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15/04/2024 | FRANCE | N°23MA01460

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 15 avril 2024, 23MA01460


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a enjoint de quitter sans délai le territoire français en mentionnant le pays de destination.



Par un jugement n° 2300097 du 16 février 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une r

equête, enregistrée le 12 juin 2023, M. B..., représenté par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a enjoint de quitter sans délai le territoire français en mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 2300097 du 16 février 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2023, M. B..., représenté par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille du 16 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) à titre principal d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée ;

- sa notification est irrégulière ;

- la mesure d'éloignement porte atteinte à sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant que l'arrêté attaqué n'a pas visé ;

- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il justifie de circonstances humanitaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en rapporte à son mémoire de première instance.

Un courrier du 10 novembre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 20 mars 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 2 janvier 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a enjoint à M. B..., ressortissant comorien, de quitter sans délai le territoire français et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 16 février 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué, qui expose les motifs pour lesquels le magistrat désigné a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est suffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

3. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté, par adoption des motifs au point 4 du jugement qui n'appellent pas de précision en appel.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la mesure d'éloignement doit être écarté, un tel moyen demeurant sans influence sur la légalité de la décision attaquée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Si le requérant soutient être présent en France depuis 2010 il ne démontre, ni même n'allègue s'être inséré socio-professionnellement sur le territoire national. Il ne démontre pas non plus avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux en se bornant à se prévaloir de la présence d'une de ses tantes de nationalité française qui l'hébergerait, du décès de sa mère en 2004 et de la naissance de sa fille le 7 mars 2020, dont la mère est une compatriote et dont il ne démontre, ni même n'allègue qu'elle résiderait régulièrement en France. S'il se prévaut de la nationalité française de son père, également décédé, et d'un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 9 décembre 2014 confirmant le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 11 septembre 2013 lui reconnaissant la nationalité française, il est constant que cet arrêt a été cassé par un arrêt de la Cour de cassation du 13 avril 2016 et il ressort de l'arrêt de renvoi de la Cour d'appel de Lyon du 24 avril 2018 que la filiation n'est pas établie et que le requérant ne peut se voir reconnaitre la nationalité française. Par suite, le requérant, qui ne démontre pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 5. Par ailleurs, la circonstance que l'arrêté attaqué n'aurait pas visé cette stipulation demeure sans incidence sur sa légalité.

7. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation de la mesure d'éloignement.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire :

8. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté, par adoption des motifs au point 4 du jugement qui n'appellent pas de précision en appel.

9. En second lieu, l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée dispose que : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Et selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

10. Ainsi qu'il a été dit aux points précédents, si M. B..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 9 juillet 2021 qu'il n'a pas exécutée, soutient être présent en France depuis 2010, il ne démontre, ni même n'allègue s'être inséré socio-professionnellement sur le territoire national et y avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il ne justifie pas non plus de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en édictant à son encontre une interdiction de retour en France d'une durée d'un an, le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Coulet-Rocchia.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2024.

2

N° 23MA01460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01460
Date de la décision : 15/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : COULET-ROCCHIA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-15;23ma01460 ?
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