Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le commandement de payer aux fins de saisie vente en date du 7 novembre 2018, tendant au recouvrement d'un indu de 12 207,95 euros, ainsi que le rejet de son recours gracieux, et de prononcer la décharge des sommes demandées.
Par un jugement n° 1903832 du 24 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2022, et un mémoire enregistré le 13 novembre 2023 et non communiqué, Mme C..., représentée par Me de Laubier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 février 2022 ;
2°) de la décharger de l'obligation de payer contenue dans le commandement de payer du 7 novembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis des erreurs d'appréciation en ne qualifiant pas la nature de ses arrêts maladie ;
- il est manifeste que l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ainsi que celle de l'agent comptable de l'université ;
- les sommes dont le recouvrement est poursuivi ne sont pas exigibles en raison de l'absence de titre exécutoire régulier ;
- ladite créance est incertaine à la fois en son fait générateur et en son montant ;
- une partie des sommes réclamées est prescrite ;
- en raison de ses difficultés financières et de sa particulière bonne foi, elle aurait dû être exonérée en partie ou en totalité des sommes réclamées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er août et 12 octobre 2023, l'université d'Aix-Marseille, représentée par Me Beauvillard, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de Mme C... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est partiellement irrecevable en ce qu'elle est en partie portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Un courrier du 9 octobre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Par ordonnance du 23 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par courrier du 22 février 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement en ce que les premiers juges ont à tort décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître d'une action en répétition des rémunérations indument versées par l'administration à l'un de ses agents.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Renaud Thielé, président assesseur de la 6ème chambre pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure,
- les conclusions de M. François Point, rapporteur public,
- et les observations de Me Souchon, substituant Me de Laubier, pour Mme C..., et de Me Beauvillard, pour l'université d'Aix-Marseille.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., a été recrutée en tant qu'agent contractuel de catégorie C pour un emploi d'agent polyvalent de secrétariat par l'université d'Aix-Marseille le 20 mars 2006, puis a vu ses contrats reconduits jusqu'au 29 février 2012. A compter du 1er mars 2012, elle a été recrutée en qualité d'agent gestionnaire administrative au sein du service commun d'Action Sociale et Culturelle de l'université. Par un avenant du 6 décembre 2013, son contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée. Par arrêté du 23 mars 2015, elle a été placée en congé grave maladie du 26 juillet 2013 au 25 juillet 2015 et a perçu un plein traitement du 26 juillet 2013 au 25 juillet 2014, puis un demi-traitement du 26 juillet 2014 au 25 juillet 2015. Le 11 juillet 2018, elle a été licenciée pour inaptitude physique. Estimant qu'elle lui avait versé à tort un traitement plein dès lors que l'intéressée percevait par ailleurs des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie, l'université d'Aix-Marseille lui a réclamé le remboursement de plusieurs trop-perçus. Le 7 novembre 2018, Mme C... a reçu un commandement de payer portant sur un indu de 12 207,95 euros. Elle a introduit une réclamation préalable devant son employeur qui l'a rejetée par décision du 22 janvier 2019. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à l'annulation du commandement de payer ainsi que de la décision portant rejet de sa réclamation et tendant à la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par le jugement du 24 février 2022, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il n'appartient pas au juge d'appel d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme C... ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de l'erreur d'appréciation que les premiers juges auraient commises.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : (...) / b) Pour les créances non fiscales de l'Etat, des établissements publics de l'Etat, de ses groupements d'intérêt public et des autorités publiques indépendantes, dotés d'un agent comptable, devant le juge de droit commun selon la nature de la créance (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que Mme C..., agente publique de l'université d'Aix-Marseille depuis le 20 mars 2006 a bénéficié d'un congé de grave maladie du 26 juillet 2013 au 25 juillet 2016 et a continué à percevoir sa rémunération tout en percevant des indemnités journalières de la sécurité sociale. En 2015 puis en 2016 et en 2017, l'administration a émis à l'encontre de Mme C... sept factures, d'un montant total de 20 229,25 euros, au titre de ce trop-perçu de rémunération, après prise en compte de la remise gracieuse accordée à hauteur de 14 829,15 euros. Dès lors que la contestation de Mme C... ne porte ni sur le principe du bénéfice d'indemnités journalières ni sur leurs montants mais sur l'action en répétition des rémunérations indument versées par l'administration à l'un de ses agents, un tel litige relève en sa totalité, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de la compétence de la juridiction administrative. Par suite, les premiers juges ont à tort décliné leur compétence s'agissant de la somme de 6 678,78 euros.
5. Le jugement est donc irrégulier dans cette mesure et son article 1er doit être annulé. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer la demande de Mme C... en ce qu'elle porte sur la somme de 6 678,78 euros.
