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06/05/2024 | FRANCE | N°23MA00152

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 06 mai 2024, 23MA00152


VU

______



Mme Jacqueline Marchessaux

Rapporteure

______



M. Olivier Guillaumont

Rapporteur public

______

Audience du 16 avril 2024

Décision du 6 mai 2024

______

44-02-02-005-02-01

44-02-02-01

44-035-04

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d'appel de Marseille

(5ème chambre)



Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La soci

té Oriente Environnement a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse a fixé les prescriptions pour exploiter u...

VU

______

Mme Jacqueline Marchessaux

Rapporteure

______

M. Olivier Guillaumont

Rapporteur public

______

Audience du 16 avril 2024

Décision du 6 mai 2024

______

44-02-02-005-02-01

44-02-02-01

44-035-04

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d'appel de Marseille

(5ème chambre)

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Oriente Environnement a demandé au tribunal administratif de Bastia, à titre principal, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse a fixé les prescriptions pour exploiter une installation de stockage de déchets non dangereux et une installation de stockage de déchets de terres amiantifères, ainsi que des activités connexes, au lieudit " Finochietto " sur le territoire de la commune de Giuncaggio, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il prescrit la réalisation d'un nouveau phasage d'exploitation de l'installation de stockage de déchets de terres amiantifères et de déchets non dangereux, l'exploitation de l'installation de stockage de déchets non dangereux au moyen d'une superposition de subdivisions, la réalisation d'une couverture intermédiaire des casiers dans un délai de 15 jours à l'aide d'un matériau inerte d'une perméabilité inférieure à 1.10-7 m/s, l'exploitation de casiers d'une surface limitée à 3 500 m² tant s'agissant des déchets ménagers que des terres amiantifères, l'utilisation d'un système de traitement membranaire des lixiviats, la réalisation d'un système de drainage sous casier, des installations de stockage de terres amiantifères et de déchets ménagers, la création de deux bassins de collecte des eaux provenant du drainage de ces installations de stockage et la démonstration, en phase de conception, de la stabilité sur le long terme des excavations pour prévenir tout risque de glissement des futures barrières passives et actives et d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse, de prendre un nouvel arrêté déterminant les prescriptions applicables à ses installations, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard, de ne pas lui prescrire l'exploitation de son installation de stockage de déchets ménagers selon la technique de la superposition de subdivisions, de lui prescrire l'exploitation de son installation de stockage de déchets ménagers selon la technique de la superposition de casiers hydrauliquement indépendants et fonctionnant selon le mode bioréacteur, la couverture des casiers hydrauliquement indépendants et fonctionnant selon le mode bioréacteur et celle prévue à l'article 55 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016, un phasage d'exploitation et un dimensionnement des casiers tels que retenus dans son dossier de demande d'autorisation d'exploiter déposé le 28 septembre 2015 et exposés en pages 103 à 108 et 120 à 139 du dossier technique de son dossier de demande d'autorisation d'exploiter, de ne pas lui prescrire de démontrer, dès la phase de conception, que la configuration des ouvrages assure une stabilité sur le long terme également pour les parties internes des excavations afin de prévenir tout risque de glissement des futures barrières passives et actives, l'utilisation d'un quelconque moyen technique autre que le traitement biologique et l'évapo-concentration, s'agissant du traitement des lixiviats, la mise en place d'un quelconque système de drainage sous les casiers et de se conformer à l'article 13 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016, s'agissant des techniques de surveillance des eaux souterraines.

Par un jugement n° 2001325 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a, à l'article 1er, admis l'intervention du collectif Tavignanu Vivu, à l'article 2, annulé l'arrêté du 29 septembre 2020 en tant qu'il prescrit, aux articles 3.7.1, 10.1.1, 10.1.2.3, 10.1.2.4, 10.1.2.8, 10.1.2.9, 10.1.3.1, 10.1.8.1, 10.1.8.3, l'exploitation de casiers superposés, dotés de subdivisions, au chapitre 2.3., à l'article 10.1.1., une surface d'exploitation maximale de 3 500 m² par casier et la pose d'une couverture intermédiaire pour chaque subdivision et, à l'article 10.1.2.1., des analyses complémentaires lors de la phase de conception des casiers de stockage de déchets et, aux articles 1.2.3, 3.7.2, 5.2.7, 5.2.8, 5.2.10 et 10.1.2.6, la mise en place d'un système de drainage pour la surveillance des eaux souterraines, à l'article 3, prescrit à la société Oriente Environnement de respecter un délai de 5 ans entre la fermeture d'un casier de stockage de déchets et l'installation d'un casier superposé et hydrauliquement indépendant, à la condition que l'état de solidité et de stabilité du casier inférieur ait été soumis préalablement à un contrôle du risque de tassements différentiels par les services d'inspection relevant de la police des installations classées, à l'article 4, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Oriente Environnement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à l'article 5, rejeté le surplus des conclusions des parties et du collectif Tavignanu vivu.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 janvier et 11 mai 2023, sous le n° 23MA00152, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 novembre 2022.

Il soutient que :

- le tribunal a estimé à tort qu'une durée de cinq ans de consolidation des déchets situés dans le casier inférieur avant la pose du casier supérieur était de nature à prévenir le risque de tassement des casiers superposés ;

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de ses motifs en prescrivant à la société pétitionnaire de respecter ce délai de cinq ans à la condition que l'état de solidité et de stabilité du casier inférieur ait été soumis préalablement à un contrôle du risque de tassements différentiels ;

- le tribunal a estimé à tort que le préfet ne pouvait prescrire la pose d'une couverture intermédiaire, cette dernière étant expressément prévue par l'article 34 de l'arrêté du 15 février 2016 ;

- la pose de cette couverture intermédiaire est de nature à prévenir les inconvénients nés de l'installation pour les intérêts protégés au sens de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- il a commis une erreur de droit en jugeant que le préfet n'apportait aucune précision sur l'impact sanitaire de l'exploitation pour l'habitat environnant ou pour la circulation justifiant de fixer une superficie maximale d'exploitation de 3 500 m² ni sur le souci de limiter les infiltrations d'eau de manière à éviter le risque que les lixiviats se chargent en fibre d'amiante ;

- le tribunal a commis une erreur de droit concernant la prescription d'analyses complémentaires lors de la phase de conception des casiers ;

- il a estimé à tort que le préfet n'était pas fondé à prescrire un système de drainage.

