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12/04/2024 | FRANCE | N°23MA00552

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 12 avril 2024, 23MA00552


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les logements vacants auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019 à raison des locaux à usage d'habitation dont elle est propriétaire au sein de l'immeuble " La Grande Plaine I ", situé au 427 boulevard des Armaris, à Toulon.



Par un jugement n° 2002253 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté c

ette demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 3 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les logements vacants auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019 à raison des locaux à usage d'habitation dont elle est propriétaire au sein de l'immeuble " La Grande Plaine I ", situé au 427 boulevard des Armaris, à Toulon.

Par un jugement n° 2002253 du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2023, et deux mémoires enregistrés les 13 novembre 2023 et 8 décembre 2023, Mme B... C..., représentée par la SELARL Luguet - Da Costa, agissant par Me Da Costa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 décembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision de rejet de sa réclamation prise par l'administration fiscale le 27 février 2020 ;

3°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les logements vacants auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019, ainsi que de tous les frais et pénalités correspondants ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle remplit les conditions prévues au VI de l'article 232 du code général des impôts pour bénéficier de l'exonération de la taxe ;

- la vacance de ses logements est imputable à la situation d'insécurité dans laquelle se trouve la copropriété, de l'occupation illégale et de la dégradation de certains des logements en cause et de l'impossibilité de les louer, ce qui constitue des causes étrangères à sa volonté ;

- elle est fondée à se prévaloir du paragraphe n° 130 de l'instruction BOI-IF-AUT-60 du 11 mars 2014, qui énonce que la taxe sur les logements vacants n'est pas due par les propriétaires des logements occupés illégalement.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 juin 2023 et 1er décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics concluent au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 917 euros prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Ils font valoir que :

- par décision du 4 décembre 2023, l'administration a prononcé le dégrèvement partiel de la cotisation de taxe sur les logements vacants mise à sa charge au titre de l'année 2019, en ce qui concerne les lots de copropriété n° 510 et 558, pour un montant de 917 euros ;

- pour le surplus, les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 12 décembre 2023 et produit par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics, n'a pas été communiqué.

Par lettre du 9 janvier 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés de :

- l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 27 février 2020 par laquelle l'administration fiscale a rejeté la réclamation préalable de Mme C..., une telle décision n'étant pas susceptible de recours pour excès de pouvoir ;

- l'irrecevabilité des conclusions à fin de décharge de la cotisation de taxe sur les logements vacants mise à sa charge au titre de l'année 2018, faute pour la contribuable d'avoir présenté une réclamation dans le délai de recours prévu à l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales.

Mme C... a répondu à ces moyens d'ordre public par un mémoire enregistré le 10 janvier 2024.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics ont répondu à ces moyens d'ordre public par un mémoire enregistré le 11 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- les décisions du Conseil constitutionnel n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 et n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 12 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de décharge des cotisations de taxe sur les logements vacants à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019 à raison de plusieurs appartements dont elle est propriétaire, situés au sein de l'ensemble immobilier " La Grande Plaine I " au 427 boulevard des Armaris à Toulon, pour des montants de 18 250 euros et de 20 594 euros.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 4 décembre 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques du Var a prononcé le dégrèvement partiel de la cotisation de taxe sur les logements vacants mise à sa charge au titre de l'année 2019, en ce qui concerne les lots de copropriété n° 510 et 558, pour un montant total de 917 euros. Les conclusions de la requête sont, dans la limite de ces dégrèvements, devenues sans objet.

Sur l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 232 du code général des impôts : " I. - La taxe annuelle sur les logements vacants est applicable dans les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. / Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée. (...) II. - La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins une année, au 1er janvier de l'année d'imposition, à l'exception des logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources. (...) VI. - La taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions susvisées du 29 juillet 1998 et du 29 décembre 2012 que la taxe sur les logements vacants ne saurait être appliquée à des logements qui ne pourraient être rendus habitables qu'au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur ni à des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur. Il appartient au contribuable d'établir que la vacance de ses logements au cours des années en litige aurait été indépendante de sa volonté, eu égard notamment à la nécessité de travaux pour rendre le logement habitable et au coût de tels travaux éventuels compte tenu de ses capacités financières.

5. Il résulte de l'instruction que Mme C... est propriétaire de 69 appartements dans l'ensemble immobilier " La Grande Plaine I ", ainsi que de 70 places de parkings ou garages. Celle-ci soutient que la vacance d'une partie des appartements est indépendante de sa volonté du fait de la situation d'insécurité dans laquelle se trouve la copropriété dont notamment le bâtiment B1, de la présence irrégulière d'occupants sans droit ni titre au sein du lot n° 783 du bâtiment C2, à l'origine d'actes de vandalisme et de dégradations, et de l'impossibilité de donner en location les lots n° 477 et n° 597 des bâtiments A1 et A7.

