Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Le bar à Bières " Le B " a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet de police des Bouches-du-Rhône a prononcé la fermeture de l'établissement " Le B " pour une durée de trois mois.
Par un jugement n° 2001823 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, la société Le bar à Bières " Le B ", représentée par Me Arnaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 février 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont insuffisamment répondu à son moyen tiré de ce que l'arrêté vise un " établissement " et non une personne morale ou physique alors qu'une décision de fermeture administrative doit légalement désigner celui qui l'encourt ;
En ce qui concerne le bienfondé du jugement attaqué :
- l'arrêté vise un " établissement " et non une personne morale ou physique alors qu'une décision de fermeture administrative doit légalement désigner celui qui l'encourt ;
- l'arrêté contesté ne procède pas d'une procédure contradictoire ;
- les faits qui fondent cet arrêté sont matériellement inexacts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, le préfet de police des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le bar à Bières " Le B " relève appel du jugement du 4 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2020 par lequel le préfet de police des Bouches-du-Rhône a prononcé la fermeture de cet établissement pour une durée de trois mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement, et en particulier de son point 7, que les premiers juges, qui ne sont jamais tenus de répondre au détail de l'argumentation que leur soumettent les parties, ont, eu égard à sa précision et sa portée, suffisamment répondu au moyen soulevé devant eux par la société Le Bar à Bières " Le B " et tiré de ce que l'arrêté contesté ne désignerait pas un sujet de droit. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'Etat dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / (...) 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. (...) ".
4. L'arrêté contesté, qui ne pouvait légalement viser qu'un établissement, porte sans ambigüité sur " la fermeture de l'établissement à l'enseigne " Le B ", sis 4 rue de l'annonciade à Aix-en-Provence " et désigne ainsi, comme le prévoient les dispositions citées au point précédent, le débit de boissons dont la fermeture est ordonnée. Le moyen soulevé par la société requérante tiré de ce que cet arrêté ne désigne pas la personne morale ou la personne physique qui encourt cette fermeture doit donc être écarté.
5. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° (...) constituent une mesure de police ; (...) ".
6. Par une lettre du 3 janvier 2020, le préfet de police des Bouches-du-Rhône a porté à la connaissance de la société Le bar à Bières " Le B " les faits dont il l'avait avertie qu'ils étaient susceptibles de donner lieu à une mesure administrative à l'encontre de l'établissement " Le B ". En énonçant dans ce document que cet établissement " avait déjà fait l'objet de quatre mesures de fermeture administrative " puis en affirmant que " j'envisage une nouvelle mesure administrative à l'encontre de votre établissement ", le préfet de police a, par ces termes dénués de toute ambiguïté, fait connaître à l'intéressée la nature de la décision qu'il envisageait d'édicter. En outre, si cette société a demandé au préfet de police, par son courrier du 10 janvier suivant, de lui communiquer " les éléments qui figurent dans le dossier pour pouvoir se défendre " sans que le préfet de police ne lui transmette quelque élément en retour, il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier que le préfet de police disposait d'un autre document que le rapport du 16 décembre 2019 établi par le commissariat de police d'Aix-en-Provence et dont il s'est approprié les termes dans sa lettre du 3 janvier 2020 tandis que, par ailleurs, la société requérante, dont le gérant avait d'ailleurs été auditionné par les services de police dans le cadre des faits que cette lettre évoquait, ne précise pas la nature du document dont il n'aurait pas eu connaissance pour prétendre avoir été privée de la possibilité d'exercer sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative en cause aurait pu aboutir à un résultat différent. Enfin, les dispositions rappelées au point précédent, si elles impliquent au préfet de police de prendre connaissance des observations écrites et orales de la personne à l'égard de laquelle il est envisagé de prendre une décision, ne lui imposent en revanche pas de répondre à celles-ci préalablement à l'édiction de cette décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit, en toutes ses branches, être écarté.
7. Enfin, la société requérante n'apporte aucun élément pour remettre en cause la réalité matérielle des constatations faites par les services de police et sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour prendre l'arrêté contesté. En outre, ce dernier, qui n'inflige aucune sanction, ne saurait méconnaître le principe de la présomption d'innocence. Par ailleurs, et comme l'avait déjà relevé à juste titre le tribunal, si dans sa lettre du 3 janvier 2020, le préfet de police a mentionné que l'établissement a déjà fait l'objet de quatre fermetures précédentes de quinze jours en mars 2013, un mois en juillet 2013, deux mois en février 2018 et quinze jours en mai 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait tenu compte de ces mesures, notamment de celles survenues avant le rachat du fonds de commerce par la société et le début de son activité le 25 novembre 2013, pour décider de prononcer la fermeture de l'établissement pour trois mois. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les faits qui fondent l'arrêté contesté sont matériellement inexacts ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le bar à Bières " Le B ", qui ne conteste ni la nécessité ni l'adaptation ni même la proportion de la mesure contestée, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Le bar à Bières " Le B " demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Le bar à Bières " Le B " est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Le bar à Bières " Le B " et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2024 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.
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N° 22MA02652
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