Le collectif Tavignanu Vivu, représenté par Me Soleilhac, a présenté des observations enregistrées le 8 mars 2023 et demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 novembre 2022 et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Oriente Environnement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son intervention volontaire est recevable ;

- le tribunal a omis de se prononcer sur son moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête en ce qu'elle tend à l'annulation partielle d'une décision indivisible ;

- le jugement contesté comporte une incohérence entre les motifs de son point 9 et son article 3 ;

- le tribunal a méconnu l'étendue de ses pouvoirs de juge des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- il a porté atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison de l'absence de dérogation aux espèces protégées ;

- le tribunal a écarté à tort le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de la société Oriente Environnement à contester un acte favorable ;

- la requête de la société Oriente Environnement était irrecevable ;

s'agissant de la prescription relative à la pose d'une couverture intermédiaire pour chaque subdivision, le tribunal a méconnu les dispositions de l'arrêté du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux ;

s'agissant de la prescription relative à la limitation de la surface d'exploitation à 3 500 m² :

- le tribunal a violé le sens et la portée des dispositions de l'article 33 de l'arrêté du 15 février 2016 ;

- en réinterprétant les prescriptions de l'arrêté litigieux, il a dénaturé les faits et les pièces du dossier ;

s'agissant de la prescription relative à l'exploitation en casiers superposés :

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant qu'il n'existait plus aucun risque au-delà de la 5ème année ;

- il a commis une erreur de droit en ne retenant que l'étude réalisée par l'agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie et de la société Veolia réalisée en 2010 et qui ne prend en compte que les risques liés à la production du méthane ;

- les premiers juges se sont fondés sur des éléments factuels inexistants, trompeurs et inapplicables au cas d'espèce ;

s'agissant des prescriptions relatives à la réalisation d'analyses complémentaires lors de la phase de conception des casiers :

- le tribunal s'est fondé à tort sur les rapports M... afin d'écarter le risque lié à la stabilité des pentes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2023, la société Oriente Environnement, représentée par Me Vinolo, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;

2°) à titre subsidiaire, dans le cas où le jugement attaqué serait annulé, de fixer les prescriptions applicables aux installations et d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, de fixer les prescriptions applicables aux installations, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et du collectif Tavignanu Vivu la somme de 5 000 euros chacun, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 janvier, 6 et 8 décembre 2023, sous le n° 23MA00158, le collectif Tavignanu Vivu, représenté par Me Soleilhac, demande à la Cour :

1°) d'ordonner une visite sur les lieux du projet litigieux afin d'y faire les constatations et vérifications déterminantes pour la décision à intervenir, en application des dispositions de l'article R. 622-1 du code de justice administrative ;

2°) d'ordonner la tenue d'une séance orale d'instruction, en application des dispositions de l'article R. 625-1 du code de justice administrative ;

3°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 novembre 2022 ;

4°) de rejeter la demande de la société Oriente Environnement ;

5°) de mettre à la charge de la société Oriente Environnement la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de se prononcer sur son moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête en ce qu'elle tend à l'annulation partielle d'une décision indivisible ;

- le jugement contesté comporte une incohérence entre les motifs de son point 9 et son article 3 ;

- le tribunal a méconnu l'étendue de ses pouvoirs de juge des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- il a porté atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison de l'absence de dérogation aux espèces protégées ;

- le tribunal a écarté à tort le moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de la société Oriente Environnement à contester un acte favorable ;

- la requête de la société Oriente Environnement était irrecevable ;

s'agissant de la prescription relative à la pose d'une couverture intermédiaire pour chaque subdivision, le tribunal a méconnu les dispositions de l'arrêté du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux ;

s'agissant de la prescription relative à la limitation de la surface d'exploitation à 3 500 m² :

- le tribunal a violé le sens et la portée des dispositions de l'article 33 de l'arrêté du 15 février 2016 ;

- en réinterprétant les prescriptions de l'arrêté litigieux, il a dénaturé les faits et les pièces du dossier ;

s'agissant de la prescription relative à l'exploitation en casiers superposés :

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant qu'il n'existait plus aucun risque au-delà de la 5ème année ;

- il a commis une erreur de droit en ne retenant que l'étude réalisée par l'agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie et de la société Veolia réalisée en 2010 qui ne prend en compte que les risques liés à la production du méthane ;

- les premiers juges se sont fondés sur des éléments factuels inexistants et trompeurs et inapplicables au cas d'espèce ;

s'agissant des prescriptions relatives à la réalisation d'analyses complémentaires lors de la phase de conception des casiers :

- le tribunal s'est fondé à tort sur les rapports M... afin d'écarter le risque lié à la stabilité des pentes ;

- la réalité topographique et environnementale du projet rend nécessaire une visite sur les lieux afin d'appréhender les risques et conséquences que fait peser le projet sur l'environnement ;

- devant la complexité technique du dossier ainsi que sa sensibilité politique, il semble opportun de tenir une séance orale d'instruction.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 novembre, 7 et 8 décembre 2023, la société Oriente Environnement, représentée par Me Vinolo, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête du collectif Tavignanu Vivu ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 novembre 2022 ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, dans le cas où le jugement attaqué serait annulé, de fixer les prescriptions applicables aux installations et d'enjoindre au préfet de la Haute-Corse, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, de fixer les prescriptions applicables aux installations, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du collectif Tavignanu Vivu la somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- la requête du collectif Tavignanu Vivu est irrecevable ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La requête a été communiquée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui n'a pas produit de mémoire.

Une séance orale d'instruction a été tenue par la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille le 28 mars 2024, sur le fondement de l'article R. 625-1 du code de justice administrative, en présence de M O... E..., adjoint à la cheffe du bureau de la planification et de la gestion des déchets au sein de la direction générale des risques pour l'environnement, M. B... F..., chef du bureau des risques pour l'environnement de la direction des affaires juridiques du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, M. I... C..., chef de service des risques naturels et technologiques de la DREAL de Corse, de Me Thibault Soleilhac, avocat du collectif Tavignanu Vivu, accompagné de Mme P... A..., chercheur en géologie environnement, de Me Lucas Faure, avocat de la société Oriente Environnement, accompagné de M. Jean-Paul Villa, président de cette société, M. J... H..., de la société BETA Environnement, maitre d'œuvre du projet, et de M. L... G..., de la société 2N Environnement, assistant au maître d'ouvrage, ainsi que de M. K... D... et de M. N... M....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté ministériel du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de M. C..., représentant le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, de Me Soleilhac, représentant le collectif Tavignanu Vivu et de Me Faure représentant la société Oriente Environnement.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et du collectif Tavignanu Vivu sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. La société Oriente Environnement a déposé le 28 septembre 2015 un dossier de demande d'autorisation d'exploiter, d'une part, une installation de stockage de déchets non dangereux, d'autre part, une installation de stockage de mono-déchets de terres amiantifères, d'une capacité moyenne annuelle respective de 70 000 tonnes sur une période de trente ans et de 102 000 tonnes sur une période de treize ans, ainsi que des activités connexes, dont une activité de carrière, au lieudit " Finochietto " sur le territoire de la commune de Giuncaggio. Par un arrêté du 15 novembre 2016, le préfet de la Haute-Corse a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. Par un jugement du 3 octobre 2019, rendu à la requête de la société pétitionnaire, le tribunal administratif de Bastia a, par l'article 2, annulé cet arrêté du 15 novembre 2016, par l'article 3, autorisé la société Oriente Environnement à ouvrir et à exploiter l'installation projetée sur le territoire de la commune de Giuncaggio et, par l'article 4, enjoint au préfet de la Haute-Corse de déterminer les prescriptions techniques applicables à cette autorisation conformément aux dispositions du code de l'environnement dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt n° 19MA04628 du 3 juillet 2020 devenu définitif, la Cour a rejeté l'appel formé contre ce jugement. Par un arrêté du 29 septembre 2020, le préfet de la Haute-Corse a fixé les prescriptions complémentaires pour exploiter l'installation de stockage de déchets non dangereux et l'installation de stockage de déchets de terres amiantifères, ainsi que les activités connexes. La société Oriente Environnement a demandé au tribunal, à titre principal, d'annuler cet arrêté du 29 septembre 2020 et, à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il prescrit la réalisation d'un nouveau phasage d'exploitation de l'installation de stockage de déchets de terres amiantifères et de déchets non dangereux, l'exploitation de l'installation de stockage de déchets non dangereux au moyen d'une superposition de subdivisions, la réalisation d'une couverture intermédiaire des casiers dans un délai de 15 jours à l'aide d'un matériau inerte d'une perméabilité inférieure à 1.10-7 m/s, l'exploitation de casiers d'une surface limitée à 3 500 m² tant s'agissant des déchets ménagers que des terres amiantifères, l'utilisation d'un système de traitement membranaire des lixiviats, la réalisation d'un système de drainage sous casier, des installations de stockage de terres amiantifères et de déchets ménagers, la création de deux bassins de collecte des eaux provenant du drainage de ces installations de stockage et la démonstration, en phase de conception, de la stabilité sur le long terme des excavations pour prévenir tout risque de glissement des futures barrières passives et actives. Par un jugement du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a, à l'article 1er, admis l'intervention du collectif Tavignanu Vivu, à l'article 2, annulé l'arrêté du 29 septembre 2020 en tant qu'il prescrit, aux articles 3.7.1, 10.1.1, 10.1.2.3, 10.1.2.4, 10.1.2.8, 10.1.2.9, 10.1.3.1, 10.1.8.1 et 10.1.8.3, l'exploitation de casiers superposés, dotés de subdivisions, au chapitre 2.3., à l'article 10.1.1., une surface d'exploitation maximale de 3 500 m² par casier et la pose d'une couverture intermédiaire pour chaque subdivision et, à l'article 10.1.2.1., des analyses complémentaires lors de la phase de conception des casiers de stockage de déchets et, aux articles 1.2.3, 3.7.2, 5.2.7, 5.2.8, 5.2.10 et 10.1.2.6, la mise en place d'un système de drainage pour la surveillance des eaux souterraines, à l'article 3, prescrit à la société Oriente Environnement de respecter un délai de 5 ans entre la fermeture d'un casier de stockage de déchets et l'installation d'un casier superposé et hydrauliquement indépendant, à la condition que l'état de solidité et de stabilité du casier inférieur ait été soumis préalablement à un contrôle du risque de tassements différentiels par les services d'inspection relevant de la police des installations classées, à l'article 4, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Oriente Environnement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à l'article 5, rejeté le surplus des conclusions des parties et du collectif Tavignanu vivu. Ce dernier et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires doivent être regardés comme relevant appel des articles 2, 3, 4 et 5 de ce jugement du tribunal administratif de Bastia.

