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02/04/2024 | FRANCE | N°22MA00808

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 02 avril 2024, 22MA00808


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune du Brusquet a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société par actions simplifiée Société générale d'assainissement et de distribution (SGAD), la société à responsabilité limitée Bureau d'études Méditerranéen pour l'Eau et l'Assainissement (BeMEA), la société par actions simplifiée Montmirail et la société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres à lui verser la somme de 225 251,13 euros toutes taxes comprises, ass

ortie des intérêts au taux légal, ou, à défaut, à réaliser les travaux préconisés par l'expert e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Brusquet a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société par actions simplifiée Société générale d'assainissement et de distribution (SGAD), la société à responsabilité limitée Bureau d'études Méditerranéen pour l'Eau et l'Assainissement (BeMEA), la société par actions simplifiée Montmirail et la société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres à lui verser la somme de 225 251,13 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal, ou, à défaut, à réaliser les travaux préconisés par l'expert en pages 174 à 182 de son rapport, sous une astreinte de 2 000 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1810707 du 11 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars 2022 et le 9 juin 2023, la commune du Brusquet, représentée par Me Bouteiller, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 janvier 2022 ;

2°) dans le dernier état de ses écritures, de condamner les sociétés SGAD et BeMEA à lui verser la somme de 220 984 euros assortie des intérêts au taux légal, somme comprenant les frais d'expertise et les travaux ;

3°) de condamner les sociétés SGAD et BeMEA à réaliser les travaux préconisés par l'expert dans son rapport en page 174 à 182, sous une astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge des sociétés SGAD et BeMEA la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'engagement de la responsabilité des sociétés SGAD et BeMEA ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la responsabilité contractuelle des sociétés SGAD et BeMEA ne pouvait pas être engagée ;

- c'est également à tort que le tribunal a refusé d'engager la responsabilité décennale des sociétés SGAD et BeMEA ;

- les insuffisances des termes du marché initial ont généré des surcoûts d'un montant total de 81 467,04 euros toutes taxes comprises ;

- elle a subi un préjudice lié aux travaux supplémentaires qui se sont étalés dans le temps et ont généré des facturations complémentaires, pour la somme de 83 814,87 euros toutes taxes comprises ;

- il y a lieu de l'indemniser des travaux supplémentaires exigés par la direction départementale des territoires, d'un montant de 11 182,60 euros toutes taxes comprises ;

- elle devra être remboursée de la somme de 17 478,76 euros toutes taxes comprises qui correspond aux frais des travaux qu'elle a dû effectuer pour que la station d'épuration puisse être exploitée normalement ;

- au-delà des préjudices subis, il y a lieu de condamner les sociétés SGAD et BeMEA à réaliser les travaux nécessaires listés par l'expert en pages 174 et suivantes afin que l'ouvrage soit conforme à sa destination.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2023, la société BeMEA, représentée par Me Lazzarini, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de la commune du Brusquet ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société SGAD à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre et de réduire les demandes de la commune ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- comme l'a jugé le tribunal, sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée alors que la réception avec réserves avait été prononcée le 14 janvier 2013 et que ces réserves ont été levées le 30 mai 2013 ;

- la commune du Brusquet n'établit pas que la société BeMEA aurait manqué à son obligation de conseil ;

- la commune du Brusquet n'est pas davantage fondée à demander l'engagement de sa responsabilité décennale, dont les conditions ne sont pas remplies ;

- comme l'ont retenu les premiers juges, s'agissant de la tenue des géosynthétiques, il s'agissait de désordres apparents, et s'agissant du remplissage des matériaux plastiques, des bétons des radiers, des lests des ouvrages, des caillebottis, des dalles de béton, des méthodes de raccordement des tuyauteries, des raccordements de canalisations de liaison des ouvrages enterrés, la réalité des désordres n'est pas établie ;

