Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une chute survenue le 22 mars 2016 au sein de l'hôpital de F..., et à titre subsidiaire, de condamner l'assistance publique-hôpitaux de Marseille à lui payer la somme de 680 550,64 euros en réparation de ces préjudices, assortie des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de sa demande indemnitaire préalable et à défaut à compter de la date de sa demande.
La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, mise en cause, a indiqué ne pas entendre intervenir dans l'instance.
Par un jugement n° 2006035 du 21 novembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à payer à Mme D... une somme de 51 271 euros en réparation de ses préjudices, dont sera déduite la somme de 5 000 euros déjà versée par la SHAM. Cette somme a été assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2020, date de la réception de la demande indemnitaire préalable de Mme D..., avec capitalisation des intérêts. Il a déclaré son jugement commun à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et rejeté le surplus de la demande de Mme D....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 décembre 2022 et le 9 août 2023, Mme D..., représentée par Me Ceccaldi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) à titre principal, d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'une chute survenue le 22 mars 2016 au sein de l'hôpital de F... ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) à lui payer la somme de 1 062 083,62 euros en réparation de ces préjudices, assortie des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de sa demande indemnitaire préalable et à défaut à compter de la date de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
5°) dans l'hypothèse de l'absence de paiement spontané des condamnations qui seront prononcées, de procéder à l'exécution forcée de la décision à intervenir par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier devant être supporté par la SHAM.
Elle soutient que :
S'agissant de la demande d'une nouvelle expertise :
- l'expertise réalisée le 4 septembre 2017 à l'initiative de la SHAM et par le médecin conseil de celle-ci ne permet pas de garantir l'indépendance et l'impartialité de l'expert qui sont garantis par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'expertise n'a pas respecté le principe du contradictoire en ce que le docteur E... a été le seul signataire du rapport et n'a pas permis au médecin conseil de Mme D... de faire valoir ses arguments en refusant le dépôt d'un pré-rapport et la rédaction de dires ;
- une expertise amiable ne présente pas toutes les garanties d'une expertise juridictionnelle ;
- l'importante perte d'autonomie de Mme D... depuis sa chute du 22 mars 2016 n'a pas été prise en compte par le docteur E... ;
- aucune assistance par une tierce personne viagère n'a été retenue alors que le docteur E... décrit qu'un accompagnement est nécessaire pour les sorties extérieures, ce qui n'était pas le cas avant la chute de Mme D... ;
- le médecin conseil de Mme D... évalue le besoin en assistance par tierce personne viagèreà une heure par jour ;
- le docteur E... n'a pas expressément retenu la perte de deux années scolaires contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ;
- la date de consolidation retenue par l'expert au 23 mars 2017 est erronée ;
S'agissant de l'indemnisation de ses préjudices :
- elle est fondée à demander les sommes suivantes en réparation des préjudices subis en lien avec sa chute survenue le 22 mars 2016 au sein de l'hôpital de F... :
o 1 200 euros au titre des frais d'assistance à expertise ;
o 9 000 euros au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire ;
o 871 818,62 euros, à parfaire, au titre de l'assistance par une tierce personne à titre permanent ;
o 30 000 euros au titre de l'incidence scolaire ;
o 7 215 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
o 20 000 euros au titre des souffrances endurées ;
o 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
o 113 850 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
o 5 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2023, l'AP-HM, représentée par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête de Mme D....
