Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 29 mars 2023 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a classé sans suite sa demande de naturalisation, ainsi que la décision implicite du 6 juin 2023 rejetant son recours gracieux.
Par une ordonnance n° 2308617 du 19 septembre 2023, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande comme tardive sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, et un mémoire enregistré le 13 février 2024, Mme B..., représentée par Me Bruschi, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 29 mars 2023 et du 6 juin 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de la convoquer à l'entretien destiné à apprécier son assimilation à la communauté française dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- elle n'a pas reçu la convocation à l'entretien qui lui a été adressée ;
- cette circonstance constitue un motif légitime d'absence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés à l'appui de la requête sont infondés.
Par une décision en date du 29 décembre 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le rapporteur public ayant été dispensé par le président de la formation de jugement, à sa demande, de la lecture de ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,
- et les observations de Me Bruschi, pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 29 mars 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a classé sans suite la demande de naturalisation présentée par Mme B.... Par l'ordonnance attaquée, dont Mme B... relève appel, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté comme tardive, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Le délai de recours contentieux de deux mois prévu par l'article R. 421-1 du code de justice administrative a couru à compter du 6 juin 2023, date de naissance de la décision implicite rejetant le recours gracieux de Mme B..., lui-même reçu le 6 avril 2023, une semaine après l'édiction de la décision de classement sans suite. Toutefois, ce délai de recours contentieux a été interrompu, en vertu de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 susvisé, par la présentation, le 28 juillet 2023, d'une demande d'aide juridictionnelle, qui a donné lieu à une décision d'attribution de l'aide juridictionnelle le 8 septembre 2023.
3. Il en résulte que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Marseille a estimé que la demande de Mme B... avait été présentée tardivement.
4. Il y a donc lieu pour la Cour d'annuler cette ordonnance, et d'évoquer immédiatement le litige.
Sur la légalité des décisions préfectorales :
5. La demande de naturalisation présentée par Mme B... a été classée sans suite sur le fondement de l'article 41 du décret susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, au motif que Mme B... ne s'était pas rendue à l'entretien auquel elle avait été convoquée.
6. Aux termes de l'article 41 du décret susvisé du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Le demandeur se présente en personne devant un agent désigné nominativement par l'autorité administrative chargée de recevoir la demande et justifie de son identité par la production de l'original de son document officiel d'identité mentionné au 1° bis de l'article 37-1. Il produit également lors de cet entretien les originaux des pièces nécessaires à l'examen de sa demande. En l'absence de comparution personnelle à l'entretien sans motif légitime, l'autorité compétente peut classer sans suite sa demande sans qu'il soit besoin de fixer une nouvelle date d'entretien. (...) ".
7. Pour contester le classement sans suite de sa demande sur le fondement de cette disposition, Mme B... soutient qu'elle n'a jamais reçu la convocation à l'entretien du 2 mars 2023. A cet égard, le préfet des Bouches-du-Rhône produit une convocation intitulée " mise en demeure " et convoquant l'intéressée à un entretien le 2 mars 2023 à 9 h 40. Le préfet des Bouches-du-Rhône justifie de la notification régulière de la convocation par la production de l'avis de réception postal, qui porte la mention " pli avisé et non réclamé ", laissant présumer que, conformément à la réglementation postale, un avis de passage a été déposé dans la boîte aux lettres de Mme B... le 1er mars 2023, sans que cette dernière ne vienne retirer le pli au bureau de poste. Si cette lettre est datée du 14 décembre 2022 alors que l'avis de passage a été déposé dans la boîte aux lettres de Mme B... le 1er mars 2023, soit la veille de la date prévue pour l'entretien, le préfet fait valoir, sans être sérieusement contesté, que le pli contenait bien cette convocation.
8. La convocation à l'entretien ayant été régulièrement notifiée à Mme B..., le préfet pouvait, en l'absence de comparution personnelle de cette dernière, procéder au classement sans suite de sa demande sans qu'il soit besoin de fixer une nouvelle date d'entretien.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les décisions préfectorales du 29 mars 2023 et du 6 juin 2023 sont illégales. Ses demandes d'annulation doivent donc être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, sa demande d'injonction.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2308617 du 19 septembre 2023 du président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bruschi.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.
N° 24MA00146 2