- les désordres invoqués ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- au surplus la commune ne justifie pas de la réalité des dépenses qu'elle indique avoir engagées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2023 la société SGAD, représentée par Me Penso, demande à la Cour de rejeter l'ensemble des demandes dirigées à son encontre et de mettre à la charge de la commune du Brusquet la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune invoque des désordres dont elle admet qu'ils étaient apparents lors de la réception du 25 octobre 2011 ;

- c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que sa responsabilité ne saurait être engagée ;

- il ne ressort pas du rapport d'expertise que la société SGAD aurait commis une faute ;

- l'ouvrage fonctionne conformément à sa destination ;

- l'expert a convoqué la direction départementale des territoires (DDT) qui était pourtant extérieure aux opérations d'expertise ;

- toute demande se rattachant aux " exigences " de la DDT devra par suite être rejetée ;

- l'expertise a méconnu le principe du contradictoire sur les solutions techniques envisagées et leur coût prévisionnel ;

- le rapport d'expertise qui ne répond pas aux dires des parties méconnaît le principe du contradictoire ;

- comme l'a jugé le tribunal administratif, sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée alors que la réception avec réserves avait été prononcée le 14 janvier 2013 et que ces réserves ont été levées le 30 mai 2013 ;

- la commune du Brusquet n'est pas davantage fondée à demander l'engagement de sa responsabilité décennale, dont les conditions ne sont pas remplies ;

- comme l'ont retenu les premiers juges s'agissant de la tenue des géosynthétiques il s'agissait de désordres apparents, et s'agissant du remplissage des matériaux plastiques, des bétons des radiers, des caillebottis, des dalles de béton, des méthodes de raccordement des tuyauteries, des raccordements de canalisations de liaison des ouvrages enterrés, la réalité des désordres n'est pas établie ;

- les désordres invoqués ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination ;

- le rapport dont se prévaut la commune du Brusquet, qui a été établi de manière non contradictoire en avril 2022, ne revêt aucun caractère probant ;

- en tout état de cause ce rapport met en avant des désordres qui étaient apparents et un manque d'entretien de la commune ;

- la commune qui n'a pas entretenu l'ouvrage a commis une faute de nature à exonérer la société de toute responsabilité.

Un courrier du 11 mai 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 20 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Gougot, rapporteure,

- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,

- et les observations de Me Ponzio, pour la société SGAD, et de Me Sero Mora, pour la société BeMEA.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement signé le 16 août 2010, la commune du Brusquet (Alpes-de-Haute-Provence) a confié à la société SGAD la réalisation des travaux d'extension de sa station d'épuration, sous la maîtrise d'œuvre de la société BeMEA. La réception des travaux a été prononcée le 14 janvier 2013, avec diverses réserves qui ont été levées par une décision du maître de l'ouvrage du 30 mai 2013. Se plaignant de dysfonctionnements récurrents de la station d'épuration, la commune du Brusquet a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la SGAD, la société BeMEA, la société Montmirail et la société Les souscripteurs du Lloyd's de Londres à lui verser la somme de 225 251,13 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale. Par un jugement du 11 janvier 2022, le tribunal administratif a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la commune du Brusquet à l'encontre des sociétés SGAD et BeMEA. La commune du Brusquet relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté ces demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la commune du Brusquet, la motivation du jugement permettait de comprendre les raisons pour lesquelles les premiers juges ont refusé d'engager la responsabilité contractuelle et la responsabilité décennale des sociétés SGAD et BeMEA. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ne peut par suite qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la demande indemnitaire de la commune :

3. La demande indemnitaire présentée par la commune du Brusquet se limite à solliciter le remboursement des surcoûts analysés aux pages 221 et suivantes du rapport d'expertise, comprenant quatre sommes toutes taxes comprises de 81 467,04 euros, de 83 814,87 euros, de 11 182,60 euros et de 17 478,76 euros, ainsi que des frais de l'expertise pour un montant de 31 307,86 euros.

