La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2024 | FRANCE | N°23MA01901

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 6ème chambre, 18 mars 2024, 23MA01901


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a expulsé du territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure.



Par un jugement n° 2104507 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023,

M. B..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 mars 2021 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a expulsé du territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2104507 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois ou, subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Carmier au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- son comportement ne représente pas une menace grave et actuelle pour l'ordre public ;

- les premiers juges auraient dû apprécier la situation de fait existante à la date à laquelle ils ont statué ;

- contribuant à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, il doit bénéficier de la protection instituée par le 1° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il porte une atteinte excessive à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3 § 1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par une décision en date du 30 juin 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Renaud Thielé, rapporteur,

- et les conclusions de M. François Point, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 25 avril 1983, est entré en France en 1997, à l'âge de quatorze ans. Par arrêté du 15 mars 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a expulsé du territoire français. Par le jugement attaqué, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, conformément aux principes qui régissent le recours pour excès de pouvoir, la légalité d'une mesure d'expulsion s'apprécie au regard de la situation de droit et de fait existant à la date de son édiction. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient dû apprécier la situation de fait existant à la date à laquelle ils ont statué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; / (...) ".

4. Condamné le 12 août 2019 à quatre ans d'emprisonnement, dont deux ans avec sursis et mise à l'épreuve, M. B... a été incarcéré jusqu'au 27 octobre 2020 puis placé en détention à domicile sous surveillance électronique à partir de cette date. S'il soutient avoir, pendant sa détention, chargé une amie, Mme A..., d'effectuer des versements en espèce à Mme C..., mère de ses enfants de laquelle il était séparé depuis 2015, la seule attestation de Mme A..., non corroborée par les autres pièces du dossier, ne suffit pas à établir la réalité de ces versements. Dans ces conditions, la circonstance qu'entre le 31 octobre 2020 et le 13 décembre 2020, M. B... a accueilli ses enfants pendant quatre week-ends ne suffit pas à établir la réalité de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants depuis au moins un an à la date de l'arrêté attaqué. M. B... n'est donc pas fondé à invoquer le bénéfice de la protection prévue par l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., a été condamné par jugement du 12 août 2019 du tribunal correctionnel de Marseille à quatre ans d'emprisonnement assortis d'un sursis pour deux ans, avec mise à l'épreuve, pour des faits de violences et menaces de mort sur conjoint, pour avoir cassé le bras de sa compagne d'alors, occasionnant à cette dernière trois mois d'incapacité totale de travail et plusieurs opérations, et lui avoir adressé des menaces de mort accompagnées de vidéos de décapitation car elle refusait de porter un voile islamique. Compte tenu de la gravité de ces faits, qui attestent de l'extrême violence de M. B..., et qui puisent leur source dans une idéologie dont rien n'indique que M. B... se serait départi à la date de l'arrêté attaqué, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que M. B... constituait une menace grave pour l'ordre public.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de ces stipulations par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 9 du jugement attaqué.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 15 mars 2021. Ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent donc être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Carmier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, où siégeaient :

- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,

- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2024.

N° 23MA01901 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01901
Date de la décision : 18/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. THIELÉ
Rapporteur ?: M. Renaud THIELÉ
Rapporteur public ?: M. POINT
Avocat(s) : CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-18;23ma01901 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award