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04/04/2024 | FRANCE | N°23MA01731

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 04 avril 2024, 23MA01731


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SELARL Pharmacie de Pignans a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que de la majoration correspondante.



Par un jugement no 2003221 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt

e, enregistrée le 4 juillet 2023, la SELARL Pharmacie de Pignans, représentée par Me Soumille, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Pharmacie de Pignans a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, ainsi que de la majoration correspondante.

Par un jugement no 2003221 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, la SELARL Pharmacie de Pignans, représentée par Me Soumille, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de se prononcer sur la valeur d'usage du fonds de commerce ;

- la provision constituée pour la dépréciation du fonds de commerce était déductible du bénéfice imposable de la société.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SELARL Pharmacie de Pignans ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL Pharmacie de Pignans exploite une officine de pharmacie à Pignans. Elle a fait l'objet d'un examen de comptabilité au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016. A l'issue de ce contrôle, l'administration a remis en cause une provision pour dépréciation du fonds de commerce d'un montant de 150 000 euros, et a adressé une proposition de rectification le 4 juin 2018 à la société. La SELARL Pharmacie de Pignans fait appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui en a résulté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Après avoir relevé que la valeur actuelle d'un élément d'actif est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, et que la valeur vénale du fonds de commerce, retenue par la société pour le calcul de la provision pour dépréciation, n'était pas justifiée, le tribunal pouvait écarter le moyen relatif à la déduction de cette provision sans avoir à se prononcer sur la valeur d'usage du fonds de commerce, même dans l'hypothèse où elle aurait été inférieure à la valeur vénale.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient effectivement été constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 38 sexies de la même annexe dans sa rédaction applicable au litige : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de matière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 123-14 du code de commerce : " Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. / Lorsque l'application d'une prescription comptable ne suffit pas pour donner l'image fidèle mentionnée au présent article, des informations complémentaires doivent être fournies dans l'annexe. / Si, dans un cas exceptionnel, l'application d'une prescription comptable se révèle impropre à donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ou du résultat, il doit y être dérogé. Cette dérogation est mentionnée à l'annexe et dûment motivée, avec l'indication de son influence sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'entreprise ". Aux termes de l'article 322-1 du plan comptable général, dont les dispositions ont été reprises pour les exercices ouverts après le 1er janvier 2014 à l'article 214-6 : " (...) 4 - La dépréciation d'un actif est la constatation que sa valeur actuelle est devenue inférieure à sa valeur nette comptable. / 5 - La valeur brute d'un actif est sa valeur d'entrée dans le patrimoine (...). / 7 - La valeur nette comptable d'un actif correspond à sa valeur brute diminuée des amortissements cumulés et des dépréciations. / 8 - La valeur actuelle est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage (...). / 10 - La valeur vénale est le montant qui pourrait être obtenu, à la date de clôture, de la vente d'un actif lors d'une transaction conclue à des conditions normales de marché, net des coûts de sortie. (...) / 11 - La valeur d'usage d'un actif est la valeur des avantages économiques futurs attendus de son utilisation et de sa sortie. Elle est calculée à partir des estimations des avantages économiques futurs attendus. Dans la généralité des cas, elle est déterminée en fonction des flux nets de trésorerie attendus. (...). "

5. La déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée, en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe II à ce code, outre aux conditions relatives à la dépréciation elle-même, à ce que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables. S'agissant de la dépréciation d'un élément d'actif, il résulte des dispositions du plan comptable général citées au point précédent que la passation de l'écriture comptable correspondante est subordonnée au constat selon lequel la valeur actuelle de cet élément d'actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. Par suite, la seule circonstance que la valeur vénale d'un élément d'actif soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable ne saurait, en principe, justifier la déductibilité fiscale d'une provision s'il apparaît que la valeur d'usage reste supérieure à cette valeur nette comptable, faisant ainsi obstacle à la comptabilisation d'une dépréciation.

6. La SELARL Pharmacie de Pignans a acquis le fonds de commerce d'une officine de pharmacie le 30 septembre 2009 pour un montant de 2 000 000 euros, dont 1 995 000 euros d'éléments incorporels. La société a ensuite constitué une provision pour dépréciation de fonds de commerce d'un montant de 150 000 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016. L'administration a remis en cause cette provision pour la réintégrer au résultat imposable de cet exercice.

7. Il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires de l'officine avant sa cession, tel que pris en compte par les parties à la transaction, s'est élevé à 1 679 123 euros pour l'exercice clos le 30 septembre 2006, à 1 697 897 euros pour celui clos le 30 septembre 2007, à 1 809 167 euros pour celui clos le 30 septembre 2008, et à 1 879 919 euros pour celui venant à être clos le 30 septembre 2009, soit une moyenne annuelle avoisinant les 1,7 million d'euros. Le chiffre d'affaires réalisé par la société requérante pour l'exercice clos le 31 décembre 2016 s'est élevé à 1 768 624 euros, soit à un niveau comparable aux chiffres d'affaires antérieurs à la cession.

