La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/04/2024 | FRANCE | N°23MA01178

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 26 avril 2024, 23MA01178


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre exécutoire émis le 5 décembre 2019 par la directrice du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres en vue du recouvrement de la somme de 23 370 euros, ensemble la décision du 11 février 2020 de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2004563 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Procéd

ure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, sous le n° 23MA01178, M. A..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre exécutoire émis le 5 décembre 2019 par la directrice du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres en vue du recouvrement de la somme de 23 370 euros, ensemble la décision du 11 février 2020 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2004563 du 14 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, sous le n° 23MA01178, M. A..., représenté par Me Toumi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 mars 2023 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis le 5 décembre 2019 et la décision du 11 février 2020 ;

3°) de mettre à la charge du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a méconnu sa compétence ;

- le titre exécutoire contesté n'indique pas les bases de la liquidation ;

- le montant de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres est assujetti n'y figure pas ;

- le titre exécutoire en litige est illégal du fait qu'il recouvre une créance déjà fixée par une décision de justice devenue définitive ;

- le bien-fondé de la créance n'est pas établi dès lors qu'il a réalisé d'importants travaux sur le domaine de Taxil qui ont été jugés par le tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon comme constituant une contrepartie démontrant le caractère onéreux de son occupation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, représenté par Me Briec, conclut au rejet de la requête de M. A... et demande à la Cour :

1°) par la voie de l'appel incident, de condamner M. A... à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices économiques et moraux résultant du recours abusif exercé à l'encontre du titre ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le présent recours présente un caractère dilatoire ;

- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 27 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des impôts ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public ;

- et les observations de Me Toumi, représentant M. A..., et de Me Radi, représentant le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exploite, depuis 1995, une fraction d'environ 71 hectares des parcelles d'une surface de 160 hectares du domaine dit C... ", sur le territoire de la commune des Saintes-Maries-de-la-Mer. Le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a émis à son encontre, le 5 décembre 2019, un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme de 23 370 euros au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2019. M. A... a formé contre ce titre un recours gracieux le 31 janvier 2020 qui a été rejeté par une décision du 11 février 2020. M. A... relève appel du jugement du 14 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 322-9 du code de l'environnement : " Le domaine relevant du Conservatoire de l'espace littoral et des espaces lacustres comprend les biens immobiliers acquis ainsi que ceux qui lui sont affectés, attribués, confiés ou remis en gestion par l'Etat. Le domaine propre du conservatoire est constitué des terrains dont il est devenu propriétaire et qu'il décide de conserver afin d'assurer sa mission (...) Le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l'exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre. Dans la limite de la vocation et de la fragilité de chaque espace, ce domaine est ouvert au public (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 322-7 du même code : " Le conseil d'administration du conservatoire classe dans son domaine propre, mentionné à l'article L. 322-9, les biens immobiliers qui lui appartiennent lorsqu'ils constituent un ensemble permettant l'établissement d'un plan de gestion conformément à l'article R. 322-13. Il procède dans les meilleurs délais à la cession des immeubles qui n'ont pas vocation à être classés dans son domaine propre ". Selon le II de l'article R. 322-26 dudit code, le conseil d'administration : " (...) délibère notamment sur : (...) 4° Le classement des immeubles dans le domaine propre de l'établissement (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire en litige concerne le recouvrement de la somme de 23 370 euros correspondant aux loyers du fermage dus par M. A... au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2019. Or, ainsi qu'il résulte d'un arrêt n° 20MA01368, 20MA01470 du 16 octobre 2020 devenu définitif, par une délibération du 21 novembre 2013, publiée le 1er janvier 2017, le conseil d'administration du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres a décidé de classer le domaine C... dans le domaine propre de l'établissement public. Il en résulte que depuis le 1er janvier 2017, le domaine C... doit être regardé comme une dépendance du domaine public. Mais antérieurement à cette date, cette propriété acquise en 2005 appartenait au domaine privé dudit Conservatoire. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du titre exécutoire contesté en tant qu'il concerne le recouvrement de la créance antérieure au 1er janvier 2017 constitue un acte de gestion du domaine privé du Conservatoire relevant ainsi de la compétence du juge judiciaire comme l'a estimé à juste titre le tribunal. La circonstance que le titre litigieux mentionnerait la compétence du tribunal administratif est sans incidence.

