Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2301761 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, sous le n° 23MA01804, M. A..., représenté par Me Zerrouki, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente et dans les dix jours, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans les mêmes conditions d'astreinte, de procéder, dès la notification de la décision à intervenir, à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 800 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Zerrouki, qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la somme contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il aurait dû saisir la commission de titre de séjour dès lors qu'il justifie d'une résidence en France depuis plus de dix ans en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté viole les articles 3 et 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour d'une durée de deux ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2023.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- et les observations de Me Zerrouki, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité guinéenne, né le 28 mai 1993, serait entré en France le 28 septembre 2012, selon ces déclarations. Il a déposé une demande d'asile le 14 février 2013 qui a été rejetée par une décision du 31 décembre 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 20 mai 2015 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). M. A... a déposé, le 6 mai 2022, une demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 14 novembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 14 novembre 2022.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... justifie d'une présence continue en France d'une durée de sept ans, à compter du 29 août 2015, date de sa sortie de détention à la suite de sa condamnation, le 25 septembre 2014, par le tribunal de grande instance de Toulon à une peine de trente mois de prison pour des faits de complicité de tentative d'escroquerie et d'escroquerie en bande organisée et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit. Toutefois, cette condamnation restée isolée est ancienne à la date de l'arrêté contesté. Par ailleurs, M. A... n'a effectué que 18 mois de détention en raison d'une remise de peine prononcée par une ordonnance du 20 août 2015 du juge de l'application des peines compte tenu de ce qu'il a exercé l'emploi d'aide cuisinier pendant 8 mois et suivi une scolarité. Dans ces conditions, c'est à tort que le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé que, à la date de l'arrêté attaqué, la présence de M. A... en France constituait une menace à l'ordre public. Par ailleurs, il a été bénévole au Secours Populaire Français à partir du 1er septembre 2015 puis titulaire d'un contrat de travail à temps partiel depuis le 8 juin 2016, renouvelé le 1er juin 2017 pour exercer un emploi d'agent d'entretien dans cette même association. Il produit également des bulletins de paie depuis juin 2016 pour des postes d'agent d'entretien, d'aidant familial ou d'ouvrier agricole. Il bénéficie ainsi d'une insertion professionnelle de près de six ans et demi à la date de l'arrêté en litige. De nombreuses attestations de connaissances et de bénévoles témoignent de sa grande implication auprès du Secours Populaire Français lequel souhaite le faire bénéficier d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en adéquation avec son niveau d'études et de formation. Par suite et dans les circonstances particulières de l'espèce, en rejetant sa demande d'admission au séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône implique nécessairement, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, qu'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " soit délivré à M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juillet 2023. Par suite, son avocat, Me Zerrouki, peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Zerrouki renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celle-ci de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 14 novembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Zerrouki la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Zerrouki renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Zerrouki et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 23 février 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2024.
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N° 23MA01804
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