6. Si le climat d'insécurité présent dans le quartier où se trouve la copropriété " La Grande Plaine I " est de nature à compliquer la location des logements qui y sont situés, il est constant que Mme C... a été en mesure de donner en location une partie des nombreux biens qu'elle possède au sein de l'ensemble immobilier. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, en particulier des courriers adressés successivement par le syndic de la copropriété entre novembre 2014 et novembre 2016, que Mme C..., qui possède à elle seule 22 appartements situés dans le bâtiment B1, est pour partie responsable, depuis plusieurs années, de la situation de vacance dans laquelle celle-ci a laissé plusieurs de ses appartements au sein de cet immeuble, et n'a pas mis en œuvre les mesures utiles afin de faire procéder à l'expulsion des occupants et de condamner l'accès aux biens afin de permettre leur remise en état. Son assignation du 17 novembre 2016 introduite par le syndicat des copropriétaires, certes rejetée par ordonnance du juge des référés du 2 mai 2017 mais au motif d'une identification imprécise par le demandeur des lots appartenant à Mme C..., ne saurait en tout état de cause justifier les diligences accomplies par cette dernière. Le contrat conclu le 1er octobre 2006 avec un organisme spécialisé dans le recouvrement de créances, confiant à ce dernier la gestion de la location des appartements de l'ensemble immobilier " La Grande Plaine I ", ne saurait suffire à justifier, en l'absence de toute précision sur les démarches accomplies à ce titre, que l'appelante aurait vainement cherché à louer ou céder les logements en cause au prix du marché. De surcroît, les explications de la requérante au service des impôts sur la situation de ses biens ne concernent aucun des logements vacants imposés au titre de l'année 2018 et demeurent dépourvues de justifications au titre de l'année 2019, eu égard aux seules mentions succinctes apportées tels que " appartement squatté ", " nouveau locataire non trouvé " ou " appartement incendié et inlouable ". Enfin, la requérante n'apporte pas davantage d'éléments sur la nature et l'ampleur des travaux nécessaires à la remise en état des biens du bâtiment B1 qui auraient fait l'objet des dégradations. Si celle-ci se prévaut de travaux de rénovation de la colonne électrique réalisés par la société Enedis, elle ne démontre en tout état de cause pas que les logements imposés ne répondaient pas aux normes électriques et ne pouvaient ainsi être loués.

7. S'agissant du seul bien se trouvant au bâtiment C2, identifié comme étant le lot n° 783, la requérante, qui reconnaît l'absence de difficultés pour louer les appartements situés dans ce bâtiment, ne justifie pas non plus de diligences qui auraient été accomplies en vue de rendre ce bien habitable et de le donner en location ou de le mettre en vente. Le seul tableau de synthèse établi par la requérante et indiquant pour ce logement qu'il est squatté et vandalisé constitue à cet égard une preuve insuffisante.

8. S'agissant des deux appartements, correspondant au lot n° 477 du bâtiment A1 et au lot n° 597 du bâtiment A7, la seule circonstance invoquée par la requérante, selon laquelle il s'agit de logements situés au quatrième étage de bâtiments sans ascenseur n'ayant pu, pour ce motif, être loué, est dépourvue de toute précision et de justification.

9. Enfin, la circonstance que l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des cotisations de taxe annuelle sur les logements vacants auxquelles Mme C... avait été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 n'emporte en elle-même aucune conséquence sur le bien-fondé des cotisations exigées au titre des années 2018 et 2019.

10. Par suite, Mme C... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la vacance des logements en cause était indépendante de sa volonté au sens des dispositions citées ci-dessus.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

11. Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 130 de l'instruction BOI-IF-AUT-60 du 11 mars 2014, qui renvoie à la réponse ministérielle n° 50355 à M. A... du 23 mai 2006, selon laquelle " la taxe sur les logements vacants n'est pas due par les propriétaires des logements occupés illégalement ", et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application, dès lors qu'il ne peut trouver à s'appliquer que si l'occupation irrégulière du logement n'est pas imputable au contribuable.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ses conclusions, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme C... à concurrence du dégrèvement de 917 euros prononcé le 4 décembre 2023 dans les conditions énoncées au point 2 du présent arrêt.

Article 2 : : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2024.

N° 23MA00552


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00552
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-01 Contributions et taxes. - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. - Questions communes.


Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL LUGUET - DA COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;23ma00552 ?
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