Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2301865 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 novembre 2023, Mme C..., représentée par Me Mora, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut " salariée ", et subsidiairement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de droit au séjour est insuffisamment motivée et traduit un défaut d'examen complet de sa situation ;
- la décision portant refus de droit au séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, notamment quant à ses conséquences ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ont été méconnues ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de droit au séjour ;
- elle méconnait également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les observations de Me Mora, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse A..., ressortissante algérienne née en 1959, relève appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa demande.
2. En premier lieu, l'arrêté litigieux énonce les considérations de droit et de fait qui fondent les décisions litigieuses. Il révèle que, contrairement à ce que soutient la requérante, il a été procédé à l'examen personnel complet de sa situation.
3. En deuxième lieu, Mme C... est entrée en France le 20 mai 2018, sous couvert d'un visa court séjour, après avoir subi des violences conjugales en Algérie. Elle s'est vu délivrer deux autorisations provisoires de séjour, valables jusqu'au 12 juin 2020, et a pu bénéficier de soins à raison de blessures à l'œil et d'un syndrome dépressif sévère réactionnel. Par un arrêté du 15 février 2021, dont la légalité a été confirmée par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Marseille, le préfet des Bouches-du-Rhône a toutefois refusé de renouveler son droit au séjour à raison de son état de santé et l'a obligée à quitter le territoire. Au soutien de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail, elle fait valoir qu'elle est investie notamment auprès du centre d'hébergement et de réinsertion sociale qui l'accueille, qu'elle a suivi une formation " vers les métiers de la silver economy " entre les mois de juin et août 2019, puis une formation d'agent des services hospitaliers, entre les mois de décembre 2019 et mars 2020, avant d'être engagée dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes entre les mois de juillet 2020 et février 2022 et qu'elle dispose d'une promesse d'embauche dans ce secteur qui rencontre des difficultés de recrutement. Toutefois, Mme C... est âgée de 63 ans à la date de la décision attaquée, a vécu jusqu'à l'âge de 59 ans dans son pays d'origine où résident ses quatre enfants et sept de ses frères et sœurs, et n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet le 15 février 2021. Ainsi, il ne résulte pas des éléments dont elle se prévaut que sa situation relèverait de circonstances exceptionnelles telles que le préfet aurait entaché sa décision refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation d'une erreur manifeste d'appréciation, notamment quant aux conséquences de cette décision sur sa situation.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Eu égard à ce qui a été exposé précédemment au point 3, les liens personnels et familiaux de Mme C... en France ne sont pas tels que le refus de droit au séjour qui lui est opposé et l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite porteraient atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de ces stipulations.
6. En quatrième lieu, il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant refus de droit au séjour, évoqué par voie d'exception à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
7. En cinquième lieu, si Mme C... soutient qu'un retour dans son pays d'origine lui ferait encourir des risques contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles " " Nul ne peut être soumis à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ", elle ne l'établit pas en se bornant à évoquer les violences dont elle y a fait l'objet de la part de son mari, qu'elle n'allègue pas être contrainte de retrouver.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par Mme C..., en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Aurore Mora.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2024.
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N° 23MA02642
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