Elle fait valoir que :
- le docteur E... a réalisé l'expertise amiable en qualité d'expert indépendant et impartial ;
- les deux parties ont été présentes et assistées d'un médecin conseil lors des opérations d'expertise et ont pu faire valoir leurs observations ;
- le rapport d'expertise comporte tous les éléments permettant au juge d'évaluer les préjudices de Mme D... ;
- la survenue de chutes postérieures à la date de consolidation ne saurait remettre en cause la date de consolidation retenue par l'expert ;
- Mme D... ne justifie pas de besoin en assistance par une tierce personne à titre viager d'une heure par jour ;
- c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'aucune somme ne devait être allouée au titre de l'assistance par une tierce personne dès lors que la somme perçue par Mme D... au titre de la prestation de compensation du handicap sur la période en cause est supérieure à l'évaluation de 2 700 euros qui a été faite par les premiers juges ;
- le tribunal n'a pas procédé à une évaluation insuffisante du préjudice lié à l'incidence scolaire en lui allouant une somme de 10 000 euros ;
- la somme de 3 200 euros allouée au titre du préjudice lié à son déficit fonctionnel temporaire est suffisante ;
- la somme de 7 500 euros allouée au titre des souffrances endurées est conforme à la jurisprudence ;
- la somme de 1 500 euros allouée au titre du préjudice esthétique temporaire est satisfaisante ;
- la somme de 2 000 euros allouée au titre du préjudice esthétique permanent est suffisante ;
- la somme de 25 871 euros allouée au titre du déficit fonctionnel permanent doit être confirmée ;
- il conviendra de déduire du montant de la condamnation la somme de 5 000 euros déjà versée par Relyens ;
- en tout état de cause, les conclusions en appel de Mme D... tendant au paiement de la somme de 1 062 083,62 euros sont irrecevables en ce qu'elles excèdent la somme de 680 550,64 euros qui avait été demandée en première instance.
La procédure a été communiquée à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Fort, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., née le 2 février 1997, a été victime d'une chute survenue le 22 mars 2016 dans l'entrée de l'hôpital pour enfants de F... alors qu'elle se rendait à une consultation de suivi concernant le syndrome de Prader-Willi dont elle est atteinte depuis sa naissance. Cette chute lui a occasionné une fracture du plateau tibial gauche et une thrombose de l'artère poplitée. Une expertise amiable aux fins d'évaluer les préjudices de Mme D... en lien avec sa chute a été diligentée le 7 avril 2016 par l'assureur de l'AP-HM, la SHAM, devenue société Relyens, qui lui a également versé le 8 décembre 2016 une somme provisionnelle de 5 000 euros. Le docteur E... a rendu son rapport le 6 septembre 2017 et Mme D... a refusé l'offre indemnitaire qui lui avait été proposée par la SHAM le 5 décembre 2017. Sa demande de nouvelle expertise médicale a été rejetée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille par une ordonnance n° 1806435 du 7 janvier 2019, confirmée par une ordonnance n° 19MA00232 du 20 mars 2019 de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille. Mme D... a alors demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale et, à titre subsidiaire, de condamner l'AP-HM à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa chute. Par un jugement du 21 novembre 2022, le tribunal a, sans ordonner l'expertise sollicitée, condamné l'AP-HM à lui verser la somme de 51 271 euros, dont sera déduite celle de 5 000 euros déjà versée par la SHAM, en disant que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 2 juin 2020, avec capitalisation des intérêts. Mme D... relève appel de ce jugement et demande à la cour d'ordonner, à titre principal, une nouvelle expertise médicale, ou, à titre subsidiaire, de condamner l'AP-HM à lui verser la somme de 1 062 083,62 euros. Pour sa part, cet établissement public ne présente pas d'appel incident.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la demande d'une nouvelle expertise :
2. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation ".
3. Mme D... soutient que l'expertise réalisée par le docteur E... ne présente pas les garanties d'impartialité, n'a pas respecté le principe du contradictoire et comporte des incohérences et des insuffisances.
4. En premier lieu, il appartient au juge, saisi d'un moyen mettant en doute l'impartialité d'un expert, de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l'une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité. En particulier, doivent en principe être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s'étant nouées ou poursuivies durant la période de l'expertise.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le docteur E... a été désigné par la SHAM, assureur de l'AP-HM, afin de procéder à une expertise amiable pour évaluer les préjudices subis par Mme D.... Si cette dernière soutient que le docteur E... est également le médecin-conseil de la SHAM et de l'AP-HM, elle ne l'établit pas. En outre, la seule circonstance que l'expertise amiable ait été diligentée par l'assureur de l'hôpital n'est pas de nature à révéler l'impartialité de l'expert, Mme D... n'apportant aucun élément qui permettrait de mettre en doute l'objectivité de l'expert et l'impartialité de ses opérations d'expertise.
6. En deuxième lieu, la seule circonstance que le rapport rédigé par l'expert n'ait pas été précédé d'un pré-rapport et d'une réponse par voie de dires n'est pas, à elle seule, de nature à méconnaître le principe du contradictoire, alors qu'il résulte de l'instruction que Mme D..., sa mère et son médecin conseil ont participé à l'accédit du 4 septembre 2017 et qu'en outre, le contenu du rapport mentionne les observations présentées par la mère de la requérante lors de l'expertise.
