Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision par laquelle le maire de Porto-Vecchio a tacitement délivré à M. C... A... et Mme D... A... un permis de construire une maison et une piscine sur la parcelle cadastrée section F n° 2529, lieudit " Bocca del Oro ".
Par un jugement n° 2200010 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. E....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 décembre 2023, 6 février 2024 et 27 février 2024, M. B... E..., représenté par Me Soler-Couteaux, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200010 du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) d'annuler le permis de construire tacitement délivré à M. et Mme A... par le maire de la commune de Porto-Vecchio ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Porto-Vecchio la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a rejeté pour tardiveté sa demande d'annulation du permis de construire en litige dès lors que l'affichage dont se prévaut le pétitionnaire a été effectué sur une voie située à 150 mètres environ du terrain d'assiette du projet, que la voie en question n'est pas publique mais privée, et que les renseignements du panneau d'affichage étaient illisibles depuis la voie publique ; en outre, la hauteur mentionnée sur le panneau est erronée et ne correspond pas aux hauteurs mentionnées dans le dossier de permis ;
- le permis de construire délivré par le maire de Porto-Vecchio méconnaît les articles L. 422-5 et L. 422-6 du code de l'urbanisme dès lors qu'il ne se conforme pas à l'avis défavorable du sous-préfet de Sartène ;
- il méconnaît l'article L. 122-8 du code de l'urbanisme dès lors notamment que le terrain d'assiette du projet est situé dans une zone d'urbanisation diffuse éloignée de l'agglomération dans laquelle aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 janvier et 28 février 2024,
M. et Mme A..., représentés par Me Menage, concluent au rejet de la requête et demandent en outre à la Cour, d'une part, de condamner M. E... à payer la somme de 10 000 euros en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, et, d'autre part, de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2024, la commune de
Porto-Vecchio, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et demande en outre à la Cour de mettre à la charge du requérant la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Un courrier du 2 février 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Un mémoire, enregistré le 8 mars 2024, présenté pour M. E..., par
Me Soler-Couteaux, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Cheminet, substituant Soler-Couteaux, représentant
M. E...,
- et les observations de Me Giorsetti, de la SCP CGCB et Associés, représentant la commune de Porto-Vecchio.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Porto-Vecchio, par la
SCP CGCB et Associés, a été enregistrée le 28 mars 2024.
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme A..., par Me Menage, a été enregistrée le 3 avril 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 13 février 2020, M. et Mme A... ont déposé en mairie de Porto-Vecchio une demande de permis de construire portant sur l'édification d'une maison, d'un garage et d'une piscine sur la parcelle cadastrée section F n° 2529, située lieudit " Bocca del Oro " sur le territoire de cette commune. En l'absence de décision expresse de l'administration, un permis de construire tacite est intervenu le 26 juin 2020. Par la présente requête, M. E... demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2200010 du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté, en raison de sa tardiveté, sa demande d'annulation de ce permis de construire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme :
" Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article
R. 424-15 du même code, dans sa version applicable au litige : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) / Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme règle le contenu et les formes de l'affichage ". Aux termes de l'article A. 424-17 de ce code : " Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : Droit de recours : " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme). (...)" ". Enfin, l'article A. 424-18 du même code dispose que : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier (...) ".
3. En imposant que figurent sur le panneau d'affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, dont la hauteur du bâtiment par rapport au sol naturel, les dispositions rappelées au point précédent ont eu pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d'apprécier l'importance et la consistance du projet, le délai de recours ne commençant à courir qu'à la date d'un affichage complet et régulier. L'affichage ne peut être regardé comme complet et régulier si la mention de la hauteur fait défaut ou si elle est affectée d'une erreur substantielle, alors qu'aucune autre indication ne permet aux tiers d'estimer cette hauteur. Pour apprécier si la mention de la hauteur de la construction figurant sur le panneau d'affichage est affectée d'une erreur substantielle, il convient de se référer à la hauteur maximale de la construction par rapport au sol naturel telle qu'elle ressort de la demande de permis de construire.
4. Il ressort des procès-verbaux de constat d'huissier de justice produits par
M. et Mme A... en première instance que le permis de construire en litige a été affiché de manière continue pendant une période de deux mois à compter du 9 juin 2021 en bordure de la voie assurant la desserte du secteur, à l'entrée de la parcelle n° 2927 laquelle, sans être ouverte au public ainsi que cela ressort des photographies annexées aux procès-verbaux de constat d'huissier précédemment cités, constitue le seul point d'accès au terrain d'assiette du projet en litige. Toutefois, alors que, toujours selon ces procès-verbaux, la hauteur du projet mentionnée sur le panneau était de 3,90 mètres, il ressort des pièces du dossier composant la demande de permis de construire, et plus particulièrement du plan de coupe AA PCMI 03, que la hauteur maximale du projet par rapport au terrain naturel est de six mètres. Dans les circonstances de l'espèce, et dès lors qu'aucune autre indication ne permettait aux tiers d'estimer cette hauteur, l'erreur affectant la mention portée sur le panneau d'affichage, alléguée pour la première fois en appel, doit être regardée comme étant substantielle. Dans ces conditions, l'affichage ainsi réalisé, qui était irrégulier, n'a pu faire courir le délai de recours à l'égard des tiers. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande comme irrecevable en raison de sa tardiveté.
5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu pour le juge d'appel de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Bastia pour qu'il y soit statué à nouveau.
Sur l'application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative :
6. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".
7. La requête ne présentant pas un recours abusif, les conclusions de
M. et Mme A... présentées sur ce fondement doivent être rejetées, ces dernières étant au demeurant irrecevables dès lors que la faculté prévue par ces dispositions constitue un pouvoir propre du juge.
Sur les frais liés au litige :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chaque partie la charge de ses frais.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200010 du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Bastia est annulé.
Article 2 : Le jugement de la requête de M. E... est renvoyé au tribunal administratif de Bastia.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à la commune de
Porto-Vecchio, et à M. et Mme C... et D... A....
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024 où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2024.
N° 23MA02987 2