauration :
6. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant la dévolution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
7. En premier lieu, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de charges de loyers pour un montant annuel de 19 200 euros au titre des exercices clos le 31 décembre 2014 et le 31 décembre 2015. La société n'apporte pas plus en appel qu'en première instance la preuve de la réalité des charges qu'elle prétend avoir supportées du fait de la location de deux appartements situés à Cannes, et, en particulier, de la disposition effective des biens immobiliers présentés comme loués, en se bornant à produire deux attestations de salariés. Elle ne justifie donc pas de la déductibilité de ces frais. En outre, en l'absence de prise de position formelle de l'administration opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, le fait que des charges identiques n'aient pas été remises en cause à l'occasion d'un précédent contrôle portant sur des exercices antérieurs n'est pas de nature à méconnaître le principe de sécurité juridique, ni, en tout état de cause, le principe de confiance légitime, dès lors que la société n'avait aucune raison objective de croire que de telles charges ne pourraient être remises en cause à l'occasion d'un autre contrôle.
8. En second lieu, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de frais de déplacement et de restauration à hauteur de 27 408,64 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 et de 13 618,21 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015. La société n'apporte pas plus en appel qu'en première instance le moindre élément de nature à établir que ces dépenses ont été exposées dans l'intérêt de l'entreprise. En outre, elle n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du point 50 de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-CHG-10-20-20 du 19 mai 2014, qui porte sur les dépenses dont le caractère professionnel est établi, contrairement aux dépenses dont il s'agit.
9. En troisième lieu, aux termes du II.1. de l'article 271 du code général des impôts : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Pour les mêmes raisons que celles exposées au point précédent, il ne résulte pas de l'instruction que les dépenses ont été engagées pour les besoins d'opérations imposables. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la taxe sur la valeur ajoutée afférente serait déductible.
En ce qui concerne la provision pour dépréciation :
10. Aux termes du 5° du 1. de l'article 39 : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. "
11. L'administration fiscale a remis en cause la déduction d'une provision pour dépréciation de créance constituée à hauteur de 37 625,42 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, et portée à 50 167,22 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015. La société requérante fait état du rôle d'intermédiaire joué par une société tierce dans le règlement d'une partie du prix d'achat d'un véhicule, et des difficultés rencontrées par cette société, sans apporter de pièce de nature à établir la réalité de ses allégations. Elle ne conteste pas utilement les affirmations de l'administration, fondée sur des pièces issues de l'exercice du droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, selon lesquelles la créance aurait en réalité été réglée, ce qui a d'ailleurs été admis dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique. Par suite, la SAS Star Auto n'apporte pas la preuve de la déductibilité de cette provision.
En ce qui concerne la déduction des impôts :
12. Aux termes du 4° du 1. de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) ".
13. Selon ces dispositions, les impôts à la charge de l'entreprise sont déductibles du bénéfice imposable lorsqu'ils sont mis en recouvrement au cours de l'exercice concerné. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la réintégration des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales, mises en recouvrement le 29 juin 2018, à son résultat imposable au titre des exercices clos le 31 décembre 2014 et le 31 décembre 2015. En outre, elle n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-PROV-30-20-20 du 27 janvier 2014, relative aux provisions pour impôts et cotisations, dès lors qu'elle n'a pas constitué de provisions relatives au paiement d'un impôt.
Sur les majorations :
14. Le tribunal a écarté la contestation des majorations appliquées sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts par des motifs appropriés, figurant aux points 18 à 20 du jugement attaqué, qui ne sont pas contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SAS Star Auto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Star Auto est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Star Auto et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 18 avril 2024, où siégeaient :
- M. Platillero, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme A... et M. Mérenne, premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
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No 22MA01419