7. En troisième et dernier lieu, cette expertise, qui a donné lieu à deux accedits qui se sont déroulés au mois d'avril 2016 et le 4 septembre 2017, est fondée sur les comptes-rendus des interventions chirurgicales, des comptes-rendus d'hospitalisation et des rapports médicaux concernant le suivi post-opératoire de Mme D.... En dépit d'une erreur de plume contenue dans le corps du rapport qui indique que " l'état n'a pas été consolidé " alors que l'expert mentionne en conclusion une date de consolidation de l'état de santé de Mme D... au 23 mars 2017, il résulte de l'instruction que cette date, coïncidant avec la date anniversaire de la survenue du fait générateur, est cohérente avec les éléments du rapport qui l'éclairent. Ainsi, le compte-rendu rédigé le 23 mars 2017 par le chirurgien vasculaire de Mme D... mentionne la bonne qualité de la réparation et du greffon veineux de l'artère poplitée. En outre, Mme D... ne conteste pas qu'elle a eu l'autorisation de marcher à nouveau dès le 8 août 2016, ainsi que cela résulte du compte-rendu fait à cette date par son chirurgien orthopédiste, et qu'aucune lésion osseuse n'a été constatée le 3 février 2017 lors de son passage aux urgences en raison d'une chute survenue la veille, ni le 7 février 2017 lorsqu'elle a consulté son chirurgien orthopédiste. Enfin, l'avis médical rédigé par le médecin conseil de la requérante critique le rapport d'expertise du docteur E... sans remettre en cause la date de consolidation retenue par celui-ci. Par ailleurs, si Mme D... conteste le taux de déficit fonctionnel permanent de 15 % retenu par l'expert, il résulte du rapport que son état antérieur au dommage et son état séquellaire sont décrits avec suffisamment de précision pour permettre au juge de statuer sur ce poste de préjudice en tenant compte du désaccord de Mme D... concernant ce taux. Si la requérante soutient également que l'expert n'aurait pas suffisamment pris en compte la perte de sa mobilité qui est l'une des seules facultés qui n'était pas impactée par la maladie de Prader Willi avant la chute dont elle a été victime, l'expert a, au contraire, décrit dans son rapport l'assistance qu'elle nécessitait avant la chute et celle qu'elle nécessite depuis, en faisant référence notamment au recours occasionnel à un fauteuil roulant lors de ses déplacements à l'extérieur alors que ce n'était pas le cas auparavant. La circonstance qu'il n'a pas retenu de préjudice lié à l'assistance par une tierce personne à titre viager ne démontre pas l'absence de prise en compte de l'état antérieur. Enfin, si elle soutient que l'expert aurait dû retenir un préjudice lié à l'incidence scolaire en lien avec le dommage, les termes mêmes de l'expertise précisent l'existence d'une interruption de sa scolarité pendant deux ans à l'institut médico-éducatif les Amandiers et les autres éléments de l'expertise permettent au juge, ainsi que l'a relevé le tribunal, d'apprécier la réalité et l'étendue de ce poste de préjudice.
8. Eu égard à ce qui vient d'être dit aux points 2 à 7 et compte tenu de ce que les éléments produits par la requérante ne sont pas de nature à mettre en doute le bien-fondé des constatations médico-légales faites par le docteur E..., il n'y a pas lieu de prescrire une nouvelle expertise médicale, qui serait inutile, aux fins d'évaluer les préjudices de Mme D....