4. Toutefois, les trois sommes de 81 467,04 euros, 83 814,87 euros et 11 182,60 euros dont la commune sollicite l'indemnisation correspondent à des suppléments de rémunération demandés par les constructeurs lors de l'exécution des travaux et mandatés par la commune. Ces sommes ne peuvent donc avoir le caractère d'un préjudice indemnisable sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou sur le fondement du manquement au devoir de conseil du maître d'œuvre au moment des opérations de réception. Par ailleurs, à supposer que ces travaux aient été rendus nécessaires par des fautes contractuelles des constructeurs, la responsabilité contractuelle de ces derniers a pris fin, en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, au moment de la réception des travaux, qui a été prononcée le 14 janvier 2013 avec diverses réserves, lesquelles ont toutes été levées par une décision du maître de l'ouvrage du 30 mai 2013. Cette réception fait notamment obstacle à l'engagement de la responsabilité de la société BeMEA, maître d'œuvre, à raison des défaillances entachant le marché initial concernant la conception de l'ouvrage, des carences dans la rédaction du dossier de consultation des entreprises, des insuffisances dans le contrôle des prestations effectuées par la société Nouvelle Gardiol et du " défaut de conseil " du maître de l'ouvrage en cours d'exécution de son marché.

5. Par ailleurs, si les surcoûts liés à des " travaux d'exploitation courante " évoqués par le rapport d'expertise en page 226, et au titre desquels la commune sollicite une indemnisation d'un montant de 17 478,76 euros toutes taxes comprises, correspondent à des interventions postérieures à la réception des travaux, et portant sur la maintenance de la station et sur le remplacement ou l'installation de petit matériel, il n'est pas établi que ces opérations viseraient à remédier à des désordres de nature décennale ou à des malfaçons que le maître d'œuvre aurait dû signaler au moment des opérations de réception. A supposer que ces travaux aient été rendus nécessaires par des fautes contractuelles des constructeurs, la responsabilité contractuelle de ces derniers a, ainsi qu'il a été dit, pris fin, en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, au moment de la réception de l'ouvrage, laquelle a été assortie de réserves qui ont toutes été levées.

6. Enfin, les honoraires de l'expert, d'un montant de 31 307,86 euros, qui font partie des dépens en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ne sauraient faire partie du préjudice dont la commune du Brusquet demande l'indemnisation sur le fondement contractuel.

En ce qui concerne la demande de condamnation des sociétés SGAD et BeMEA à réaliser, sous astreinte, les travaux préconisés par l'expert dans son rapport en page 174 à 182 :

S'agissant de la demande présentée à l'encontre de la société BeMEA :

7. Si le juge administratif peut condamner une entreprise de travaux à effectuer elle-même des travaux, la responsabilité des maîtres d'œuvre en raison des malfaçons constatées dans les travaux ne peut en revanche trouver sa sanction dans l'obligation d'exécuter eux-mêmes les réparations. La demande tendant à la condamnation du bureau d'études à une obligation de faire ne peut donc être accueillie.

S'agissant de la demande présentée à l'encontre de la société SGAD :

Quant à la responsabilité contractuelle de la société SGAD :

8. Il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune du Brusquet fondées sur la responsabilité contractuelle de la société SGAD, par adoption des motifs aux points 9 et 10 du jugement qui n'appellent pas de précision en appel.

Quant à la responsabilité décennale de la société SGAD :

9. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.

10. La commune du Brusquet sollicite la condamnation de la société SGAD à réaliser, sous astreinte, les travaux préconisés par l'expert aux pages 174 à 182 de son rapport.

