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15/03/2024 | FRANCE | N°23MA01820

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 15 mars 2024, 23MA01820


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2301509 du 5 juillet 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.





Procédure dev

ant la cour :



Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Almairac, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301509 du 5 juillet 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Almairac, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 5 juillet 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2023 du préfet des Alpes-Maritimes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la délivrance d'une attestation de demande d'asile postérieurement à l'arrêté contesté a eu pour effet d'abroger implicitement cet arrêté ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de droit car fondé sur les articles L. 412-5 et L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne correspondent pas à sa situation ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît les stipulations des articles 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1950 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane née le 18 juillet 1990, a fait l'objet d'un arrêté du 17 mars 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Celle-ci relève appel du jugement du 5 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2023. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Mme A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par la première juge aux points 4 et 5 du jugement attaqué.

4. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent ". Aux termes de l'article L. 541-3 de ce code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2 ".

5. Si Mme A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 11 février 2022, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 septembre 2022, fait valoir qu'elle s'est vue délivrer le 21 mars 2023, soit postérieurement à l'arrêté contesté, une attestation de demande d'asile en vue du traitement du réexamen de sa demande, cette circonstance, qui fait seulement obstacle à l'exécution de la décision contestée l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut être regardée comme valant abrogation de cette décision et est sans incidence sur sa légalité au regard des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.

6. La requérante soutient que l'arrêté contesté est fondé sur des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne correspondent pas à sa situation, tels que les articles L. 412-5, applicable aux étrangers constituant une menace pour l'ordre public, et L. 612-2, concernant les cas justifiant un refus de délai de départ volontaire. Toutefois, cette simple erreur matérielle commise dans les visas de l'arrêté est sans incidence sur la légalité de l'arrêté, le préfet n'ayant pas fait application de ces dispositions. Il ressort des motifs mêmes de la décision contestée que le préfet, qui a visé les dispositions des articles L. 542-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'est notamment fondé sur la circonstance que la demande d'asile de l'intéressée avait été rejetée par l'OFPRA et la CNDA. Il a par ailleurs accordé à Mme A... un délai de départ volontaire de trente jours en visant expressément l'article L. 612-1 applicable. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Mme A... soutient qu'elle est entrée en France en 2016 avec ses deux enfants nés au Nigéria en 2007 et 2009, qu'elle vit avec son compagnon, de nationalité nigériane, avec qui elle a eu un troisième enfant né à Nice en mai 2021. La requérante fait également valoir que les deux enfants aînés sont scolarisés en France. Toutefois, la requérante n'établit par aucun élément la réalité d'une vie commune avec son compagnon ou l'ancienneté de cette relation. En se bornant à produire une attestation de demande d'asile délivrée à ce dernier le 3 février 2021, elle n'établit pas que celui-ci serait en situation régulière sur le territoire français. Il n'est pas non plus démontré que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans son pays, où ses deux premiers enfants sont nés et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Si elle se prévaut d'une nouvelle attestation de demande d'asile délivrée le 21 mars 2023, cet élément au demeurant postérieur à la décision contestée est sans incidence sur sa légalité. Enfin, elle ne justifie pas davantage de sa présence continue sur le territoire français et d'une intégration professionnelle ou sociale particulière. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, l'arrêté litigieux du 17 mars 2023 n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. L'arrêté attaqué n'a pas pour effet de contraindre Mme A... à se séparer de ses enfants et d'imposer à ses deux aînés d'interrompre toute scolarité. Ainsi qu'il a été dit, elle ne justifie d'aucun obstacle qui s'opposerait à la reconstitution de la cellule familiale dans ce pays. Elle n'étaye pas, de plus, d'éléments probants ses allégations concernant la crainte qu'elle aurait que ses deux filles seraient exposées à un risque d'excision, alors que sa demande d'asile et celles déposées au nom de ses enfants mineurs ont été rejetées. Enfin, il n'est pas justifié, ni même allégué, de l'intensité des liens unissant le troisième enfant né en mai 2021 et son père, de nationalité nigériane, dont la situation régulière en France n'est par ailleurs pas établie. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes, en prenant la décision contestée, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 33 de la convention de Genève : " 1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier que la requérante dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, et qui reprend en appel les moyens invoqués en première instance sans apporter d'éléments nouveaux, n'établit pas qu'elle et ses enfants seraient exposés à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Nigéria. Par suite et ainsi que l'a jugé à bon droit la première juge, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 33 de la convention de Genève et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Enfin, au vu des éléments factuels énoncés aux points précédents, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A....

14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 22 février 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2024.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01820
Date de la décision : 15/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : ALMAIRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-15;23ma01820 ?
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