Sur la recevabilité de la requête n° 23MA00158 :

3. La personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours.

4. Il résulte des dispositions de l'article R. 832-1 du code de justice administrative que, pour former tierce opposition, une personne qui n'a été ni présente ni représentée à l'instance doit en principe justifier d'un droit lésé. Toutefois, afin de garantir le caractère effectif du droit au recours des tiers en matière d'environnement et eu égard aux effets sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement de la décision juridictionnelle délivrant une autorisation d'exploiter, cette voie est, dans la configuration particulière où le juge administratif des installations classées, après avoir annulé la décision préfectorale de refus, fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour délivrer lui-même l'autorisation, ouverte aux tiers qui justifieraient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation, dès lors qu'ils n'ont pas été présents ou régulièrement appelés dans l'instance.

5. En vue de garantir la sécurité juridique du bénéficiaire de l'autorisation, il est loisible au juge, lorsqu'il délivre une autorisation d'exploiter une installation classée, d'ordonner dans son jugement la mise en œuvre des mesures de publicité prévues par le I de l'article R. 512-39 du code de l'environnement. Le préfet peut également décider la mise en œuvre de ces mesures portant sur une autorisation délivrée par le juge administratif. Lorsque la publicité prescrite par le juge ou ordonnée par le préfet a été assurée, les tiers ne sont plus recevables à former tierce opposition au jugement après écoulement des délais prévus par les dispositions de l'article R. 514-3-1 du code de l'environnement.

6. Il résulte de l'instruction que le collectif Tavignanu Vivu a pour objet, selon ses statuts, notamment de " protéger, conserver et restaurer les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, la faune et la flore, la diversité et les équilibres fondamentaux écologiques, l'air, l'eau, les sols, les sites, les paysages et le cadre de vie (...) " et de lutter " contre tout projet dénaturant la vallée de Tavignanu tels que l'enfouissement ou le stockage de tout type de déchets (...) ". Cet objet lui aurait donné un intérêt suffisant pour intervenir dans l'instance par laquelle la société Oriente Environnement conteste l'arrêté préfectoral du 29 septembre 2020, fixant les prescriptions complémentaires pour exploiter une installation de stockage de déchets non dangereux, de déchets de terres amiantifères, ainsi que ses activités connexes. Dans ces conditions, le collectif Tavignanu Vivu dont l'intervention a été admise en première instance, aurait pu, à défaut d'intervention de sa part, former tierce opposition au jugement rendu afin de garantir le caractère effectif de son droit au recours en matière d'environnement. Dès lors, compte tenu des inconvénients que le projet d'installations est susceptible de présenter pour lui, le collectif Tavignanu Vivu justifie d'un intérêt à faire appel de ce jugement prononçant d'une part, l'annulation de l'arrêté préfectoral en tant qu'il prévoit certaines prescriptions et, d'autre part, fixe d'autres prescriptions. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Oriente Environnement doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'intérêt pour agir de la société Oriente Environnement et la recevabilité de sa demande tendant à l'annulation de certaines prescriptions de l'arrêté contesté :

7. Il résulte de la combinaison des articles L. 512-1 à L. 512-3 du code de l'environnement que l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement est indissociable des prescriptions qui l'accompagnent, l'installation projetée ne pouvant, en l'absence de ces prescriptions, fonctionner dans des conditions permettant le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 du même code. Toutefois, il ne résulte pas de ces dispositions que la société Oriente Environnement, exploitant des installations en litige, serait dépourvue d'intérêt à agir contre l'arrêté contesté dont l'objet est de fixer les prescriptions techniques pour l'exploitation de ses installations, lesquelles prescriptions lui imposent des sujétions particulières, notamment une technique d'exploitation en superposition de subdivisions alors qu'elle a proposé un autre système consistant à exploiter des casiers en mode bioréacteur hydrauliquement indépendants. Ainsi, cet arrêté ne constitue pas une décision qui lui est favorable alors même que la société Oriente Environnement aurait demandé l'autorisation d'exploiter ces installations. Par ailleurs, les prescriptions qu'il prévoit sont divisibles de l'autorisation environnementale délivrée par un jugement du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Bastia et partant susceptibles d'être contestées, d'autant que le juge de l'environnement peut, dans le cadre de son office et lorsqu'il annule ces prescriptions, en prévoir d'autres permettant à l'installation de fonctionner. Par suite, la société Oriente Environnement justifie d'un intérêt pour agir contre l'arrêté contesté et est recevable à demander l'annulation de certaines prescriptions techniques.