11. En premier lieu, au titre des travaux urgents, l'expert décrit d'une part des désordres des bermes des talus qui posent un problème de résistance à l'abrasion et souligne le rétrécissement de la largeur piétonne de ces bermes du fait de l'affaissement des talus. Or, il résulte de l'instruction, et notamment d'un compte-rendu de chantier du 6 mai 2011 auquel étaient présents le maître d'œuvre et le maître d'ouvrage, que, dès 2011, des réserves avaient été formulées sur une partie du garnissage du haut du talus et sur le maintien du matériau lors des orages ou du passage du personnel d'exploitation. Et il ne résulte pas de l'instruction que des mesures auraient été prises, avant la réception, pour y remédier. Ces désordres doivent par suite être regardés comme apparents au moment des opérations de réception, et ne sauraient par suite revêtir un caractère décennal.

12. En deuxième lieu, il en est de même de l'aire de circulation des ouvrages enterrés, pour lesquels l'expert a relevé l'absence de réalisation de dalles de protection au-dessus des cuves de plastique, absence qui était par nature apparente au moment des opérations de réception.

13. En troisième lieu, au titre des travaux indispensables ne nécessitant pas d'étude, l'expert a relevé page 177 de son rapport, au point a), le mauvais état du regard d'alimentation des fossés de finition. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ce désordre est susceptible d'affecter la solidité de l'ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination. Il en est de même du regard d'alimentation des lits de roseaux mentionné au point b) du rapport, pour lequel l'expert s'est borné à préconiser des travaux afin de faciliter la maintenance. Par ailleurs, pour les désordres recensés au point c) et affectant les canalisations de diamètre 200 PVS des by-pass de surverse au ruisseau, dont le rapport a relevé le mauvais état général en pages 159 à 162, l'expert précise lui-même qu'il s'agit de désordres affectant des travaux réalisés postérieurement à la réception des ouvrages. Ces désordres ne sont donc pas rattachables aux prestations exécutées dans le cadre du contrat en cause. Concernant la construction de regards d'accès aux drains des lits de roseaux, mentionnée au point d) du rapport, il s'agit d'une préconisation de l'expert pour le bon fonctionnement de l'ouvrage et la facilité de la maintenance, dont rien ne permet d'estimer qu'elle vise à remédier à un désordre de nature décennale. Il en va de même pour le dégrilleur, mentionné au point e) du rapport, et pour lequel l'expert a seulement relevé que la grille posée avait un espacement trop important, " pouvant entraîner un colmatage des pompes ", ce qui, compte tenu des possibilités de maintenance, n'est pas suffisant pour caractériser un désordre portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à destination. Enfin pour les quatre derniers points f), g), h) et i), l'expert se contente de mentionner qu'il s'agit de prestations contractuelles non réalisées, ce qui n'est pas non plus de nature à caractériser un dommage décennal.

14. En quatrième lieu, au titre des travaux nécessitant des études préalables, concernant le point a) l'absence de reprise du dispositif de dessablage-dégraissage, l'expert a relevé une erreur de conception car ces ouvrages ne seraient pas efficaces, les mailles du tamis-vis laissant entrer une quantité importante de sable et de graisse ce qui aurait nécessité selon lui qu'ils soient repris. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette absence rendrait l'ouvrage impropre à sa destination.

15. En cinquième lieu, l'absence de réalisation des prestations conformément aux règles de l'art n'est susceptible d'engager la responsabilité des constructeurs au titre de la garantie décennale que s'il en résulte des désordres de nature à rendre les immeubles impropres à leur destination. Par suite, la seule circonstance que, s'agissant des fourreaux Janolène de passage des câbles, correspondant au point b), l'expert ait relevé en page 163 de son rapport l'absence de protection des sorties de gaines, n'est pas suffisante pour ouvrir droit à réparation au titre de cette garantie. Il en est de même concernant le point c) relatif aux traversées de parois des ouvrages enterrés.