4. En second lieu, en estimant qu'il ne résulte pas de l'instruction, pour la période postérieure au 1er janvier 2017 pour laquelle la juridiction administrative est compétente, que des avantages aient été procurés au conservatoire du littoral dans une mesure telle que l'indemnité d'occupation fixée au montant annuel de 4 674 euros serait excessive, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que les travaux effectués par M. A... auraient procuré des avantages au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres en contrepartie de l'occupation du domaine en cause.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. M. A... reprend en appel le moyen tiré de l'illégalité du titre exécutoire contesté du fait qu'il recouvre une créance déjà fixée par une décision de justice devenue définitive. Toutefois, il y a lieu d'écarter ce moyen, qui ne comporte aucun développement nouveau, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

6. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". En application de ce texte, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

7. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire contesté mentionne une redevance du 1er avril 2014 au 31 mars 2019 et fait référence au jugement du tribunal de Tarascon du 15 mai 2019 avec la mention manuscrite " ci-joint " et comporte, dans le cadre des pièces justificatives, la mention " 4 674,00*5 = 23 370,00 euros ". Ces mentions sont suffisantes pour comprendre les bases et éléments de calcul du titre en litige, d'autant que M. A... a nécessairement eu connaissance du jugement du 15 mai 2019 du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon auquel il était partie, ce jugement fixant un loyer annuel de fermage de 4 674 euros.

8. Aux termes de l'article 256 B du code général des impôts : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence. / Ces personnes morales sont assujetties, en tout état de cause, pour les opérations suivantes : Livraisons de biens neufs fabriqués en vue de la vente, / Distribution de gaz, d'électricité et d'énergie thermique, / Opérations des économats et établissements similaires, / Transports de biens, à l'exception de ceux effectués par la Poste, / Transports de personnes, / Opérations des organismes d'intervention agricoles portant sur les produits agricoles et effectuées en application des règlements portant organisation commune du marché de ces produits, / Organisation d'expositions à caractère commercial, / Prestations de services portuaires et aéroportuaires, / Entreposage de biens meubles, / Organisation de voyages et de séjours touristiques, / Diffusion ou redistribution de programmes de radiodiffusion ou de télévision ; / Télécommunications. / Fourniture d'eau dans les communes d'au moins 3.000 habitants ou par les établissements publics de coopération intercommunale dont le champ d'action s'exerce sur un territoire d'au moins 3.000 habitants ".

9. Si M. A... soutient que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres était assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et que son montant devait figurer sur le titre exécutoire en litige, un courrier du 24 octobre 2019 de la direction générale des finances publiques précise que " l'Établissement public national à caractère administratif CONSERVATOIRE DE L'ESPACE LITTORAL ET DES RIVAGES LACUSTRES est pris en compte au Service des Impôts des Entreprise (SIE) de Rochefort (sous le numéro SIREN 180 005 019) et se déclare non assujetti aux impôts commerciaux et donc non assujetti à la TVA. ". Par ailleurs, il ne résulte pas des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts que l'activité du Conservatoire consistant à confier l'exploitation de son domaine à un tiers y serait visée. En outre, la mention d'une somme de 23 370 euros TTC dans le titre exécutoire contesté est une simple erreur matérielle restée sans incidence. Il en va de même de la circonstance que l'extrait du site internet Manageo mentionne pour le Conservatoire un numéro de TVA intracommunautaire.

10. Si M. A... soutient qu'il a réalisé d'importants travaux sur le domaine de Taxil et produit deux devis estimant ces travaux de réfection du chemin d'accès au domaine à la somme de 29 820 euros et 31 080 euros, il résulte du jugement du 15 mai 2019 du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon lequel fait état d'un rapport du 6 juin 2016 de la SARL DIAGEX mentionnant que M. A... a remis en état le chemin d'accès principal du mas, que ces travaux ont été réalisés antérieurement au 1er janvier 2017. Dès lors et compte tenu de ce qui a été dit au point 3, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'en connaître. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que pour la période postérieure au 1er janvier 2017 pour laquelle la juridiction administrative est compétente, M. A... aurait procuré au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres des avantages tels que le montant réclamé par le titre exécutoire en litige ne saurait être dû. Par ailleurs, et en tout état de cause, il ne peut utilement demander la compensation entre le montant de ces travaux et la somme qu'il doit au Conservatoire.

Sur les conclusions incidentes du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres tendant au versement de dommages et intérêts pour citation abusive :

11. En l'espèce, la requête de M. A... ne caractérise pas un usage abusif de son droit de relever appel d'un jugement qui lui est défavorable. Par ailleurs, le Conservatoire ne justifie pas d'un préjudice moral ni économique d'autant que le montant du loyer du fermage a été fixé par le jugement du 15 mai 2019 du tribunal paritaire des baux ruraux de Tarascon. Par suite, les conclusions du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres tendant à la condamnation de M. A... à lui verser une indemnité de 5 000 euros pour recours abusif doivent être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 5 décembre 2019 et de la décision du 11 février 2020. Les conclusions incidentes du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions incidentes du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Toumi et au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2024.

2

N° 23MA01178

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01178
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-02-01-01 Comptabilité publique et budget. - Créances des collectivités publiques. - Recouvrement. - Procédure. - État exécutoire.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : ERNST & YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23ma01178 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award