En ce qui concerne l'omission à statuer :

8. Au point 3 du jugement attaqué, le tribunal a estimé que s'il résultait de la combinaison des articles L. 512-1 à L. 512-3 du code de l'environnement que l'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement était indissociable des prescriptions qui l'accompagnent, l'installation projetée ne pouvant, en l'absence de ces prescriptions, fonctionner dans des conditions permettant le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 du même code et que néanmoins, il ne résulte pas de ces dispositions que l'exploitant ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté litigieux lui prescrivant des mesures prises en application de l'autorisation d'exploiter délivrée par le juge administratif, alors qu'au demeurant, il appartient au tribunal, le cas échéant, lorsqu'il annule ces prescriptions, de prescrire les mesures permettant à cette installation de fonctionner. Par suite, les premiers juges ont nécessairement répondu à la fin de non-recevoir soulevée par le collectif Tavignanu Vivu en première instance tirée de ce que la requête de la société Oriente Environnement est irrecevable en ce qu'elle tend à l'annulation partielle d'une décision indivisible dès lors que l'autorisation d'exploiter délivrée par le tribunal dans son jugement du 3 octobre 2019 et l'arrêté du 29 septembre 2020 fixant les prescriptions applicables au fonctionnement des installations forment un ensemble indissociable.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué :

9. Si le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, il n'assorti pas ce moyen de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne le moyen tiré de la contradiction entre les motifs et le dispositif du jugement attaqué :

10. L'article 10 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux dispose que : " Une extension de la zone exploitée au droit ou en appui sur des casiers existants ne peut être réalisée que sur un massif de déchets ne présentant pas de risque de tassements qui par leur amplitude peuvent affecter le bon fonctionnement des barrières de sécurité passive et active. L'exploitant en apporte la preuve. L'exploitant apporte également la preuve de la stabilité du casier construit au droit ou en appui sur des casiers existants. / Si les dispositifs d'étanchéité du casier existant ne sont pas conformes aux prescriptions du présent arrêté, une barrière de sécurité passive conforme à l'article 8 est mise en place sur le fond et les flancs des nouveaux casiers ".

11. En estimant, au point 9 du jugement contesté que le projet en cause ne portait pas sur l'extension d'installations de stockage de déchets existantes mais sur leur création et ne relevait dès lors pas des dispositions de l'article 10 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 et en prescrivant, à l'article 3 dudit jugement, à la société Oriente Environnement de respecter un délai de 5 ans entre la fermeture d'un casier de stockage de déchets et l'installation d'un casier superposé et hydrauliquement indépendant, à la condition que l'état de solidité et de stabilité du casier inférieur ait été soumis préalablement à un contrôle du risque de tassements différentiels par les services d'inspection relevant de la police des installations classées, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement de contradiction dès lors que le contrôle prescrit doit être réalisé par l'inspection des installations classées et non par l'exploitant tel que prévu par l'article 10 précité.

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu leur office :

12. Il résulte de l'article 3 du jugement attaqué que le tribunal a prescrit en remplacement d'une exploitation en casiers superposés dotés de subdivisions, l'installation d'un casier superposé et hydrauliquement indépendant, à la condition que l'état de solidité et de stabilité du casier inférieur ait été soumis préalablement à un contrôle du risque de tassements différentiels par les services d'inspection relevant de la police des installations classées. Par suite, le collectif Tavignanu Vivu n'est pas fondé à soutenir que le tribunal a annulé les articles imposant une exploitation en casiers superposés dotés de subdivisions, sans prévoir de solution de remplacement ou renvoyer à l'administration le soin d'y procéder.

13. Le tribunal a annulé, à l'article 2 du jugement attaqué, d'une part, la prescription prévue à l'article 10.1.1. concernant la pose d'une couverture intermédiaire pour chaque subdivision au motif qu'il ne résultait pas de l'article 55 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 ni d'aucune autre disposition qu'une couverture intermédiaire soit prescrite pour des casiers exploités en mode " bioréacteur " et, d'autre part, les prescriptions de l'arrêté contesté relative à la mise en œuvre d'un système de drainage sous casier pour la surveillance des eaux souterraines au motif qu'il constituait un moyen de surveillance supplémentaire des eaux souterraines non prévu par les dispositions de l'article 13 de l'arrêté du 15 février 2016. Ainsi et au regard de ces motifs, il n'avait pas à prescrire des solutions de remplacement aux dispositions annulées. Les circonstances que cette couverture intermédiaire et le drainage des eaux souterraines soient prévus, respectivement, par les articles 34 et 14 de l'arrêté du 15 février 2016 relève du bien-fondé du jugement attaqué et doivent être examinées dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

14. Le collectif Tavignanu Vivu soutient que l'arrêté contesté relevait bien à son chapitre 2.2 que le projet nécessite la délivrance d'une dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, ce chapitre relatif aux mesures spécifiques vis-à-vis des milieux, de la faune et de la flore mentionnant que " ces éléments seront repris dans un arrêté distinct pris au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ". Toutefois, le tribunal n'a pas méconnu son office en ne tirant pas les conséquences de l'absence de cette dérogation dans l'arrêté contesté laquelle est divisible du reste de l'autorisation environnementale et des prescriptions en litige et alors que cette dérogation devait être prise par un autre arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige :

15. Il appartient au juge des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation, et d'appliquer les règles de fond applicables au projet en cause en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

16. D'une part, aux termes de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : (...) / 2° Installations classées pour la protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 512-1 ; (...) ". L'article L. 181-3 du code précité dispose que : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement ainsi qu'à l'article L. 161-1 du code minier selon les cas. (...) ". Selon l'article L. 181-12 dudit code : " L'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. / Ces prescriptions portent, sans préjudice des dispositions de l'article L. 122-1-1, sur les mesures et moyens à mettre en œuvre lors de la réalisation du projet, au cours de son exploitation, au moment de sa cessation et après celle-ci, notamment les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l'environnement et la santé. (...) ". L'article L. 181-14 dudit code dispose que : " (...) L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ". Aux termes de l'article R. 181-54 du même code : " Le présent article s'applique aux projets relevant du 2° de l'article L. 181-1. / Les prescriptions mentionnées aux articles R. 181-43 et R. 181-45 ainsi qu'au présent article tiennent compte notamment, d'une part, de l'efficacité des meilleures techniques disponibles et de leur économie, et, d'autre part, de la qualité, de la vocation et de l'utilisation des milieux environnants ainsi que de la gestion équilibrée de la ressource en eau. / Pour les installations soumises à des règles techniques fixées par un arrêté ministériel pris en application de l'article L. 512-5, l'arrêté d'autorisation peut créer des modalités d'application particulières de ces règles. (...) ".

17. D'autre part, aux termes de l'article L. 512-5 du code de l'environnement : " Pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le ministre chargé des installations classées peut fixer par arrêté, après consultation des ministres intéressés et du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, les règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises aux dispositions de la présente section. Ces règles et prescriptions déterminent les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d'accident ou de pollution de toute nature susceptibles d'intervenir ainsi que les conditions d'insertion dans l'environnement de l'installation et de réhabilitation du site après arrêt de l'exploitation. (...) ".

En ce qui concerne la prescription d'une exploitation en superposition de subdivisions :

18. En vertu de l'article 1er de l'arrêté du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND), est considéré comme exploité en mode bioréacteur un casier dont la zone en cours d'exploitation est équipée d'un système de captage du biogaz, mis en place dès le début de la production de biogaz, et d'un système de recirculation des lixiviats. Le casier est équipé au plus tard six mois après la fin de sa période d'exploitation d'une couverture dont les modalités sont définies à l'article 55.