16. En sixième lieu, pour le point d) relatif au bac de répartition du lit bactérien, si l'expert a relevé un défaut d'étanchéité, la circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination, ce qui ne saurait en l'espèce être le cas alors notamment que l'expert a préconisé le remplacement du bac et qu'il ne résulte pas de l'instruction que le dysfonctionnement résultant du bac de répartition rendrait l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

17. En septième lieu, le point e), relatif à la pose d'un capot d'insonorisation sur le ventilateur du lit bactérien, n'est pas rattachable à un dommage de nature décennale. Il en est de même pour les points f) à j) qui correspondent à des prestations contractuelles non réalisées, générant selon l'expert des difficultés d'entretien, ces éléments étant toutefois insuffisants pour caractériser une impropriété à destination de l'ouvrage.

18. En huitième lieu, ainsi que l'a à bon droit relevé le tribunal, les désordres relatifs à la tenue des géosynthétiques, évoqués dans le rapport d'expertise page 221 ayant pour origine le manque de fixations et leur délitement correspondent à des malfaçons qui ont été détectées dès 2012 par le maître d'œuvre et le mandataire et étaient ainsi apparents lors de la réception des travaux, et ne peuvent donner lieu à un engagement de la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale.

19. En neuvième lieu, comme l'ont relevé les premiers juges, concernant les désordres évoqués dans le rapport d'expertise page 221 et entachant le " remplissage des matériaux plastiques ", les bétons des radiers et les lests des ouvrages enterrés, les bétons du caillebotis des lits bactériens, les raccordements de canalisations de liaison des ouvrages enterrés et les canalisations enterrées sous le ruisseau, l'existence de tels désordres, qui ne résulte pas du rapport d'expertise, n'est pas établie.

20. En dixième lieu, concernant les raccords des tuyauteries aériennes, si le rapport d'expertise constate que les méthodes de raccordement des tuyauteries révèlent un manque de professionnalisme des constructeurs, il ne résulte pas de l'instruction que ces désordres soient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. Le rapport d'expertise mentionne au contraire en page 173 que l'état général de l'ouvrage " présente à ce jour de nombreux défauts et désordres qui sans altérer profondément son fonctionnement posent néanmoins le problème de sa pérennité " et que " les autres rejets en milieu naturel peuvent être considérés comme normaux, ces rejets de MES devant être contrôlés avec constance " ce qui n'est pas suffisant pour caractériser des désordres de nature décennale. Et la commune ne démontre pas davantage l'existence de tels désordres en se prévalant d'un mémoire technique réalisé à sa demande, au demeurant de manière non contradictoire, le 24 avril 2023 soit presque dix ans après la réception des travaux, répertoriant notamment un délitement des dalles de béton, pentes des talus et un délabrement des lots d'infiltration sans toutefois démontrer que de tels désordres rendent impropre l'ouvrage à sa destination alors que la commune fait seulement état de " pannes fréquentes " sans plus de précisions.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Brusquet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation des sociétés SGAD et BeMEA.

En ce qui concerne l'appel en garantie de la société BeMEA :

22. Le présent arrêt ne prononçant pas de condamnation de la société BeMEA, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à être relevée et garantie par la société SGAD des condamnations prononcées à son encontre.

Sur les frais de l'instance :

23. Comme le prévoit l'article R. 761-1 du code de justice administrative, c'est à bon droit que le tribunal a mis à la charge de la commune du Brusquet, qui est la partie perdante dans la présente instance, les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 31 307,86 euros par ordonnance du 16 novembre 2017.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune du Brusquet dirigées contre la société BeMEA et la société SGAD qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties tenues aux dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Brusquet la somme que demandent les sociétés SGAD et BeMEA sur le fondement de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune du Brusquet est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société SGAD et de la société BeMEA formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Brusquet, à la société à responsabilité limitée Bureau d'études Méditerranéen pour l'Eau et l'Assainissement (BeMEA) et à la société par actions simplifiée Société générale d'assainissement et de distribution (SGAD).

Copie en sera adressée à l'expert, M. A... B....

Délibéré après l'audience du 18 mars 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 avril 2024.

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N° 22MA00808


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