Sur la demande de Mme C... en ce qu'elle porte sur la contestation de la somme de 6 678,78 euros :
En ce qui concerne le recouvrement des trop-perçus de rémunération :
6. En premier lieu, aux termes des trois premiers alinéas de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. / Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. / Les deux premiers alinéas ne s'appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d'une disposition réglementaire ayant fait l'objet d'une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l'objet d'une procédure de recouvrement. ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée.
8. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de cet article 37-1 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil.
9. Il résulte des principes dont s'inspirent les dispositions des articles 2241 et 2242 du code civil, tels qu'applicables aux rapports entre une personne publique et un de ses agents, qu'un recours juridictionnel, quel que soit l'auteur du recours, interrompt le délai de prescription et que l'interruption du délai de prescription par cette demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
10. Il résulte de l'instruction que Mme C... a omis de signaler à son employeur qu'elle percevait des indemnités journalières au titre de la législation de sécurité sociale. Elle entrait ainsi dans les prévisions du deuxième alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 précité aux termes duquel le délai de prescription de deux années ne peut être invoqué dans le cas où les paiements indus résultent soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à opposer la prescription biennale prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.
11. En deuxième lieu, pour contester l'exigibilité de la créance dont le recouvrement est poursuivi par le commandement de payer en litige, Mme C... évoque des moyens d'irrégularité formelle des " titres exécutoires " dont le recouvrement est poursuivi par ce commandement et notamment l'absence de mention des bases de liquidation affectant selon elle la régularité formelle de ce commandement. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales que, si Mme C... peut invoquer l'irrégularité en la forme de l'acte de recouvrement, elle ne peut, à l'occasion d'une opposition à ce dernier, invoquer l'irrégularité en la forme du titre exécutoire qui liquide la créance. Par les moyens qu'elle invoque, l'intéressée ne remet pas en cause l'exigibilité de la créance en cause.
12. En troisième lieu, l'article 13 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'état, dans sa version applicable au litige dispose que : " L'agent non titulaire en activité et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt-quatre mois suivants. (...) ".
13. Pour remettre en cause le caractère incertain de la créance en cause, Mme C... soutient que le montant qu'il lui est réclamé a varié à neuf reprises. Toutefois, il résulte de l'instruction que son employeur lui a réclamé des trop-perçus de rémunération sur la période s'étendant du 26 juillet 2013 au 25 juillet 2016 et en tenant compte de versements ponctuels ainsi que de la remise gracieuse partielle dont l'intéressée a pu bénéficier. Il ne saurait en être déduit le caractère incertain du trop-perçu de rémunération qui lui est réclamé.
En ce qui concerne la carence et la gestion fautive de la situation de la requérante :
14. Si Mme C... invoque la responsabilité de l'université d'Aix-Marseille et de son agent comptable pour des dysfonctionnements dans la gestion de sa paie et dans l'origine des trop-perçus, il résulte de l'instruction que l'origine de l'indu se trouve, ainsi que cela a été exposé plus haut, dans le manquement de l'intéressée à avoir informé son employeur ce qu'elle percevait par ailleurs des indemnités journalières de sécurité sociale. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à invoquer une quelconque responsabilité de son employeur dans la perception de trop-perçus de rémunération.
En ce qui concerne la demande de remise gracieuse :
15. L'université d'Aix-Marseille a procédé à la remise partielle de la dette de Mme C... à hauteur de 14 829,15 euros soit près des trois quarts du trop-perçu de rémunération dont Mme C... a bénéficié, pour un montant total de 20 229,25 euros. Ce trop-perçu trouvant son origine dans l'absence de déclaration par l'intéressée de ce qu'elle percevait par ailleurs des indemnités journalières, Mme C... ne saurait invoquer sa bonne foi. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que son employeur n'a pas procédé à la remise totale des sommes dues.
16. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme C... tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 6 678,78 euros au titre d'indus de rémunération doivent être rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement en ce qu'il porte sur le surplus de la demande de Mme C... :
17. L'appelante invoque à l'appui du surplus de sa demande les mêmes moyens que ceux invoqués à l'appui de sa demande portant sur la somme de 6 678,78 euros et auxquels il y a lieu de répondre de la même manière.
18. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande portant sur la somme de 5 529,17 euros au titre de trop-perçus de rémunération.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme C... dirigées contre l'université d'Aix-Marseille qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros à verser à l'université d'Aix-Marseille en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement du 24 février 2022 du tribunal administratif de Marseille, qui décline la compétence de la juridiction administrative pour connaître de l'opposition de Mme C... à hauteur de 6 678,78 euros, est annulé.
Article 2 : La demande de Mme C... en tant qu'elle porte sur cette somme de 6 678,78 euros est rejetée, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel.
Article 3 : Mme C... versera à l'université d'Aix-Marseille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à l'université d'Aix-Marseille.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2024, où siégeaient :
- M. Renaud Thielé, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Isabelle Gougot, première conseillère,
- Mme Isabelle Ruiz, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2024.
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N° 22MA01126