19. Il résulte de l'instruction que le projet de la société Oriente Environnement consiste à stocker et enfouir 29 casiers de déchets ménagers et assimilés en mode " bioréacteur ", hydrauliquement indépendants et superposés sur deux niveaux, ainsi que 4 casiers de terres amiantifères. Toutefois, l'arrêté contesté ne retient pas cette technique de casiers hydrauliquement indépendants au motif que le dossier de demande d'autorisation n'apporte pas la preuve de l'absence de risque de tassements dès lors que, en raison de la superposition d'un casier sur un autre, le casier situé au-dessus d'un casier existant est susceptible d'entraîner des contraintes géotechniques sur le casier inférieur, c'est-à-dire d'éventuelles nappes perchées constituées par l'écoulement des lixiviats ou des phénomènes de tassements très importants qui seraient concentrés à un endroit et exerceraient un poids important sur la géomembrane et sur la zone de jointage. Le préfet de la Haute-Corse a ainsi prescrit, à l'article 3.7.1. que " l'exploitation de chaque casier est réalisée sur 2 niveaux constitués d'une subdivision pour la partie inférieure, (...) et d'une subdivision pour la partie supérieure, (...) (soit 28 subdivisions au total), i étant le numéro du casier ".

S'agissant de l'application de l'article 10 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 :

20. L'article 10 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 dispose que : " Une extension de la zone exploitée au droit ou en appui sur des casiers existants ne peut être réalisée que sur un massif de déchets ne présentant pas de risque de tassements qui par leur amplitude peuvent affecter le bon fonctionnement des barrières de sécurité passive et active. L'exploitant en apporte la preuve. L'exploitant apporte également la preuve de la stabilité du casier construit au droit ou en appui sur des casiers existants. / Si les dispositifs d'étanchéité du casier existant ne sont pas conformes aux prescriptions du présent arrêté, une barrière de sécurité passive conforme à l'article 8 est mise en place sur le fond et les flancs des nouveaux casiers ".

21. Il résulte de l'instruction que si ces dispositions s'insèrent au chapitre II relatif aux " Exigences relatives à l'étanchéité, au drainage et à la stabilité " du titre II intitulé " conception et construction de l'installation " de l'arrêté du 15 février 2016, elles concernent la phase d'extension de la zone exploitée de l'installation. Or, le dossier technique du pétitionnaire prévoit une exploitation en phases successives. Le phasage conçu par l'exploitant, prévoit que le second niveau de casier ne commencera à être implanté sur le premier niveau de casiers qu'au bout de six années d'exploitation. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la preuve de l'absence de tassement ne peut être apportée avant l'exploitation. Par suite, la société Oriente Environnement doit, avant la mise en œuvre de cette phase d'extension, apporter la preuve, d'une part, de l'absence de risque de tassements qui par leur amplitude peuvent affecter le bon fonctionnement des barrières de sécurité passive et active et, d'autre part, de la stabilité du casier construit au droit ou en appui sur des casiers existants en application de l'article 10 précité de l'arrêté ministériel du 15 février 2016. Par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé que le projet en litige ne relevait pas de ces dispositions dès lors qu'il ne porte pas sur l'extension de l'installation de stockage de déchets existante mais sur sa création.

S'agissant de la preuve de l'absence de tassements différentiels :

22. Il résulte d'une étude établie, en décembre 2007, par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'Energie (ADEME) et la fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (FNADE) relatif à l'état des connaissances techniques et recommandations de mise en œuvre pour une gestion des installations de stockage de déchets non dangereux en mode bioréacteur que " le gain environnemental essentiel du procédé est obtenu par une limitation des risques à long terme grâce à une accélération de la dégradation des déchets et par la garantie d'une réduction notable des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et des odeurs. La mise en œuvre plus précoce d'un confinement plus performant (couverture plus étanche) permet en effet d'atteindre un taux de captage global supérieur à 90 % ". Cette étude relève également " l'optimisation de la capacité de stockage disponible suite à l'accélération des tassements ". Elle précise néanmoins que " en termes de géomécanique, le tassement et la stabilité des talus doivent être suivis. (...) " et que " une conséquence de l'optimisation de la dégradation se traduit par l'accélération des tassements des déchets ". Elle estime qu'une évaluation des tassements au niveau des zones critiques est indispensable. En outre, selon cette étude, la présence d'eau en quantité dans les massifs de déchets est fréquemment cause d'instabilité et ce risque potentiel peut être augmenté du fait de la recirculation.

23. En l'espèce, le rapport M... du 26 avril 2016 portant une analyse critique du volet géologique et hydrogéologique de l'étude d'impact du dossier de demande d'autorisation d'exploiter du projet d'ISDND sur la commune de Giuncaggio mentionne que le schéma de superposition des casiers hydrauliquement indépendants ne peut fonctionner que si les déchets des casiers inférieurs sont suffisamment consolidés lorsque les casiers supérieurs viendront s'y superposer, que cette exigence est essentielle afin que des tassements différentiels au niveau des casiers inférieurs ne soient à l'origine de contre-pentes au niveau de l'interface et qu'entre la fermeture d'un casier inférieur et le démarrage d'un casier immédiatement au-dessus, une durée minimale d'attente doit être précisée dans le dossier, l'exploitant devant décrire les contrôles qu'il compte mettre en place pour garantir la compacité des casés inférieurs. Ce rapport précise également que la réponse de la société Oriente Environnement proposant une durée minimale d'attente de six ans, ainsi que des contrôles topographiques et de la biodégradation du casier inférieur, présente une pertinence partielle compte tenu du faible niveau des pentes d'écoulement donnée à la barrière active, une mesure directe de la consolidation du casier inférieur étant plus adaptée et qu'il faut s'inspirer du projet " guide de recommandations pour les conceptions des casiers d'ISDND en appui sur des casiers anciens " en cours de finalisation.

24. La société Oriente Environnement fait valoir qu'elle a pris en compte ce phénomène de tassement des déchets dans le dossier technique du projet en prévoyant que les fonds de tranchée devant permettre la récolte des lixiviats seront réalisés de façon à éviter tout tassement différentiel du sol dans le temps, que le relevé de tassement permettra de constater la présence de tassement différentiel ainsi que les relevés topographiques. En outre, elle attendra six ans après la fermeture d'un casier avant d'y superposer un nouveau casier aux fins d'être certaine que les déchets ne soient plus en phase de dégradation, et que, par conséquent, le phénomène des tassements différentiels soit arrêté. Elle produit une note du bureau d'étude " 2N Environnement " du 21 décembre 2020 relevant l'impossibilité, avant l'exploitation d'un casier, de prédire les tassements différentiels, la seule solution parfaitement fiable pour déterminer l'existence de ces tassements ne pouvant être mise en œuvre qu'en phase post-exploitation, après que le casier a reçu sa couverture finale. Selon cette note, la solution choisie par le préfet est aujourd'hui largement dépassée techniquement alors que le projet présenté par la société Oriente Environnement a bien pour objectif d'exploiter des casiers étanches hydrauliquement indépendants, selon la technique la plus récente et la plus aboutie en la matière, ce qui renforce la stabilité et la sécurité des ouvrages et permet d'arriver à une biodégradation et une stabilité des déchets de l'ordre d'un an. Cette note ajoute que le choix du préfet de retirer la couverture intermédiaire va avoir des conséquences dangereuses de formation de nappes dites " perchées " pouvant entraîner des instabilités du massif de déchets, d'où la nécessité que les casiers soient hydrauliquement indépendants. Si le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait état du cas de la décharge de Saint-Antoine située à Ajaccio où il a été constaté l'apparition de tassements sept ans plus tard, il ne démontre pas que cette installation serait exploitée en mode bioréacteur, sa technique d'exploitation n'étant pas davantage expliquée par le rapport de 2014 portant sur la réhabilitation de cette décharge. Il ne résulte pas des échanges intervenus lors de la séance orale d'instruction que la technique de subdivision préconisée par le préfet de la Haute-Corse permettrait d'éviter les phénomènes de nappes perchées et de tassements différentiels et présenterait de meilleures garanties de prévention du risque de pollution que la technique d'exploitation en casiers non dotés de subdivision envisagée par l'exploitant. Par suite, le tribunal a estimé à juste titre que le préfet de la Haute-Corse a commis une erreur d'appréciation en prescrivant aux articles 3.7.1, 10.1.1, 10.1.2.3, 10.1.2.4, 10.1.2.8, 10.1.2.9, 10.1.3.1, 10.1.8.1 et 10.1.8.3 de l'arrêté litigieux, l'exploitation de casiers superposés, dotés de subdivisions.