En ce qui concerne la responsabilité de l'AP-HM :
9. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre celui-ci et le préjudice invoqué. La collectivité en charge de l'ouvrage public ne peut être exonérée de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que cet ouvrage faisait l'objet d'un entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
10. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'attestation établie le 22 mars 2016 par le professeur C..., que Mme D..., qui se rendait ce jour-là à l'une de ses consultations de suivi pour une pathologie neurologique, a été victime d'une chute dans l'accueil de l'hôpital pour enfants de F... en raison de la surélévation, anormale et non signalée, d'un tapis de sol. Il résulte encore des comptes-rendus des interventions chirurgicales subies le même jour que la chute de Mme D... lui a occasionné une fracture déplacée du plateau tibial gauche et une thrombose de l'artère poplitée qui ont nécessité une ostéosynthèse par plaque vissée de la fracture et la mise en place d'un greffon pour réparer l'artère. Mme D... rapporte ainsi la preuve du lien de causalité entre la défectuosité du sol de l'hôpital dont elle était usagère et ses préjudices. L'AP-HM reconnaît quant à elle sa responsabilité dans la survenue du dommage et ne rapporte de ce fait aucune preuve tendant à l'absence de défaut d'entretien normal de l'ouvrage, à la faute de la victime, ou à un cas de force majeure. Dans ces conditions, il y a lieu d'engager la responsabilité pleine et entière de l'AP-HM, mais par un autre motif que celui retenu par les premiers juges, au titre du défaut d'entretien normal du sol de l'hôpital.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
11. Il résulte du rapport d'expertise que Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant ses hospitalisations du 22 mars au 15 septembre 2016, puis un déficit partiel à hauteur de 50 % durant 61 jours et un déficit fonctionnel partiel de 25 % pendant 128 jours. Les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de l'indemnité due en réparation de ce préjudice en le fixant à 3 200 euros. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de le fixer à la somme de 3 960 euros.
Quant aux souffrances endurées :
12. Les souffrances endurées par Mme D... ont été évaluées à 4 sur 7 par l'expert. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de l'indemnité due en réparation de ce préjudice en le fixant à 7 500 euros.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
13. Mme D... demande l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire qu'elle a subi et lié à un port d'attelles, à ses plaies ouvertes et à ses difficultés de cicatrisation. Les premiers juges en ont fait une évaluation suffisante en lui allouant à ce titre une indemnité de 1 500 euros.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
14. Il résulte de l'instruction que les difficultés locomotrices de Mme D... persistant après la consolidation de son état de santé ont été évaluées de façon cohérente par l'expert qui a fixé un taux de déficit fonctionnel permanent de 15 % en raison notamment de la limitation de la flexion de son genou gauche de l'ordre de 10 à 15° et de l'absence d'extension de ce genou. Mme D... ne justifie pas par des éléments médicaux que ce taux devrait, comme elle le soutient, être évalué entre 20 et 30 %. Ainsi et compte tenu de ce que la date de consolidation est intervenue alors que Mme D... était âgée de vingt ans, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 25 871 euros.
Quant au préjudice esthétique permanent :
15. Le préjudice esthétique permanent de Mme D... a été évalué à 2 sur 7 par l'expert. Compte-tenu des trois cicatrices de longueurs comprises entre 15 et 22 centimètres de mauvaise qualité que Mme D... conserve en lien avec le dommage, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce préjudice en lui allouant la somme de 2 000 euros à ce titre.
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Quant aux frais liés à la nécessité de l'assistance par une tierce personne :
16. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il appartient ensuite au juge de déduire du montant de l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance par tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais. Cette déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.
17. Il résulte de l'instruction que le fait générateur a entraîné pour Mme D... un surcroît de son besoin à bénéficier d'une aide humaine par rapport au seul besoin lié à son handicap initial. Ainsi, il résulte du rapport d'expertise que Mme D... a nécessité l'assistance par une tierce personne de 2 heures par jour pour la période durant laquelle elle a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % correspondant à la période où des soins à domicile ont été effectués et où elle se déplaçait avec un fauteuil roulant. Si Mme D... soutient à nouveau devant la cour qu'elle aurait dû bénéficier d'une aide de trois heures par jour en raison de sa dépendance pour la réalisation des transferts de fauteuils et tous les gestes de la vie courante, il résulte de l'instruction que ces besoins ont été pris en compte dans l'évaluation de l'expert. Pour la période suivante, le rapport a établi qu'une aide humaine pouvait être retenue dans le cadre d'une surveillance diffuse un peu plus soutenue que par rapport à la situation antérieure à la survenue dommage, " sur une période de deux à trois mois encore ". Les premiers juges qui ont fixé à ce titre une aide de 3 heures par semaine ont suffisamment évalué ce besoin. Il ne résulte pas de l'instruction que cette assistance aurait nécessité, eu égard à sa nature et aux besoins de la victime, des qualifications particulières susceptibles d'occasionner un coût supérieur au taux horaire de 13 euros. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur 412 jours par année.
