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15/03/2024 | FRANCE | N°23MA01668

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 15 mars 2024, 23MA01668


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2300498 du 5 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



I. Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023 sous le numéro 23MA01668, M. B..., représenté par Me Pons, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300498 du 5 juin 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023 sous le numéro 23MA01668, M. B..., représenté par Me Pons, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Nice ;

3°) d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2022 pris par le préfet des Alpes-Maritimes ;

4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de huit jours, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet a procédé à un examen sommaire de sa situation personnelle ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision est, par la voie de l'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

II. Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023 sous le numéro 23MA01669, M. B..., représenté par Me Pons, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Nice ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un récépissé de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié et L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de huit jours, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'exécution du jugement frappé d'appel risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et que les moyens énoncés dans sa requête d'appel paraissent sérieux en l'état de l'instruction.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mahmouti.

Considérant ce qui suit :

1. Par les deux requêtes susvisées, M. B..., ressortissant tunisien, sollicite l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 5 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes pris le 29 décembre 2022 l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". M. B... n'a pas déposé de demande d'aide juridictionnelle depuis l'enregistrement de sa requête. Par suite et en l'absence d'urgence, il n'y a pas lieu de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ". La décision contestée comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que celle-ci est insuffisamment motivée.

4. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que cette même décision serait entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé.

5. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale. Et aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L.412-1 ". Invoquant ces stipulations et dispositions, le requérant doit être regardé comme soutenant que, lorsque la loi prescrit qu'un étranger doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce que celui-ci puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement. En l'espèce, si à la suite du jugement du tribunal judiciaire de Nice du 10 février 2021 qui a établi sa paternité, M. B... a sollicité un titre de séjour " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes et expose qu'il n'a pu disposer de l'acte de naissance modifié de son enfant, né le 14 juillet 2017, que le 1er septembre 2022, les pièces qu'il verse au débat ne sont cependant pas de nature à démontrer qu'il vit avec cet enfant et la mère de celui-ci, l'adresse qu'il a indiquée aux services de police lors de son audition le 27 décembre 2022 le domiciliant à Nice tandis que les justificatifs qu'il produit au débat font état d'une adresse située à Saint-Laurent-du-Var. En outre, il ne produit aucun élément justifiant de la réalité et de l'intensité du lien qu'il dit entretenir avec son enfant français, telles que des photographies ou des témoignages de proches. Enfin, les deux attestations des services d'Action Éducative en Milieu Ouvert (AEMO) dont il se prévaut, datées pour l'une de 2019 et pour l'autre de 2021, sont anciennes et insuffisantes pour établir l'effectivité de la relation entre lui et son fils. Dans ces conditions, M. B... ne remplissait pas, à la date de l'arrêté contesté, les conditions prévues par les stipulations de l'article 7 quater précité et des dispositions de l'article L. 423-7 précitées et, par suite, il pouvait, contrairement à ce qu'il soutient, légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Comme il l'a été dit au point précédent, le requérant ne justifie ni de la réalité et de l'intensité du lien qu'il allègue entretenir avec son fils ni de l'effectivité de sa vie commune avec la mère de cet enfant. Par ailleurs entré en France de manière irrégulière, il ne justifie en outre pas son allégation selon laquelle il s'y serait maintenu depuis 2014 et ne fait pas non plus état d'une insertion sociale ou professionnelle particulière. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la mesure a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit donc être écarté.

7. Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, la décision attaquée ne porte nullement atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. B....

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. La décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions de la requête n° 23MA01669 à fin de sursis à exécution du jugement :

10. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement n° 2300498 sont donc devenues sans objet.

Sur les conclusions accessoires :

11. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit, les conclusions du requérant présentées en appel à fin d'injonction sous astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les demandes d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... à fin de sursis à l'exécution du jugement du 5 juin 2023 du tribunal administratif de Nice.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 23MA01668 et 23MA01669 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me Pons et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 22 février 2024 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 mars 2024.

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N° 23MA01668- 23MA01669

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01668
Date de la décision : 15/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : PONS;PONS;PONS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-15;23ma01668 ?
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