En ce qui concerne la prescription d'analyses complémentaires lors de la phase de conception des casiers :

25. Selon le chapitre 2.3 de l'arrêté litigieux : " Les matériaux utilisés pour la réalisation des ouvrages (digue principale, digues inter casiers) mais également les matériaux naturellement présents et garantissant la stabilité des casiers (en particulier les Talus Nord et Ouest pour les DMA et Nord pour les TA) font l'objet au préalable d'une caractérisation permettant de vérifier le poids spécifique du matériau en fonction de la teneur en eau ainsi que la cohésion c, et l'angle de frottement interne f selon les normes en vigueur. Les éléments relatifs à l'aménagement général des casiers sont précisés à l'article 10.1.2. ". Ce dernier article prévoit que : " (...) L'ensemble des modélisations obtenues à partir des analyses réalisées en application du chapitre 2.3 et du présent article devront ainsi démontrer des marges de sécurité suffisantes (coefficient de sécurité global supérieur ou égal à la valeur de 1,5 en glissement selon la méthodologie de Bishop) sur le long terme avant la réception des déchets quelle que soit la zone pour les DMA ou les TA (digue périphérique, milieu naturel, digues inter casiers), le profil le plus défavorable devant être inclus dans les modélisations. Pour les flancs internes et uniquement pour la phase de terrassement et remplissage, un coefficient de sécurité global minimal de 1,3 est acceptable sous réserve de la démonstration d'un coefficient de sécurité global minimal de 1,5 à l'issue du remplissage des casiers (...) ".

26. Il résulte de l'instruction que le rapport M... du 27 novembre 2019 concernant les investigations à mener pour évaluer la stabilité des ouvrages et la faisabilité d'un phasage des travaux a relevé des incertitudes qu'il convenait de lever concernant l'importance de la schistosité au sein du talus nord constitué dans les alluvions et dans les schistes. Ce rapport estime que si l'on veut réduire au maximum les incertitudes avant de procéder aux terrassements, il convient de connaître davantage la variabilité lithologique latérale de ce talus nord pour orienter et préciser les calculs de stabilité et préconise de réaliser une série d'investigations complémentaires à l'aune desquelles, il sera procédé à une étude de stabilité du talus nord. En fonction des coefficients de sécurité retenus, il sera établi des recommandations relatives à la hauteur et aux pentes des talus, à la largeur des banquettes retenues, et aux contraintes de terrassement, de renforcement si nécessaire, et de gestion des eaux associées au regard des critères de sécurité. Pour la faisabilité du phasage, l'INERIS a considéré qu'il était techniquement possible de proposer un premier phasage, permettant de laisser le temps à l'exploitant de mieux caractériser le talus nord, nord-ouest au moyen des investigations et études évoquées auparavant. Par ailleurs, si le collectif soutient que la société Oriente Environnement suivie par l'INERIS a sous-estimé, et même occulté le risque de glissements de terrain de la zone du projet, il résulte d'un rapport du BRGM du 29 novembre 2019 relatif à un avis technique sur l'étude de stabilité du projet en litige sollicité par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) que les résultats des calculs sont globalement pertinents, et que la stabilité en grand du massif de déchets pour un glissement vers l'extérieur (vers le Tavignano) semble effectivement acquise. Il en va de même de la stabilité à court terme pour ce qui est d'un glissement vers l'intérieur du talus est. Toutefois, le BRGM relève que pour le talus nord, nord-ouest, il semble nécessaire de lever de manière définitive les incertitudes quant aux valeurs de cisaillement des schistes lustrés, ainsi qu'à la présence éventuelle de niveaux d'eau dans ces matériaux. Le BRGM ajoute qu'il rejoint donc l'INERIS dans l'intégralité de ses conclusions et recommandations notamment pour ce qui concerne les investigations complémentaires à réaliser, notamment une étude de stabilité du talus nord, nord-ouest et les ouvrages de suivi à implanter. Dès lors, compte tenu des incertitudes relevées par les deux avis précités M... et du BRGM, il est nécessaire de prescrire des analyses complémentaires concernant la stabilité du talus nord, nord-ouest. Toutefois, le préfet de la Haute-Corse a commis une erreur d'appréciation en prescrivant des analyses complémentaires lors de la phase de conception des casiers.

En ce qui concerne le phasage et le délai d'attente :

27. Pour valider un délai d'attente de 5 ans, le tribunal a pris en compte une étude du comportement des déchets après 5 à 8 ans d'enfouissement en pilotes semi-industriel dite programme ELIA, réalisée le 19 octobre 2010 conjointement par l'ADEME et la société Veolia, selon laquelle les risques liés à la production de méthane par une exploitation réalisée en mode " bioréacteur ", disparaissent dans un délai de 5 ans. Toutefois, cette étude n'est pas suffisante pour déterminer ce délai d'attente dès lors que d'après le guide méthodologique pour le suivi des tassements des centres de stockage de classe II (déchets ménagers et assimilés) de l'ADEME et la fiche n° 08 de l'étude ELIA précitée, les phénomènes de tassement résultent à la fois d'actions mécaniques, biochimiques, physico-chimiques et de phénomènes de percolation. Cette fiche montre également que le phénomène de tassement inter-casier est un peu au-dessus de 35 % au bout de 70 mois (5,8 ans) pour le mode bioréacteur. Par ailleurs, la société Oriente Environnement a proposé une durée minimale d'attente de six ans, avant l'exploitation du second niveau de casiers. S'il convient ainsi de retenir ce phasage de six ans, il y a lieu en revanche, compte tenu des incertitudes liées à la présence ou non de tassements différentiels relevées aux points 22 à 24 et aux incertitudes relevées au point 26 concernant la stabilité à long terme du talus nord, nord-ouest, de conditionner la mise en œuvre de la phase de superposition de casiers supplémentaires, à la réalisation, d'une part, d'une étude permettant d'apporter la preuve de l'absence de risque de tassements qui par leur amplitude peuvent affecter le bon fonctionnement des barrières de sécurité passive et active, conformément aux dispositions de l'article 10 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 et d'autre part, à des investigations évaluant la stabilité du talus nord, nord-ouest telles que mentionnées au point 26, lesquelles études seront contrôlées par l'inspection des installations classées.

