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12/04/2024 | FRANCE | N°23MA00659

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 12 avril 2024, 23MA00659


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour.



Par un jugement n° 2209121 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a r

ejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 16 mar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2209121 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Keza, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 février 2023 ;

2°) de lui allouer le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire au titre de la première instance ;

3°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

- la décision portant refus de droit au séjour méconnaît les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il n'existe pas de traitement pour ses pathologies dans son pays d'origine, outre qu'il n'y existe pas de prise en charge des soins pour les personnes dont les ressources sont insuffisantes ; l'absence de prise en charge est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, contrairement à ce qu'a estimé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont l'avis doit être produit ;

- cette décision méconnait également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est suivie médicalement en France et poursuit une scolarité dans un établissement spécialisé ; elle y est entourée de sa famille dont elle a besoin de l'assistance ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née en 2004, relève appel du jugement du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement est irrégulier en tant que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle et doit, dans cette mesure, être annulé.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. / (...) ".

4. Il y a lieu pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions mentionnées au point 2, et eu égard aux circonstances de l'espèce, d'admettre Mme A... à titre provisoire à l'aide juridictionnelle pour l'instance devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 septembre 2022 :

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens pour la mise en œuvre de ces stipulations : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / (...) ".

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et des éventuelles mesures d'instruction qu'il peut toujours ordonner.

7. En l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a produit en première instance l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 28 juillet 2022, aux termes duquel, si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale, un défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entrainer de conséquences d'une exceptionnelle gravité. L'intéressée, qui se borne à mentionner les pathologies dont elle souffre, particulièrement la trisomie 21, la maladie de Basedow, l'obésité et l'apnée du sommeil, et à produire deux comptes rendus de consultations hospitalières rapportant ces troubles des 12 janvier et 13 avril 2021, n'apporte pas d'élément de contradiction utile à cet avis. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les possibilités effectives de traitement approprié dans le pays d'origine, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si Mme A... est entrée en France en 2018, âgée de 14 ans, elle n'établit pas la continuité de son séjour et ne justifie pas d'une insertion sociale et familiale particulière sur le territoire, en se bornant à produire, d'une part, un certificat de résidence délivré au nom de M. C... A... valable jusqu'au 18 juillet 2023 et des certificats de scolarité de membres de sa famille, sans établir le rapport de parenté qu'elle entretient avec eux, et d'autre part, des décisions d'orientation en établissement médico-social et d'accompagnement en tant qu'élève en situation de handicap en date du 24 janvier 2020, sans justifier des suites que ces décisions ont eues et notamment de sa prise en charge ou scolarisation effective. Par ailleurs, elle est célibataire et sans charge de famille. Dès lors, la décision lui refusant le droit au séjour ne porte pas atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale tel que garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 8 et 9 de son jugement.

11. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées aux points 7 et 9 ci-dessus, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2022 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par Mme A..., en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 février 2023 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur la demande d'admission de Mme A... à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Mme A... est admise provisoirement à l'aide juridictionnelle pour l'instance devant le tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Christian Keza.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

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N° 23MA00659

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00659
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : KEZA ZALAMOU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;23ma00659 ?
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