18. Sur la base des indications et montants de référence précisés aux points précédents, l'indemnisation du préjudice lié à l'assistance par une tierce personne représente une somme de 2 595,20 euros au titre de la période précédant la consolidation, le 23 mars 2017. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme D... a perçu la prestation de compensation du handicap (PCH) pour un montant de 9 244,18 euros pour cette période.
19. Il en résulte néanmoins également que si cette prestation est versée depuis le 8 mars 2010 au titre de l'aide humaine pour dédommager un aidant familial, son montant mensuel est demeuré identique entre la date de survenue de sa chute à l'hôpital de F... et le mois de janvier 2017. Dans ces conditions, la PCH qui lui a été versée durant la période précédant la consolidation ne peut être regardée comme ayant servi à financer le coût du surcroît d'assistance directement lié à l'accident dont a été victime Mme D... le 22 mars 2016. D'où il suit que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, Mme D... a droit à la somme de 2 595,20 euros au titre du présent poste de préjudice.
Quant à l'incidence scolaire :
20. Les premiers juges n'ont pas évalué de façon insuffisante l'indemnisation de ce préjudice lié à l'impossibilité pour Mme D... de se rendre à l'IME Les Amandiers à compter de sa chute et jusqu'au mois d'octobre 2018, entraînant de ce fait un défaut de socialisation et l'obligation d'envisager d'autres réorientations en instituts médico-sociaux, en allouant à Mme D... la somme de 10 000 euros.
S'agissant des frais des préjudices patrimoniaux permanents :
Quant aux frais liés à la nécessité de l'assistance par une tierce personne :
21. Mme D... demande comme en première instance l'indemnisation du besoin d'assistance par une tierce personne pour la période postérieure à la consolidation de son état de santé en raison de l'utilisation d'un fauteuil roulant pour ses déplacements à l'extérieur qui n'était pas nécessaire avant sa chute. Il résulte de l'instruction que si Mme D... était autonome à la marche avant la survenue du dommage, son état de santé nécessitait toutefois l'assistance de sa mère pour la toilette, l'habillage, la préparation du petit déjeuner ainsi que pour les déplacements, en particulier pour se rendre à l'institut médico éducatif ainsi que l'a relevé l'expert. La nécessité de devoir recourir à un fauteuil roulant de façon occasionnelle ne permet pas de justifier de la nécessité d'une assistance par une tierce personne à hauteur d'une heure par jour alors que Mme D... était déjà assistée pour des gestes de la vie quotidienne tels que les déplacements. A cet égard, s'il résulte de l'instruction que la requérante a momentanément eu besoin d'une tierce personne pour être poussée lorsqu'elle devait se déplacer au moyen d'un fauteuil roulant, un certificat médical du 30 avril 2019 attestant d'un tel besoin pour les longs trajets, les autres certificats médicaux, et notamment le dernier en date du 10 mars 2023, ne font pas état d'un tel besoin. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme D... concernant ce poste de préjudice.
Quant aux frais d'assistance du médecin conseil de Mme D... aux opérations d'expertise :
22. Il y a lieu de confirmer le montant de 1 200 euros alloué par le tribunal administratif au titre des frais d'assistance de médecin conseil aux opérations d'expertise qui correspond au montant de la note d'honoraires adressée par le docteur B... à Mme D... et qui n'est pas discuté devant la cour.
23. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, qu'il y a lieu de porter à 54 626,20 euros l'indemnité due par l'AP-HM à Mme D... et de réformer en ce sens le jugement attaqué.
Sur la déclaration d'arrêt commun :
24. La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, régulièrement mises en cause, n'ont pas produit de mémoire. Par suite, il y a lieu de leur déclarer commun le présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HM le versement à Mme D... de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1 : L'indemnité à laquelle l'assistance publique-hôpitaux de Marseille a été condamnée à payer à Mme D... par le tribunal administratif de Marseille dans son jugement n° 2006035 du 21 novembre 2022 est portée à la somme de 54 626,20 euros, dont il convient de déduire la somme de 5 000 euros déjà versée par la SHAM.
Article 2 : L'AP-HM versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt est déclaré commun à caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et à l'assistance publique-hôpitaux de Marseille, à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Rigaud, présidente assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;
- M. Mahmouti, premier conseiller ;
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.
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N° 22MA03169