En ce qui concerne la prescription d'une couverture intermédiaire :

28. Aux termes de l'article 34 de l'arrêté du 15 février 2016 : " Tout casier est muni dès la fin de sa période d'exploitation d'une couverture intermédiaire dont l'objectif est la limitation des infiltrations d'eaux pluviales et la limitation des émissions gazeuses. A l'exception du cas des casiers exploités en mode bioréacteur, cette couverture est constituée d'une couverture minérale d'épaisseur de 0,5 mètre constituée de matériaux inertes d'une perméabilité inférieure à 1.10-7 m/s. A l'exception du cas des casiers exploités en mode bioréacteur, la couverture intermédiaire est mise sur tout casier n avant la mise en exploitation du casier n + 2. A l'exception du cas des casiers exploités en mode bioréacteur, cette couverture peut constituer la couche d'étanchéité mentionnée à l'article 35 ". Aux termes de l'article 55 de l'arrêté précité : Tout casier exploité en mode bioréacteur est équipé d'une couverture intermédiaire d'une épaisseur minimale de 0,5 mètre et d'une perméabilité inférieure à 5.10-9 m/s au plus tard six mois après la fin d'exploitation de la zone exploitée en mode bioréacteur. Dans le cas des casiers exploités en mode bioréacteur, cette couverture peut constituer la couche d'étanchéité mentionnée à l'article 35 ".

29. Il résulte de ces dispositions que la pose d'une couverture intermédiaire prévue par l'article 34 de l'arrêté du 15 février 2016 ne s'applique pas aux casiers exploités en mode bioréacteur tels que prévus par le projet d'installation de la société Oriente Environnement. Par suite, le tribunal a estimé à bon droit que le préfet de la Haute-Corse avait commis une erreur de droit en prescrivant à l'article 10.1.1 de l'arrêté contesté la pose d'une telle couverture intermédiaire minérale d'épaisseur de 1 mètre au minimum, constituée de matériaux inertes d'une perméabilité inférieure à 1.10-7 m/s, à la fin de l'exploitation d'une subdivision, dans un délai de 15 jours. En revanche, il résulte des dispositions de l'article 55 du même arrêté que les casiers en mode bioréacteur doivent être équipés de la couverture intermédiaire mentionnée à l'article 55 du même arrêté. Par suite, il y a lieu de prescrire la pose de cette couverture.

En ce qui concerne la prescription d'un système de drainage sous casiers :

30. L'article 13 de l'arrêté du 15 février 2016 dispose que : " La surveillance des eaux souterraines est opérée au moyen d'un réseau de piézomètres implantés en périphérie de l'installation. (...)". Aux termes de l'article 14 de cet arrêté : " " I. - Afin d'éviter le ruissellement des eaux extérieures au site sur le site lui-même, un fossé extérieur de collecte est implanté sur toute la périphérie de l'installation à l'intérieur de celle-ci, sauf si la topographie du site permet de s'en affranchir. (...) / Un second fossé de collecte est implanté sur toute la périphérie de la zone à exploiter pour recueillir les eaux de ruissellement internes susceptibles d'être polluées, ce fossé ne porte pas atteinte à l'intégrité de la tranchée d'ancrage de la géomembrane. (...)". Aux termes de l'article R. 181-43 du code de l'environnement : " L'arrêté d'autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4. (...) / Il comporte également : (...) / 3° Les moyens d'analyses et de mesures nécessaires au contrôle du projet et à la surveillance de ses effets sur l'environnement, ainsi que les conditions dans lesquelles les résultats de ces analyses et mesures sont portés à la connaissance de l'inspection de l'environnement et, le cas échéant, de la police des mines ; (...) ".

31. Il résulte de l'arrêté contesté que le préfet a prescrit la mise en œuvre d'un système de drainage sous casiers qui constitue un moyen de surveillance complémentaire des eaux souterraines, aux articles 1.2.3, 3.7.2, 5.2.7, 5.2.10 et 10.1.2.6. Selon le rapport de la DREAL de Corse du 2 août 2016, ce réseau de drainage sous casiers permet d'éviter toute sollicitation des barrières d'étanchéité des casiers afin d'assurer à long terme la prévention de la pollution des sols, des eaux souterraines et de surface par les déchets et les lixiviats. Si ce mode de surveillance des eaux souterraines n'est pas prévu par les dispositions de l'article 13 de l'arrêté du 15 février 2016 lequel se borne à prévoir un réseau de piézomètres implantés en périphérie de l'installation, le préfet de la Haute-Corse pouvait, en application de l'article R. 181-43 du code de l'environnement, fixer des prescriptions complémentaires visant au contrôle et à la surveillance des effets du projet sur l'environnement. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires justifie l'existence de ce dispositif de drainage sous casier du fait de risque d'écoulement des eaux météorites sur la façade nord pour ensuite circuler sous le massif de déchets. Si, la société Oriente Environnement fait valoir que les deux fossés de collecte des eaux de ruissellement extérieures et internes prévus conformément par les dispositions de l'article 14 de l'arrêté du 15 février 2016 permettront de gérer les venues d'eau de pluie, le préfet de la Haute-Corse a invoqué la nécessité d'évacuer les éventuelles eaux d'écoulement sous les casiers et d'apporter une garantie supplémentaire sur l'absence de sollicitation de la barrière passive des casiers, ces réseaux permettant d'avoir un autre point de contrôle de l'intégralité de cette dernière. Par ailleurs, l'étude M... du 27 novembre 2019, relève que le talus nord est constitué dans les alluvions et les schistes lustrés et l'autre étude du 26 avril 2016 mentionne que certaines venues d'eau pourraient être liées à des circulations au sein du massif s'étendant plus au nord du fait de la présence des schistes lustrés. Par suite, c'est à tort que tribunal a annulé aux articles 1.2.3, 3.7.2, 5.2.7, 5.2.8, 5.2.10 et 10.1.2.6 de l'arrêté contesté la mise en place d'un système de drainage sous casiers pour la surveillance des eaux souterraines. Par ailleurs, il ne résulte pas de la séance orale d'instruction que cette prescription soulèverait des difficultés sérieuses d'ordre matériel et économique.

En ce qui concerne la superficie de la zone en cours d'exploitation :

32. L'article 33 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 dispose que : " I. Afin de limiter les entrées d'eaux pluviales au sein du massif de déchets et les éventuelles émissions gazeuses, la superficie de la zone en cours d'exploitation est inférieure ou égale à 7 000 m². Cette superficie peut être adaptée par arrêté préfectoral notamment pour des motifs de sécurité de la circulation en sécurité ".

33. Il résulte de l'arrêté contesté que le préfet de la Haute-Corse a prescrit à l'article 10.1.1 que " Pour faciliter les contrôles au déchargement et limiter les odeurs, les envols et la prolifération des oiseaux, les déchets seront déchargés d'une hauteur réduite au maximum et mis en place sur une zone d'exploitation dont la surface sera au maximum de 3 500 m² ". Les dispositions précitées de l'article 33 de l'arrêté du 15 février 2016 permettaient au préfet de limiter la zone d'exploitation à une surface inférieure ou égale à 7 000 m² pour des motifs tenant à la limitation des odeurs, des envols et la prolifération des oiseaux, sans qu'il ait à justifier uniquement de motifs de sécurité de la circulation en sécurité dès lors que cet article 33 mentionne le terme " notamment ", d'autant que selon l'étude intitulée " programme ELIA " réalisée le 19 octobre 2010, l'intensité olfactive du gaz extrait des déchets frais varie entre 11 000 pour un casier conventionnel et 16 000 UO.Nm-3 pour un casier bioréacteur. La société Oriente Environnement fait valoir que diminuer la surface d'exploitation des casiers réduira d'autant le tonnage de déchets accueilli expressément autorisé par le tribunal. Toutefois, si par un jugement n° 1700043 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Bastia a autorisé la société Oriente Environnement à ouvrir et à exploiter l'installation projetée, il a néanmoins enjoint au préfet de la Haute-Corse de déterminer les prescriptions techniques applicables à cette autorisation conformément aux dispositions du code de l'environnement. Par suite, le préfet de la Haute-Corse a pu légalement prescrire une surface d'exploitation de 3 500 m² sur laquelle les parties ont exprimé un accord lors de la séance orale d'instruction du 28 mars 2024.

