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04/04/2024 | FRANCE | N°23MA01315

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 04 avril 2024, 23MA01315


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.



Par un jugement n° 2209654 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 26 mai 2023, M. A..., représenté par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2209654 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2023, M. A..., représenté par Me Kuhn-Massot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet a méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision de refus de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les observations de Me Kuhn-Massot, représentant M. A....

Une note en délibéré présentée pour M. A... a été enregistrée le 22 mars 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 mai 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par M. A..., ressortissant tunisien né en 1985, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 2 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet en première instance :

2. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I.-Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire (...) fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi (...) ". Aux termes de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles : " (...) lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que si l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 mai 2022 a été envoyé à l'adresse indiquée par M. A..., par un pli adressé en recommandé avec accusé de réception, cet accusé de réception ne comporte ni la date de présentation ou de distribution du pli, ni la signature du destinataire. Par suite, et en l'absence de toute justification de la part de l'administration qui permettrait d'établir que le pli a été régulièrement distribué, la demande d'aide juridictionnelle déposée par M. A... le 6 septembre 2022 doit être regardée comme ayant régulièrement prorogé le délai de recours de trente jours. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle a été accordé à M. A... par une décision du 26 octobre 2022. Ainsi, la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 mai 2022, enregistrée au greffe du tribunal le 21 novembre 2022, n'était pas tardive. Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande présentée par M. A..., soulevée par le préfet devant le tribunal administratif de Marseille, doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 31 mai 2022 :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est entré sur le territoire français au cours de l'année 2018, vit en concubinage avec une ressortissante marocaine avec laquelle il a eu une fille née le 16 juin 2020, et qu'il travaille en qualité de peintre depuis 2020. Sa concubine, dont il n'est pas contesté qu'elle est arrivée en France alors qu'elle était âgée de trois ans et qu'elle y a suivi sa scolarité, séjourne régulièrement sur le territoire français sous le couvert d'une carte de séjour pluriannuelle et a conclu le 11 mai 2022 un contrat de travail pour un emploi de secrétaire. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. A..., l'arrêté attaqué du 31 mai 2022 a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Le jugement en litige et l'arrêté contesté doivent par suite être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Kuhn-Massot, avocat de M. A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Kuhn-Massot renonce à la perception de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2209654 du 2 mars 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 31 mai 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Kuhn-Massot, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Kuhn-Massot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, où siégeaient :

- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Mastrantuono, première conseillère,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

2

N° 23MA01315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01315
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : KUHN-MASSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ma01315 ?
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