Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 juin 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français sans délai.
Par jugement n° 2305886 du 9 octobre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 novembre 2023, M. C..., représenté par Me Bataille, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2023 et d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande de d'admission au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
A titre principal que :
- le jugement est irrégulier, en l'absence d'examen de sa demande par une formation collégiale ;
A titre subsidiaire :
au titre de la légalité externe que :
- la décision attaquée et le jugement sont insuffisamment motivés et n'ont pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle et familiale ;
- il n'a pas été procédé à la consultation préalable de la commission du titre de séjour ;
au titre de la légalité interne que :
- l'article 6-4 de l'accord franco-algérien a été méconnu en ce qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français mineur résidant en France ;
- c'est par une erreur manifeste d'appréciation qu'il a été considéré qu'il constituait une menace pour l'ordre public faisant obstacle à la délivrance d'un titre de séjour ;
- il ne pouvait lui être fait obligation de quitter le territoire en sa qualité de père d'enfant français ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conséquences qu'aurait la mise en œuvre de cette mesure sur sa situation personnelle.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Angéniol,
- et les observations de Me Tiget, substituant Me Bataille, représentant M. C...
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 19 janvier 1982 à Annaba, de nationalité algérienne, expose être entré en France pour la première fois le 26 juin 2025. Il s'est vu délivrer un certificat de résidence en qualité de parent d'enfant français valable du 10 décembre 2019 au 9 décembre 2020. Le renouvellement de ce titre de séjour a été refusé à l'intéressé par arrêté préfectoral du 20 avril 2021. M. C... a sollicité, le 2 décembre 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1-4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien qui lui a été refusé par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2023 qui l'a par ailleurs obligé à quitter le territoire français sans délai. M. C... relève appel du jugement du 9 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
3. D'autre part, aux termes de l'article 371-1 du code civil : " L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents (...) ". Aux termes de l'article 372 de ce code : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. (...) ". En outre, il résulte des stipulations précitées du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 que le respect de la condition qu'elles posent tenant à l'exercice même partiel de l'autorité parentale n'est pas subordonné à la vérification de l'effectivité de l'exercice de cette autorité.
4. Il ressort de la copie des actes de naissances que produit M. C..., que ce dernier est le père de deux enfants de nationalité française, Tarek C... et Jessime C..., nés, respectivement, le 3 avril 2019 et le 16 novembre 2020 de sa relation avec une ressortissante française, Mme B... D..., née le 14 février 1995. M. C... établit, de ce fait, être titulaire de l'autorité parentale à l'égard de ses deux enfants en sa qualité de père, en l'absence de tout élément au dossier tendant à démontrer qu'il aurait perdu cette autorité parentale.
5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance... ". ;
Cet article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'applique aux ressortissants algériens dont la situation est examinée sur le fondement du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien régissant, comme l'article L. 423-7 dudit code, de portée équivalente en dépit des différences tenant au détail des conditions requises, la délivrance de plein droit du titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " aux parents d'un enfant français mineur résidant en France. Si le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par ces textes auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent, la circonstance que la présence de l'étranger constituerait une menace à l'ordre public ne le dispense pas de son obligation de saisine de la commission.
7. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. Le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas saisi la commission du titre de séjour préalablement à sa décision de refus de titre de séjour, alors qu'il y était tenu dès lors que M. C... remplit les conditions prévues par le 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, et ce quand bien même il a considéré que la présence de M. C... constituait une menace à l'ordre public. La consultation de la commission du titre de séjour constitue une garantie pour les étrangers qui remplissent effectivement les conditions pour bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour mentionné au 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par suite, M. C..., qui a été privé d'une garantie, est fondé à demander l'annulation, pour vice de procédure, du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet des Bouches-du-Rhône, ainsi que, par voie de conséquence, des autres décisions contenues dans l'arrêté du 20 juin 2023.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C..., par ce moyen nouveau soulevé en appel, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués y compris celui tiré de l'irrégularité du jugement, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement et de l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, mais seulement, qu'il soit procédé au réexamen de la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. C.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de statuer à nouveau sur cette demande, après avoir saisi pour avis la commission du titre de séjour, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée. Il y a également lieu d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de remettre à l'intéressé, sans délai à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2305886 du 9 octobre 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2023 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la demande de titre de séjour de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à M. C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre- mer.
Copies-en sera adressée au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Marseille et au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Angéniol, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
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N° 23MA02660