En ce qui concerne l'absence de dérogation prévue par les dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement et la violation de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

34. L'article L. 411-2 du code de l'environnement permet d'accorder, selon les conditions qu'il précise, des dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du même code, lesquelles portent notamment sur la destruction et la perturbation intentionnelle des espèces animales protégées, la destruction de végétaux protégés ainsi que la destruction, l'altération ou la dégradation de leurs habitats naturels ou d'espèces. Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

35. Il résulte de l'instruction que le chapitre 2.2 de l'arrêté contesté relatif aux mesures spécifiques vis-à-vis des milieux, de la faune et de la flore mentionne que " ces éléments seront repris dans un arrêté distinct pris au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Toutefois, en complément, afin de réduire les impacts dommageables pour l'environnement naturel dans la zone d'emprise du projet sont prises les mesures suivantes (...) ". Ainsi, la dérogation prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement devait en l'espèce être prise par un autre arrêté. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le préfet de la Haute-Corse a refusé de délivrer cette dérogation par un arrêté du 29 novembre 2023 lequel fait l'objet actuellement d'un recours devant le tribunal administratif de Bastia. Par suite, dans ces circonstances, le collectif Tavignanu Vivu ne peut utilement soutenir, que l'arrêté en litige, devait comporter la dérogation précitée et méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Sur les conséquences de l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2020 et les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

36. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d'une installation classée, la décision d'autorisation ainsi rendue présente le caractère d'une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l'autorité de chose jugée.

37. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 22 à 24, il y a lieu d'autoriser la société Oriente Environnement à exploiter, notamment, des casiers hydrauliquement indépendants, en mode bioréacteur.

38. En deuxième lieu, il résulte du point 27 que l'exploitation du second niveau de casiers ne pourra être effectuée qu'aux termes d'un délai minimal d'attente de six ans. Compte tenu des incertitudes liées à la présence ou non de tassements différentiels relevées aux points 22 à 24 et aux incertitudes mises en évidence au point 26 concernant la stabilité du talus nord, nord-ouest, il y a lieu de conditionner la mise en œuvre de la phase de superposition de casiers supplémentaires à la réalisation dans le délai d'attente de six ans, d'une part, d'une étude permettant d'apporter la preuve de l'absence de risque de tassements qui par leur amplitude peuvent affecter le bon fonctionnement des barrières de sécurité passive et active, conformément aux dispositions de l'article 10 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 et d'autre part, des investigations à mener pour évaluer la stabilité du talus nord, nord-ouest, telles que mentionnées au point 26, lesquelles études et investigations seront contrôlées par l'inspection des installations classées.

39. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 29 qu'il y a lieu de prescrire la pose d'une couverture intermédiaire pour les casiers exploités en mode bioréacteur, prévue par les dispositions de l'article 55 de l'arrêté du 15 février 2016.

40. En quatrième lieu, s'agissant des casiers destinés aux déchets ménagers et assimilés, la surface d'exploitation est fixée à 3 500 m² comme dit au point 33.

41. En cinquième lieu, il résulte du point 31 que les prescriptions prévues par l'arrêté du 29 septembre 2020 relatives au réseau de drainage sous casier sont remises en vigueur par le présent arrêt.

42. En dernier lieu, il appartiendra au préfet de la Haute-Corse, s'il y a lieu, de prendre des prescriptions complémentaires nécessaires au bon fonctionnement des installations conformément à ce qui vient d'être dit.

43. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte comme demandée par la société Oriente Environnement, ni d'ordonner une visite des lieux demandée par le collectif Tavignanu Vivu sur le fondement de l'article R. 622-1 du code de justice administrative laquelle n'est pas utile à la résolution du présent litige.

44. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le collectif Tavignanu Vivu sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort qu'aux articles 2 et 3 du jugement du 18 novembre 2022, le tribunal a annulé, à l'article 10.1.1 de l'arrêté du 29 septembre 2020, une surface d'exploitation maximale de 3 500 m² par casier, aux articles 1.2.3, 3.7.2, 5.2.7, 5.2.8, 5.2.10 et 10.1.2.6, la mise en place d'un système de drainage pour la surveillance des eaux souterraines et prescrit à la société Oriente Environnement de respecter un délai de 5 ans entre la fermeture d'un casier de stockage de déchets et l'installation d'un casier superposé.

Sur les frais liés au litige :

45. Le collectif Tavignanu Vivu, en sa qualité d'observateur, n'étant pas partie à l'instance n° 23MA00152, il ne peut être fait droit à ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Oriente Environnement présentées sur le fondement de ces dispositions.

46. S'agissant de l'instance n° 23MA00158, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du collectif Tavignanu Vivu et de la société Oriente Environnement présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 novembre 2022 sont annulés en tant qu'ils ont, à l'article 2, annulé à l'article 10.1.1 de l'arrêté du 29 septembre 2020 une surface d'exploitation maximale de 3 500 m² par casier, aux articles 1.2.3, 3.7.2, 5.2.7, 5.2.8, 5.2.10 et 10.1.2.6, la mise en place d'un système de drainage pour la surveillance des eaux souterraines et, à l'article 3, prescrit à la société Oriente Environnement de respecter un délai de 5 ans entre la fermeture d'un casier de stockage de déchets et l'installation d'un casier superposé et hydrauliquement indépendant.

Article 2 : La société Oriente Environnement est autorisée à exploiter, notamment, des casiers hydrauliquement indépendants, en mode bioréacteur. L'exploitation du second niveau de casiers ne pourra être effectuée qu'aux termes d'un délai minimal d'attente de six ans et sous réserve que les incertitudes liées à la présence ou non de tassements différentiels et celles concernant la stabilité à long terme du talus nord, nord-ouest, soient levées par la réalisation, pendant ce délai, d'une étude permettant d'apporter la preuve de l'absence de risque de tassements qui par leur amplitude peuvent affecter le bon fonctionnement des barrières de sécurité passive et active conformément aux dispositions de l'article 10 de l'arrêté ministériel du 15 février 2016 et d'investigations complémentaires évaluant la stabilité du talus nord, nord-ouest, lesquelles études et investigations seront contrôlées par l'inspection des installations classées. Il est, en outre, prescrit la pose d'une couverture intermédiaire pour les casiers exploités en mode bioréacteur, prévue par les dispositions de l'article 55 de l'arrêté du 15 février 2016. Enfin, les prescriptions prévues par l'arrêté du 29 septembre 2020 relatives au réseau de drainage sous casiers et à la superficie d'exploitation maximale de 3 500 m² sont remises en vigueur.

Article 3 : Il appartiendra au préfet de la Haute-Corse de prendre les prescriptions complémentaires nécessaires au bon fonctionnement des installations conformément à ce qui a été dit à l'article 2, dans les conditions prévues aux article 36 à 41 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au collectif Tavignanu Vivu, à la société Oriente Environnement et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 16 avril 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 mai 2024.

2

N° 23MA00152, 23MA00158

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00152
Date de la décision : 06/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Actes affectant le régime juridique des installations - Première mise en service.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique - Pouvoirs du préfet.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : HELIOS AVOCATS;HELIOS AVOCATS;HELIOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-06;23ma00152 ?
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