Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022, par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2207721 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Atger, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler le temps du réexamen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- la décision lui refusant l'admission au séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- il apporte la preuve de son identité par la production d'un jugement supplétif du tribunal de première instance de Kankan du 5 mai 2020 ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article L. 435-1 du même code et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- en fixant à deux ans la durée de l'interdiction, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité guinéenne, déclare être entré en France le 1er août 2013. Le 23 novembre 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 1er juillet 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par le jugement du 30 décembre 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. La décision de refus de titre de séjour contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. En critiquant les motifs opposés par le préfet des Bouches-du-Rhône concernant ses attaches dans son pays d'origine et l'insuffisance de son insertion en France, l'appelant remet en cause non pas la régularité formelle de la décision lui refusant son admission au séjour mais son bien-fondé. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, ni de l'ensemble des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A....
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en 2013 et a conclu avec le département du Var un contrat de soutien en qualité de jeune majeur le 17 mai 2014. Le département du Var a, toutefois, mis un terme à ce contrat le 21 octobre 2015 en raison de la suspicion de fraude qui pesait sur les documents d'identité qu'il avait produits. Il est, du reste, constant qu'il a été condamné, le 22 novembre 2017, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour escroquerie au préjudice d'une personne publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public pour l'obtention d'une allocation, d'une prestation, d'un paiement ou d'un avantage indu. Le requérant soutient, toutefois, que si les documents d'identité qu'il a présentés à son arrivée en France étaient frauduleux, il était néanmoins effectivement mineur, ainsi que l'atteste, selon lui, le jugement supplétif du tribunal de première instance de Kankan du 5 mai 2020 qu'il produit, lequel mentionne qu'il est né le 17 mai 1996. A supposer même qu'il puisse être tenu établi, en dépit de la condamnation dont il a fait l'objet, que l'intéressé est arrivé en France à l'âge de dix-sept ans et s'y maintienne continûment depuis, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, à elle seule, établir la réalité, l'intensité et la stabilité des liens personnels et familiaux qui l'attachent au territoire français, étant précisé que si le requérant soutient que ses parents sont décédés, il ne conteste pas avoir d'autres membres de sa famille en Guinée et notamment un oncle et une tante. Le requérant se prévaut essentiellement, outre de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle mention " agent polyvalent de restauration " en 2015, de la carrière sportive qu'il a menée, depuis 2013, dans des clubs de football évoluant dans les championnats de régional 1 ou 2 voire de national 3 et du soutien que lui ont témoigné plusieurs agents pour tenter de lui faire conclure un contrat de joueur professionnel. Toutefois, si son engagement auprès de treize clubs de football en neuf ans est établi par les pièces du dossier, la diversité même de ces clubs, sur laquelle il ne fournit aucune explication, jette un doute sur la réalité de son insertion d'autant que les attestations qu'il produit, y compris des personnes qui déclarent l'héberger " régulièrement ", se bornent, pour l'essentiel, à témoigner de relations sportives. Par ailleurs, ses espoirs professionnels apparaissent, aux termes de ces attestations, très hypothétiques. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été édictée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son refus sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Ces dispositions laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 et quand bien même le requérant se prévaut de diverses promesses d'embauche pour des emplois de livreur, d'ouvrier poseur en menuiserie ou d'employé polyvalent de restauration, le préfet des Bouches-du-Rhône ne peut davantage être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation, en refusant de régulariser la situation de M. A... sur le fondement de ces dispositions.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... ne justifiant ni de liens personnels ou familiaux en France ni d'une insertion sociale ou professionnelle significative, il n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet aurait porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
11. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
12. En premier lieu, pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français et fixer à deux années sa durée, le préfet des Bouches-du-Rhône a apprécié la nature et l'ancienneté de ses liens en France et s'est notamment fondé sur l'absence d'insertion socio-professionnelle notable de M. A... depuis son entrée en France en 2013 ainsi que sur l'absence d'attaches familiales en France. Il s'est également fondé sur le fait que l'intéressé a fait l'objet de plusieurs obligations de quitter le territoire en 2015 et en 2019 et enfin, sur le fait qu'il a été condamné à une peine de six mois de prison avec sursis par la cour d'appel d'Aix-en Provence pour des faits d'escroquerie faite au préjudice d'une personne publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public pour l'obtention d'une allocation, d'une prestation, d'un paiement ou d'un avantage indu. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône ne se serait pas livré à un examen réel et sérieux de la situation de M. A....
13. En second lieu, quand bien même M. A... a vécu neuf ans en France et que sa présence ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années, alors notamment qu'il ne justifie pas d'attaches familiales qui lui donneraient vocation à y revenir.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. A... dirigées contre l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Atger.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 avril 2024, où siégeaient :
- Mme Laurence Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Renaud Thielé, président assesseur,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 avril 2024.
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No 23MA01091