La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2024 | FRANCE | N°23MA01806

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 08 mars 2024, 23MA01806


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.





Par un jugement n° 2304849 du 16 juin 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal admi

nistratif de Marseille a rejeté cette demande.





Procédure devant la Cour :





Par une requête et un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2304849 du 16 juin 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juillet 2023 et 9 février 2024, sous le n° 23MA01806, M. A..., représenté par Me Gathelier, demande à la Cour :

1°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2023 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de se prononcer sur le moyen tiré de la violation du b) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas examiné si sa demande de réexamen avait été présentée dans le seul but de faire échec à une mesure d'éloignement en application des dispositions du b) du 2° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par une décision du 27 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité turque, né le 10 septembre 2001, serait entré en France en septembre 2019, selon ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 30 avril 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 14 octobre 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). M. A... a introduit, le 2 février 2023, une demande de réexamen de sa demande d'asile rejetée par l'OFPRA le 13 février 2023 pour irrecevabilité. Il a été interpellé par les services de police le 12 mai 2023. Par un arrêté du 12 mai 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement attaqué par lequel, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 12 mai 2023 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".

3. Par décision du 27 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... pour la présente instance d'appel. Dès lors, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ". Selon l'article L. 542-1 du code précité : " (...). / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". L'article L. 542-2 dudit code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; (...) / 2° Lorsque le demandeur : (...) b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : (...) / 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article ". L'article L. 531-42 du même code dispose que : " A l'appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d'asile. / L'Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un examen préliminaire des faits ou des éléments nouveaux présentés par le demandeur intervenus après la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu'il n'a pu en avoir connaissance qu'après cette décision. / Lors de l'examen préliminaire, l'office peut ne pas procéder à un entretien. / Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l'office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n'augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d'irrecevabilité ".

6. En premier lieu, comme dit au point 1, M. A... a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 30 avril 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 14 octobre 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le requérant a formé, le 2 février 2023, une demande de réexamen de sa demande d'asile pour laquelle le préfet lui a délivré une attestation le 17 janvier 2023. Cette demande de réexamen a été rejetée par une décision d'irrecevabilité de l'OFPRA le 13 février 2023, notifiée le 11 avril 2023, selon la fiche TelemOfpra produit par le préfet. Par ailleurs, il ressort d'une décision de la CNDA n° 23029260 du 14 février 2024 que la décision d'irrecevabilité de l'OFPRA a été prise sur le fondement des dispositions des dispositions du 3° de l'article L. 531-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque, à l'issue d'un examen préliminaire effectué selon la procédure définie à l'article L. 531-42, il apparaît que cette demande ne répond pas aux conditions prévues au même article et dès lors que les éléments présentés par M. A... n'étaient pas de nature à augmenter de manière significative la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection.

7. En second lieu, il ressort des termes de la décision contestée que, pour estimer, sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... n'avait plus le droit de se maintenir sur le territoire français, en application de l'article L. 542-2 du même code, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris en compte, le fait que l'intéressé s'était vu notifié, le 10 janvier 2022, un arrêté du 13 décembre 2021 portant rejet de sa demande d'asile assorti d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours étant précisé qu'il a vu sa demande de réexamen rejeté par l'OFPRA le 13 février 2023. Ainsi, le préfet s'est placé sur le fondement du 1°, b) du L. 542-2 et non de celui du 2°, b). Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir d'une méconnaissance du b) du 2° du même article, et notamment de la circonstance que sa demande de réexamen ne visait pas à faire échec à une décision d'éloignement, l'arrêté attaqué n'ayant pas été pris sur ce fondement. Il s'ensuit qu'en ne répondant à ce moyen qui était inopérant, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille n'a pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. La décision contestée, qui comporte les considérations de droit et de fait relatives à la situation de M. A... est suffisamment motivée.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A..., entré irrégulièrement en France en septembre 2019 selon ses déclarations, n'établit pas la continuité de séjour sur le territoire national. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans charge de famille. Il n'établit pas être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Dans ses conditions et alors même que ses deux oncles et deux cousins résideraient régulièrement en France, eu égard à la durée de la présence en France de M. A... et à ses conditions de séjour, la décision contestée n'a pas porté une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...). / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

12. M. A... n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient effectivement menacées en cas de retour dans son pays d'origine en se bornant à se prévaloir de ses origines kurdes, d'un courrier de son avocat en Turquie l'informant qu'une convocation devant les autorités judiciaires turques lui avait été adressée et qu'un mandat d'arrestation avait été délivré par les autorités turques à son encontre du fait de son militantisme politique, ainsi que " d'un verdict rendu définitif " de la chambre pénale de Mus du 19 décembre 2022 le condamnant à six ans, neuf mois et douze jours de prison lequel est dépourvu de valeur probante comme l'a relevé la CNDA dans sa décision du 14 février 2024 mentionnée au point 6. Par ailleurs, la demande d'asile de l'intéressé a d'ailleurs été rejetée dans les conditions rappelées au point 1. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations et dispositions citées au point précédent ne saurait être accueilli.

Sur la décision portant interdiction de retour d'une durée d'un an :

13. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10 et alors même que M. A... ne constituerait pas une menace à l'ordre public, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mai 2023.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de M. A....

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées pour M. A... à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2024.

2

N° 23MA01806

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01806
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : GATHELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-08;23ma01806 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award