8. La société requérante fait cependant valoir qu'un montant de 124 271 euros, correspondant à l'activité réalisée avec une maison de retraite, doit être retiré du chiffre d'affaires, dès lors que la volatilité de cette activité, qui n'était pas antérieurement réalisée par le cédant, ne la rend pas valorisable à l'occasion de la cession du fonds de commerce. Pour justifier cette position, elle se borne à se référer à un article du " Moniteur des pharmacies " de décembre 2009, où les experts-comptables interrogés indiquent qu'une telle activité peut donner lieu soit à une décote, soit à un retrait du chiffre d'affaires à l'occasion d'une cession, selon que le contrat est ou non attaché à l'officine et susceptible d'être transmis à l'occasion d'une cession, mais aussi que les acheteurs et les offreurs ne prennent pas nécessairement en compte de telles circonstances, sans même d'ailleurs que la société ne précise si cette activité serait réalisée au titre d'un contrat attaché à l'officine. Eu égard à ces éléments, la réalisation d'une partie du chiffre d'affaires avec une maison de retraite ne peut pas, à elle seule, être regardée comme ayant une incidence sur la valeur vénale du fonds de commerce.

9. La société requérante fait également valoir qu'une somme de 101 339 euros, correspondant à la partie du chiffre d'affaires réalisée pour les médicaments dont le prix excède 1 500 euros, doit également être retirée, dès lors que ces médicaments ne génèrent aucune marge pour les officines. Toutefois, les pièces produites ne mettent pas en évidence d'évolution négative par rapport à la période antérieure à la cession, le cédant s'étant borné à indiquer qu'il avait servi huit à douze patients ayant des traitements lourds au titre de la période de référence. En outre, l'arrêté du 4 août 1987 relatif aux prix et aux marges des médicaments remboursables, dans sa rédaction applicable, prévoit une marge nulle du pharmacien d'officine non pour l'intégralité du prix des médicaments concernés, mais pour la partie du prix fabricant excédant 1 500 euros. Enfin, il ressort des pièces produites, en particulier de l'attestation établie par un cabinet spécialisé en transactions pharmaceutiques, qu'une telle circonstance n'est prise en compte sur le marché que lorsqu'elle représente une part importante du chiffre d'affaires, supérieure à 15 %, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que cette circonstance ait eu une incidence sur la valeur vénale du fonds de commerce.

10. La société requérante fait enfin état d'une perte de trésorerie que les associés ont dû compenser par des apports en compte courant, de la réduction de la masse salariale et de l'augmentation du temps de travail du pharmacien titulaire. Elle ne précise toutefois pas en quoi ces circonstances auraient eu une incidence sur la valeur vénale du fonds de commerce.

11. Par ailleurs, s'agissant de la valeur vénale, il est constant que dans le secteur des officines de pharmacie, caractérisé par une activité récurrente faiblement exposée aux aléas, la valeur vénale d'un fonds de commerce, notamment en vue de transactions conclues à des conditions normales de marché, est déterminée par l'application d'un coefficient au chiffre d'affaires de la pharmacie en question. La société requérante se réfère à des études établies par l'organisme Interfimo relatives au prix de cession des officines de pharmacie dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le caractère général ne permet pas d'apprécier la valeur propre du fonds de commerce en question, ainsi qu'à quatre transactions, sans que les données propres à l'exploitation des officines ne soient identifiées, seuls le prix de cession et le chiffre d'affaires étant mentionnés, et dont trois n'ont au demeurant pas été réalisées en 2016. Elle admet cependant que le coefficient lors de l'acquisition en 2009 puisse être repris pour l'évaluation de la valeur du fonds de commerce pour l'exercice clos en 2016. Ainsi qu'il a été dit au point 7, le chiffre d'affaires réalisé au titre de cet exercice, dont les retraitements ne sont pas justifiés, est d'un niveau comparable à ceux réalisés par le fonds avant son acquisition. Par suite, la diminution invoquée de la valeur vénale du fonds de commerce au regard de sa valeur nette comptable n'est pas établie.

12. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la valeur vénale du fonds de commerce soit devenue inférieure à sa valeur nette comptable, ce qui suffit pour faire obstacle à la comptabilisation d'une dépréciation. A la regarder comme établie, la circonstance que sa valeur d'usage soit inférieure à cette valeur vénale est sans incidence, dès lors que la valeur actuelle d'un élément d'actif est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage.

13. Il suit de là que la SELARL Pharmacie de Pignans ne justifie pas du bien-fondé de la provision constituée au titre de la dépréciation de ce fonds de commerce. Dès lors, l'administration était fondée à remettre en cause sa déduction.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie de Pignans n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie de Pignans est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie de Pignans et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée pour information à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, où siégeaient :

- M. Platillero, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme A... et M. Mérenne, premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

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No 23MA01731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01731
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SOUMILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ma01731 ?
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